Dans la mêlée
Impossible de savoir qui joue avec qui. Ou contre qui. Impossible de saisir le moment où le jeu va trouver son point de déséquilibre, son mouvement brutal, ou sa dissolution. Impossible de prévoir quand et où tout va se lier-délier. Parfois, un groupe de cavaliers semble exploser hors des limites du terrain. Les sabots partent à l’assaut des coteaux. La terre vole… Mouvements désordonnés des spectateurs. Il faut se dégager au plus vite de la trajectoire. La charge s’épuise contre le relief, reflue comme une vague, où un cavalier s’échappe. Et malgré cette charge peut-être attendue, le mur des spectateurs se ressoude tranquillement derrière le passage des chevaux… Difficile de saisir qui a sa chance. Ou pas. Dans la mêlée, des visages reviennent pourtant, comme fermés, souvent presque absents au monde. Pour les meilleurs cavaliers, la colère, la violence sont enserrées soigneusement dans un écrin de puissance et de complicité avec leurs montures… Rien ne s’arrête jamais. Un gagnant brandit son lot et s’en retourne. Le tracteur charge sa nouvelle cargaison et s’éloigne. Les chèvres décapitées cahotent dans un mélange de glace et de sang. Au fond, un groupe de jeunes cavaliers – adolescents plus que jeunes adultes – attend son heure. Dans les rangs de spectateurs, on boit, on discute et on rit de plus en plus fort alors que la fin de l’après-midi avance.