KHIVA LA FORTERESSE DU DÉSERT
OUTRE LES MERVEILLES ARCHITECTURALES PRÉSERVÉES DERRIÈRE SES REMPARTS, LA VIEILLE VILLE DE KHIVA OFFRE LA POSSIBILITÉ D’IMMERSION DANS DES FAMILLES FIÈRES DE PARTAGER LEURS TRADITIONS ET LEUR ART DE VIVRE.
Il est cinq heures, Khiva s’éveille… et, une fois n’est pas coutume à cette heure matinale, je délaisse mon appareil photo pour plonger mes mains dans un gros tas de farine disposé à même le sol, sur une bâche en plastique. Nous sommes tout un petit groupe dans la cuisine de Zulkhumor, inscrits à la « masterclass » pour apprendre à faire le pain ouzbek de A à Z. C’est son fils, Jaloladdin, qui traduit les gestes que nous devons effectuer afin de pétrir la pâte et en faire des petites boules. Dans la cour, le four tandoori traditionnel est alimenté depuis un bon moment déjà par des tiges de cotonnier séchées. D’une main experte, Zulkhumor vient frapper les boules de pain, qui entretemps ont levé, contre les parois du four afin qu’elles y adhèrent pendant toute la durée de la cuisson. Venues profiter des festivités (et de ces « exotiques » touristes !), ses amies apportent du miel, puis du beurre et enfin du thé afin de déguster les galettes dorées que nous avons confectionnées ensemble. Un moment inoubliable de convivialité !
LE FILS DE NOÉ
Après ce petit déjeuner, Jaloladdin, également gérant de la maison d’hôtes dans laquelle je suis logé, m’invite à parcourir les rues de Khiva que le soleil commence tout juste à illuminer. La cité est un monument à elle toute seule ! Nommée Itchan Kala, la ville intérieure constitue un musée en plein air comme figé par le temps dans ses fortifications de pisé. Probablement la plus homogène des villes sur les routes de la Soie, la forteresse compte de très nombreux édifices remarquables parmi lesquels : la mosquée Juma avec sa forêt de colonnes, le Kalta Minor, le minaret court, et la médersa Mohammed Amin Khan, aujourd’hui transformée en hôtel (Orient Star Khiva), le mausolée de Pakhlavan Mahmoud, un complexe funéraire en parfait état, et le Tach Khavli, le palais de pierre aux superbes faïences. Fier de sa belle cité, Jaloladdin me raconte que Khiva aurait été fondée, selon la légende, à l’endroit même où Sem, fils de Noé, creusa un puits.
Derrière ses hautes murailles de plus de dix mètres de haut, l’oasis constituait la dernière étape des caravaniers avant la traversée du désert en direction de la mer Caspienne et de la Perse. Nos pas nous mènent jusqu’à un quartier où se succèdent des échoppes d’artisans, travaillant leur technique et honorant leur commande sous les yeux des passants : ici des portes, colonnes ou meubles (qui seront ensuite passés à l’huile de coton) mettant en oeuvre les gestes délicats des sculpteurs sur bois d’orme ; là des maîtrespeintres restaurant des pièces d’art et des portions entières de monuments historiques ou encore décorant du mobilier… J’apprends que le père de Jaloladdin, maîtrerestaurateur de grands monuments, était le chef rénovateur des plafonds décorés de Khiva !
DÎNER AVEC VUE PANORAMIQUE
« Il est temps d’aller faire un tour du côté du bazar », me presse mon hôte. C’est que le spectacle n’attend pas : des alignements alléchants de fruits et légumes locaux aux tailles surdimensionnées ! Pastèques, melons, raisins, citrouilles, melons jaunes se dressent sur les étals des marchands tels des trophées des « meilleurs cultivateurs de l’année » et mettent immanquablement l’eau à la bouche. La plupart viennent directement de la vallée fertile de Ferghana. « Celle-ci est vraiment sucrée, je vais en prendre un bout », glisse Jaloladdin après avoir goûté un morceau de pastèque avec son couteau. « Tu devrais revenir pour Kovum Saili, la fête du melon… C’est ici qu’on élit les meilleurs produits du pays. » Nous rentrons vers la chambre d’hôte alors que le soleil décline dans le ciel. Ce soir, nous dînons dans une salle à manger atypique : une terrasse sur le toit, donnant directement sur les remparts de la citadelle et offrant une vue panoramique ! De charmantes petites assiettes décorées nous attendent sur une longue table en bois. Au menu : le traditionnel plov cuisiné par Zulkhumor agrémenté par un pain qui revêt, au-delà de sa saveur singulière, une dimension plus profonde : nos galettes ouzbèkes, fruits d’une coopération matinale dans l’une des plus belles villes sur les routes de la Soie.