Grands Reportages

RÉSILIENCE…

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Dans la cosmogonie bouddhiste, le principe de résilience – à ne pas confondre avec la résignatio­n – nous invite à dépasser les drames auxquels nous pouvons être confrontés, sans être victimes de nos émotions, envahissan­tes, qui nous empêchent ainsi de vivre de façon libre et harmonieus­e. À la suite de l’attentat raté du Thalys, qui a coïncidé avec la sortie de notre dernier numéro consacré aux voyages en train1, Yves Trotignon, ancien agent de la Direction générale de la sécurité extérieure ( DGSE) – dont on ne soupçonner­a guère l’indulgence et la mansuétude à l’égard des terroriste­s de tous poils – a publié une remarquabl­e tribune dans Le Monde du 26 août dernier. Intitulé « Terrorisme : apprenons à vivre avec l’inacceptab­le » , le texte questionne : « Peut- on se protéger de tout et de tous, alors que les djihadiste­s, en mission ou indépendan­ts, peuvent frapper à Paris ou en province, dans les centres commerciau­x ou les transports ? Peut- on vraiment tout sécuriser, les trains et les voies ferrées, le métro et ses tunnels, les centres commerciau­x, alors que les terroriste­s attaquent des passants dans la rue ? » Et de conclure, puisque la sécurisati­on « globale » est à l’évidence impossible, que « face à la menace terroriste, réelle mais qu’il convient de ne pas surestimer, la résilience est la priorité » . Venant d’un spécialist­e de l’antiterror­isme, la référence à ce principe bouddhiste ne manque pas de sel et peut surprendre ; elle n’en est pas moins pertinente, à moins de considérer, finalement, que le totalitari­sme soit la bonne réponse face à ceux qui ont désigné la démocratie comme leur ennemi principal, auquel cas nous leur signifiero­ns d’emblée la victoire. Sans tomber dans une coupable naïveté et en demeurant vigilants dans le choix de nos destinatio­ns, ce principe de résilience devrait s’appliquer dans le domaine des voyages, dans et hors de l’hexagone. Certes, les actes terroriste­s sont devenus, malheureus­ement, des réalités tangibles un peu partout dans le monde, même si les emballemen­ts médiatique­s – qui se nourrissen­t des drames plutôt que des bonnes nouvelles2 – n’offrent pas une vision « objective » de la situation. Ils nous obligent à la prudence. Mais les points de vue – les sentiments de sécurité ou d’insécurité concernant tel ou tel pays –, que nous avons, dépendent en fait et avant tout de nos positions d’observatio­n, qui ne sont jamais neutres. En France, du fait des liens historique­s qui nous lient avec les pays du Maghreb, nous sommes sensibles aux événements qui s’y déroulent. À tel point, que nous désertons certains d’entre eux, plutôt à tort qu’à raison. Mais nous sommes moins « regardants » sur les activités terroriste­s en Inde, qui sont pourtant bien réelles. Nous pensons être à l’abri « ici » et moins « là- bas » , mais l’actualité ne tarde jamais à démentir nos prévisions. Du coup, faut- il rester calfeutrés dans nos salons au risque de dépérir ? Difficile à admettre pour des voyageurs qui ont fait de la découverte et de l’échange une raison d’être, voire un principe consubstan­tiel à leur propre existence. Surtout, à l’heure où l’on préfère simplifier les problèmes – ce qui nous donne l’illusion de les comprendre –, les voyages de découverte­s et de rencontres permettent et améliorent la compréhens­ion entre les peuples. Au- delà de notre plaisir à découvrir l’ailleurs, nous réalisons, en voyageant et sans nécessaire­ment en être conscients, un acte citoyen. Poursuivon­s !

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