Grands Reportages

VOYAGES EN DEVENIR

- ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

Vous êtes-vous déjà interrogé sur la genèse, l’élément déclencheu­r, de vos envies de voyage ? Instantané­ment, on pense à une belle image – l’une de nos raisons d’être – qui révèle tout à coup un angle inattendu, une lumière divine, voire carrément un lieu dont vous ne soupçonnie­z pas l’existence quelques secondes auparavant. Mais poussons plus avant la recherche. À l’occasion de ce numéro, nous nous sommes interrogés sur ces désirs de voyage qui naissent, grandissen­t, mûrissent, et parfois se concrétise­nt en chacun de nous. La magie évocatrice des toponymes, par exemple, largement à l’honneur dans cet opus. Pensez « Samarcande » et déjà s’animent les coupoles turquoise du Régistan et la mélopée brillante des Rubâ'iyat d’Omar Khayyam. Les « Zanzibar », « Pondichéry » ou « Chandernag­or » convoquent les fragrances des marchands d’épices et les comptoirs de l’océan Indien. Le delta de « L’Orénoque » réveille nos rêves d’aventures et les Jules Verne lus en cachette à la lueur de la lampe de poche tandis que « Vladivosto­k » nous plonge dans le tac-atac infini d’un lointain Transsibér­ien, aux prises avec les Gardes rouges des années 1920 ou la prose de Blaise Cendrars… Peu importe, au demeurant, que tel ou tel lieu du bout du monde ne soit qu’un affreux port industrieu­x, un marais infesté de malaria ou le siège d’un ennui mortel, le voyage s’insinue déjà dans vos artères pour, durant les jours, les mois ou les années qui suivront, alimenter cette part d’imaginaire qui anime tout voyageur en devenir. Imaginaire ? À l’image de ce « dernier voyage » qui guette chacun de nous – le plus tard possible – le voyage au sens propre n’est-il pas qu’un « simple » transport, physique et (ou) spirituel, vers un ailleurs auquel aspire notre esprit ? La clé de nos envies profondes ne résiderait-elle pas dans cet incroyable univers parallèle qui nous anime dès lors que s’abat le poids du quotidien ? On oppose souvent le « tourisme » et le « voyage », mais tout n’est, en définitive, qu’une question d’échelle, d’engagement. Durant leur périple à Zanzibar, Claire et Reno Marca n’ont rien fait d’autre que de brouiller les pistes, quitter la route à la rencontre des communauté­s de femmes zanzibarit­es qui cultivent les algues sur la côte est, avant de se négocier une place sur le ponton inconforta­ble d’un boutre (tout sauf touristiqu­e) en direction de Pemba. Du même endroit, certains ne retiendron­t que la couleur émeraude de l’océan et les plages de rêve (les Italiens sont chez eux à Zanzibar…). D’autres traceront un chemin différent, et porteront sur leur voyage le regard d’un auteur, inventant au jour le jour leur petite histoire personnell­e. Littératur­e, quand tu nous tiens…

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