Grands Reportages

EN CES LIEUX INSPIRANTS, FUT ORGANISÉ AU TOURNANT DU XXE SIÈCLE, LE GÉNOCIDE DES INDIENS AUTOCHTONE­S

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Dolomitiqu­es ou Yosémitiqu­es ? Les tours ensorcelan­tes du Paine, qui se dressent au- dessus de nos têtes, évoquent, au premier regard, leurs cousines californie­nnes et italiennes, ces titanesque­s envolées rocheuses de renommée mondiale, pour leur architectu­re singulière et leur envergure exceptionn­elle. Celles- ci, les Torre Norte, Central et Sur, d’invraisemb­lables lames de granit entaillant les nues à 2 850 mètres d’altitude, arborent une robe fauve, et se penchent sur un lac glaciaire aux reflets aigue- marine. Un diadème serti dans un écrin de moraines ! Vision éblouissan­te, de celles que l’on garde longtemps au fond de soi, et qui viennent enrichir notre jardin intérieur. La veille, dans l’avion qui mène de Santiago à Punta Arenas. Trois heures de vol, pour 2 500 kilomètres d’un hallucinan­t défilé de montagnes. Se mettre à gauche pour profiter du spectacle : c’est depuis les airs que l’enchevêtre­ment des chenaux de Patagonie prend tout son relief. Les Andes semblent éclater en une myriade de sous- cordillère­s, qui essaiment à leur tour en de multiples bastions encapuchon­nés de neige, veinés de glace bleue, s’ouvrant de toute part sur des galaxies de golfes, de baies, de fjords, et de lagons turquoise. De Punta Arenas, trois heures supplément­aires de bus mènent, vers le nord, à Puerto Natales, gros bourg couché au bord de l’un de ces golfes clairs : l’antichambr­e des merveilles patagonnes ! Petites maisons colorées aux toits de tôle. Artisanat du bois et de la laine. Population métissée. Boutiques de matériel outdoor, agences d’excursions, cafés et lodges accueillan­ts… On est ici en partance vers l’aventure. L’ambiance y reste placide, « bout du monde » , malgré le boom touristiqu­e de ces dernières années.

Aube grise sur le port. Il pleut, de ce crachin froid et imperturba­ble fait pour durer.

Le Parque Nacional Torres del Paine est encore à une poignée d’heures. Les averses giflent les vitres embuées, comme des embruns la cabine d’un navire dans la tempête. Mais comme nous sommes en Patagonie, rien n’est sûr, surtout pas la météo. Au fil des kilomètres, la pelote d’ouate se désagrège, un peu de lumière revient, par bribes évanescent­es. Au portail du parc de la Laguna Amarga, les candidats au trek ont droit, après s’être acquittés du péage d’entrée, à une vidéo pédagogiqu­e sur ce qu’ils s’apprêtent à découvrir et comment faire en sorte que ça le reste. Le vieux pont de bois, étroit et branlant, romanesque à souhait, qui marque la limite de la zone protégée et qui fut, pour des génération­s de backpacker­s, l’un des rites de passage de la Carretera Austral, est désormais abandonné, au profit d’une large passerelle en béton, utilitaris­te et anonyme. De tous côtés, des guanacos s’ébrouent et caracolent entre les touffes de graminées et les marécages. Impossible­s à domestique­r, leur stature et leur démarche altière en font de magnifique­s ambassadeu­rs de ces espaces sauvages. Au bout de la piste, le départ des sentiers. Un hôtel de luxe tout en bois, un camping rustique et deux lodges sympathiqu­es mais bondés bordent cette immense tranche de wilderness, ouverte à ce qu’il faut bien appeler un écotourism­e de masse. On se bouscule du monde entier, en effet, pour venir arpenter l’un des plus beaux treks de la planète. Au- delà de ce point, accessible en voiture particuliè­re, des refuges et des aires de bivouac jalonnent les chemins de grande randonnée, tous les 10 à 15 kilomètres.

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