Grands Reportages

AVEC LES CAVALIERS DU BOUZKACHI

POUR LES PEUPLES CAVALIERS DE L’ASIE CENTRALE, DE L’AFGHANISTA­N AU KAZAKHSTAN, LE JEU DES JEUX PORTE UN NOM : BOUZKACHI. CÉLÉBRÉ EN OCCIDENT DANS LE ROMAN FAMEUX DE JOSEPH KESSEL, IL RASSEMBLE PARFOIS PRÈS D’UN MILLIER DE CAVALIERS. C’EST DANS LES CONTREF

- TEXTE ET PHOTOS JEAN-MARC PORTE

au coeur de la mêlée, sur les traces des héros du roman de Joseph Kessel.

Fin de matinée, un peu au-delà du village d’Urgut, à quelques encablures de la frontière tadjike. Il fait jour blanc sur les sommets environnan­ts… Perché sur le toit d’un camion, surplomban­t le « cercle de justice » à nos pieds, regarder s’assembler lentement les centaines et les centaines de spectateur­s… Au loin, sur de grands terrains vagues au-delà du village, les Lada, les bus, les motos et les camions dessinent un parking improvisé. Sur les flancs de chaque côté du terrain, des grappes d’hommes en toques se rassemblen­t, debout, dans les pentes gelées. Braseros. Brochettes. Vodka. Au fur et à mesure des minutes qui passent, la densité des cavaliers au coeur de l’espace libre grandit. Cinquante. Cent. Deux cents. Cinq cents cavaliers finissent par cercler dans l’arène blanche. Le bouzkachi va commencer. Au fil des lectures et du temps, ce simple mot avait pris pour nous une valeur quasi incantatoi­re. Un mot, un simple mot, pour (en)chanter le monde ? Du bouzkachi auquel nous étions venus assister de si loin, nous parlaient les pages presque jaunies de Kessel. Une histoire venue des plaines d’Afghanista­n, tremblante d’espace et de galop, de brutalité et de sauvagerie. Un bouzkachi ? C’est terrible et simple : On choisit dans le troupeau un bouc. On l’égorge. On lui tranche la tête. Pour alourdir la dépouille, on la bourre de sable, on la gonfle d’eau. On la dépose dans un trou si peu creusé que la toison affleure le sol. Non loin du trou un petit cercle est tracé à la chaux vive. Et il porte le nom de « hallal » qui, dans la langue turkmène veut dire « cercle de justice ». Et sur la droite du hallal, on plante dans la steppe un mât. Et sur sa gauche, un autre. À égale distance. Pour la longueur de cette distance, il n’y a pas de règles. Elle peut exiger une heure de galop ou bien trois, ou bien cinq. Les juges du bouzkachi en décident à leur gré. Joseph Kessel, Les Cavaliers.

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Ils sont venus par centaines, par milliers même, pour assister à l’incroyable spectacle des cavaliers qui s’affrontent dans l’arène des montagnes ouzbèkes.

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