Grands Reportages

LA BELLE HISTOIRE

- ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

Comment ne pas regarder avec une pointe d’envie les onze années cumulées de voyage d’un Sven Hedin (voir page 26), sur un territoire alors quasi vierge, si ce n’est d’une histoire millénaire encore totalement méconnue à l’époque ? Ou d’un Aurel Stein, découvreur (disons plutôt collecteur) des manuscrits de Dunhuang, au printemps 1907. Ou d’un Francis Younghusba­nd, le premier Européen à avoir admiré l’envers du K2 et la vallée de la Shaksgam (1887). Ou du duo Ella Maillart / Peter Fleming, auteurs d’une traversée de sept mois de Pékin jusqu’à Srinagar (Cachemire indien), en 1935. À noter que chacun d’entre eux publia un récit de ce périple : Oasis interdites, d’Ella Maillart, et Courrier de Tartarie, de Peter Fleming, n’ayant en commun que leur pérégrinat­ion. À chaque explorateu­r, son regard. Son regard, et la trace qu’il laisse sur les génération­s futures. Tous, sur le piédestal de leurs écrits et découverte­s, ne sont après tout que les enfants du pionnier Marco Polo, le maître des merveilles (voir Grands reportages n°427, décembre 2016). Quelle mouche asiatique avait bien pu piquer cet aréopage de grands voyageurs ? Se rendre compte par euxmêmes, sans doute, de la véracité des récits anciens, des légendes, des rumeurs qui courraient pardelà les montagnes de l’Himalaya et du Pamir ? L’heure d’alors n’était pas aux blogs que l’on « scrolle » à la va-vite, ni même aux magazines qui nous invitent (depuis 1978 pour Grands reportages) à explorer le monde. Les revues étaient rares (Le Tour du Monde paraîtra malgré tout à quatre-vingtsix reprises, de 1860 à 1914) et les récits d’écrivains voyageurs encore davantage. On partait, comme pour apporter une vision supplément­aire à la / sa connaissan­ce, avec peu d’informatio­ns, de rares cartes très imprécises, laissant au voyage et à sa débrouilla­rdise le soin d’inventer la suite. Un siècle plus tard, restent les mythes. Kachgar l’envoûtante n’est plus, et ce n’est pas sans un pincement au coeur que l’on songera au défunt bazar ou à la halte obligée dans les jardins du consulat britanniqu­e (tous y sont passés ; Monsieur le consul devait s’ennuyer ferme…). Mais au-delà de l’expansion tentaculai­re des villes chinoises (et, à un degré à peine moindre, postsoviét­iques), le voyage sur les routes de la soie conserve intacte son aura romantique. Dépliez la carte qui s’étale de Samarcande à Dunhuang, promenez votre index sur les routes, les cols, les cités aux noms évocateurs. Déjà, le début d’une belle histoire. La vôtre ?

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