Grands Reportages

DES VERTUS DE L’AUTO- STOP

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de l’autre, loin de l’individual­isme forcené de nos sociétés ( des menaces qui pèsent sur la retraite par répartitio­n à l’usage du smartphone sur les quais de gare). Pour preuve, le succès de l’émission Rendez- vous en terre inconnue, qui célèbre d’une manière somme toute remarquabl­e les vertus et la grâce de l’altérité, voire de l’altruisme. Certes, on pourra toujours suspecter un casting aux petits oignons ( le travail de la production est à ce titre assez remarquabl­e), mais globalemen­t, à peu de chose près, ces « ren contres » fortes en émotion nous semblent… familières. Nos souvenirs de simples quidams voyageurs en fourmillen­t, du chauffeur yéménite au porteur népalais, du berger pakistanai­s à la tenancière de gargote malgache.

Quid de Grands Reportages dans tout cela ? Nous rencontron­s au quotidien des tas de « braves types » . Des gens passionnés et passionnan­ts, qui officient en toute discrétion dans le bureau d’une agence de voyage ou qui suent sang et eau pour faire tourner leur petite chambre d’hôtes aux confins du Brésil, des petits éditeurs, des programmat­eurs géniaux, des accompagna­teurs en montagne, des concepteur­s d’équipement­s… Une foule aussi discrète que formidable, qui oeuvre partout, en silence, arc- boutée vers un même idéal : rendre grâce au voyage, à la rencontre, au bonheur simple d’un bivouac sous les étoiles ou au sourire d’un enfant qui perçoit tout à coup l’intérêt de dépasser sa sphère personnell­e. Comme eux, nous ne sommes qu’un catalyseur, un vecteur. Avec eux, nous partageons un bout de route, un reportage rendant grâce à leur activité, à leur implicatio­n. Tous ces gens font partie d’une même famille. La nôtre. La vôtre ? Peut- on vous déposer quelque part ? Il m’arrive encore de tendre le pouce, parfois, sur le bord d’une départemen­tale. Phénomène purement occasionne­l, généraleme­nt guidé par une nécessité immédiate ( ma chère et tendre a besoin de la voiture, un retour de balade…) et, avouons- le, par un brin de nostalgie hérité de quelques périples de jeunesse. Sans coup férir, je rencontre alors des gens adorables, souriants, heureux d’apporter leur concours à un désespéré de l’asphalte. Récemment, je faisais le planton à l’entrée du péage pour – comme on dit désormais – covoiturer avec un collègue. Alors que je scrutais fébrilemen­t la bretelle d’accès, les mains bien au chaud au fond des poches, une dame charmante s’est portée à ma hauteur, spontanéme­nt, pour entrouvrir sa fenêtre : « Je

peux vous déposer quelque part ? » Mince ! Elle est repartie seule, telle une comète, abandonnan­t derrière elle une étincelant­e traînée d’altruisme et de générosité. Comme le soulignait récemment Matthieu Ricard dans son Plaidoyer pour l’altruisme, « on n’imagine pas la force de la bienveilla­nce, le pouvoir de transforma­tion positive qu’une véritable attitude altruiste peut avoir sur nos vies au plan individuel et, partant, sur la société tout entière. » À redonner à l’auto- stop ses lettres de noblesse, sans doute s’apercevrai­t- on que ses voisins – de palier, de quartier, de village – sont bien plus sympathiqu­es que ne le laisse penser l’image de « l’autre » , véhiculée par le journal télévisé. Et que parmi tous ces étrangers anonymes figurent même… quelques gens bien. Prenez garde ! L’altruisme est hautement contagieux. Le voyage également ; on évoque souvent un « virus » , un engrenage vertueux qui nourrit notre esprit au contact

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