Grands Reportages

UN AUTRE REGARD SUR L’IRAN ?

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Du Maroc à l’Égypte, de la Turquie à la Libye, de la Tunisie à la Jordanie, c’est tout le monde arabomusul­man qui subit cette année, en termes de fréquentat­ion touristiqu­e, les répercussi­ons des attentats de 2015 en France et des conflits en Libye, Syrie, Irak ou Afghanista­n. Dès lors, avec sa fréquentat­ion en hausse depuis 2014, l’Iran fait figure de curiosité dans le monde musulman – rappelons qu’il ne fait pas partie du monde arabe car de culture perse. Certes le pays a longtemps été assimilé aux « barbus » de la pire espèce, et en proie à des tensions régulières avec les pays occidentau­x, mais il semblerait que les récentes avancées sur l’échiquier régional aient fait de l’Iran un pays désormais « fréquentab­le ». Comme les rappelle si bien Franck Charton dans les pages qui suivent (voir page 34 notre dossier « Retourner en Iran »), la république islamique n’a pas voué aux gémonies les immenses portraits des « guides suprêmes » et les silhouette­s fantomatiq­ues continuent de se faufiler à l’ombre des immenses dômes bleutés des mosquées du pays. Mais la richesse d’un voyage dans l’ancienne Perse ne se résume pas à ses trentecinq dernières années. Aurait-on oublié qu’avant la prise de pouvoir de Khomeiny et la chute du Shah en 1979, ce pays comptait parmi les plus brillants du Moyen-Orient ? En d’autres temps, en 1935, le Shah Reza Pahlavi avait jeté les bases d’un Iran laïc, à l’image de la Turquie d’Atatürk ; étaient notamment interdits le port du voile pour les femmes, et obligation était faite aux hommes de se vêtir « à l'occidental­e », tandis que s’accélérait la modernisat­ion du pays : fondations d'université­s, constructi­ons de chemins de fer et industrial­isation massive. Son fils Mohammad Reza Pahlavi régnera jusqu’en 1979 (non sans avoir renversé par un coup d’État Mohammad Mossadegh qui avait tenté d’instaurer une démocratie laïque à l’aube des années cinquante). À son tour, il instaurera la « Révolution blanche », visant à moderniser le pays, via une réforme agraire, l’alphabétis­ation des population­s, le suffrage universel y compris pour les femmes… Loin de nous l’idée d’instaurer une « nostalgie du Shah ». Le culte grandissan­t de la personnali­té et un régime autocratiq­ue illustrant toujours davantage les inégalités entre le pouvoir et le peuple auront eu raison de la dynastie royale iranienne, avec la suite funeste que l’on sait. Mais une chose demeure. Passé le regard soupçonneu­x des basidjis ou des policiers pas toujours bien intentionn­és, la véritable richesse de l’Iran moderne se découvre d’abord à travers son peuple, qui se révélera immanquabl­ement accueillan­t et incroyable­ment cultivé. Et sans doute aurions-nous tort d’assimiler, d’une manière générale, un peuple à ses dirigeants, ou de le juger sur sa seule histoire récente. En ces temps de désamour avec nos propres élites, d’aucuns vous diront, des deux côtés de l’Atlantique, qu’on n’est jamais à l’abri d’une vilaine gueule de bois. Et qu’on en prend souvent pour trente ans…

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ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

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