NOTRE COEUR TEND VERS LE SUD
LUMIÈRES ET ACCENTS. LAVANDES ET CALCAIRE. LA GRANDE PROVENCE EST UNE ALCHIMIE D’AMBIANCES HEUREUSES DONT NOUS DÉTENONS TOUS QUELQUES MÉMOIRES. CAP VERS UN SUD SOUVENT BLEU INTENSE, CELUI DES BERGERS ET DES ARTISTES, DES VILLAGES SOLITAIRES, DES TARASQUES
Un nom qui sonne comme une caresse, entourée de soleil, de pierres sèches et de vent. Des cascades d’images heureuses, aux climats souvent d’étés, pleins de liberté et de vacances. Des parfums et des sonorités (lavandes, cigales, accents, pastis et mistral compris…) recouvrant avec la même chaleur des maquis de montagnes pastorales, un palais des Papes bien loin de Rome, la fontaine d’un village perché à l’ombre de ses platanes, une calanque dévorée d’azur, la silhouette basse d’un mas, les mauves d’un champ dans les garrigues… De ses îles au sommet du Ventoux, la grande Provence, lumière et couleurs comprises, a des goûts puissants de rupture, d’autrement et de douceur. Toute cette « Italie de la France », aux ambiances mondialement plébiscitées, et qui ne ressemblent justement pas vraiment ni à l’une ni à l’autre, est pour beaucoup d’entre nous une immense madeleine de Proust. Des mondes aux atmosphères précieuses que Cézanne, Giono ou Pagnol ont balisés de bien des repères. De ses recoins les plus perdus au coeur de ses grands rassemblements culturels, dans les rues de ses capitales (Avignon, Aix, Arles ou Marseille…) ou de ses villages, c’est cette même Provence qui est envahie pacifiquement chaque été par des millions de visiteurs aussi épris de chaleur que d’images méridionales de « sud » et de « midi ».
ENTRE LITTORAL ET RELIEFS
L’invitation est vaste. Et l’exercice de sa simple délimitation est déjà une traversée de ses mondes. L’identité culturelle des terres de Provence est ancrée dans un puzzle de paysages et de reliefs que l’actuelle région PACA englobe presque totalement aujourd’hui? Aux frontières ouest de l’ancienne provincia romaine, le sillon rhodanien et le Rhône tracent l’axe le plus ouvert de tous ses accès : de la Drôme provençale et Montélimar jusqu’aux horizontales parfaites de la vaste plaine pastorale de la Crau et du delta du Rhône, des vergers de fruitiers aux manades camarguaises, les parcs régionaux des Baronnies provençales, du Luberon, des Alpilles et de la Camargue sont à portée de main, au fil immédiat de l’autoroute du Soleil. Frontière sud ? Le grand littoral de la Méditerranée. Massifs (Calanques, Sainte-Baume, Maures…) et îles (Frioul, Hyères, Lérins…) : jusqu’au Var, d’Arles à Cannes, cette Provence oscille entre ciel et mer, d’arrières-pays discrets en côte souvent sublime. À l’ouest, la remontée de ses frontières orientales, généralement abordées au fil de la route Napoléon, porte, elle, bien des essentiels des reliefs complexes de la région. Clues et cols, gorges et vallées étroites : les Alpes de Provence, que les géographes aiment à appeler les Alpes sèches, loin à l’est de la balise solitaire du mont Ventoux, remontent de l’embouchure du Var jusqu’au lac de Serre Ponçon, presque au pied des Écrins. La star des lieux : le parc et le canyon du Verdon, qui occultent bien souvent une constellation de massifs sauvages, âpres, et magnifiques d’isolement (massif du Cheval Blanc, des Monges, de l’Estrop…). Tous ces reliefs possèdent un dénominateur géographique puissant, la Durance. Au nord d’Aix-en-Provence, la vaste percée de ce grand affluent du Rhône relie d’un trait les Alpes sèches aux collines du Luberon et jusqu’à la montagne de Lure, au sud de Sisteron.
LANGUE D’OC ET PÈLERINAGES
Vaucluse, Bouches-du-Rhône, Alpes de Haute Provence, Var, sud de la Drôme : ces départements délimitent désormais un cadre millénaire, où se sont ancrés bien des traits d’une vaste culture provençale. L’exception de ce sud si attirant, bien avant l’âge d’or du tourisme et des loisirs, a fort à faire, entre autres marqueurs majeurs, avec la Méditerranée, la Grèce et la Rome antique. Oliviers et littoral communs? L’image n’est pas qu’une
histoire de climat. Elle se nourrit d’influences profondes qui continuent d’affleurer dans de nombreux visages de la région. Marseille, Cannes, Hyères ou Nice: six siècles avant notre ère, tous ces ports furent créés par les navigateurs venus de Méditerranée orientale. Sur les rives du Rhône, Arles fut la seconde Rome de l’Empire au début de notre ère. Théâtres, arènes et aqueducs : à Orange, Saint-Rémy, Riez, Vaison, Fréjus, Cimiez, Marseille, Fontaine-de-Vaucluse, les vestiges de cette haute époque continuent d’habiter la Provence, de ses paysages jusqu’au coeur de ses festivals d’été. Avignon, cité des papes au XIVe siècle, sera brièvement le coeur de la chrétienté en Occident, mais se sont peut-être d’abord les légendes des saints de Provence (Marie-Madeleine et des compagnons du Christ, échoués depuis la Palestine sur les côtes de Camargue) qui continuent d’animer, des crêtes de la Sainte-Baume aux processions des SaintesMaries-de-la-Mer, de très grands pèlerinages provençaux. Hautes heures des comtes de Provence. Vivacité de langue d’oc et de ses dialectes. Rattachée au royaume de France au milieu du XVe siècle, cette Provence presque familière attendra longtemps une renaissance… inouïe.
UNE PROVENCE AVÉ L’ACCENT
Le mélange, qui mûrit à partir de la seconde partie du XIXe siècle, ressemble à un assemblage d’essences rares. Il croise régionalisme éclairé, d’immenses oeuvres littéraires et picturales. Et déjà, les premiers touristes. Le poète Fréderic Mistral, entre tous, sera le père de la sauvegarde des traditions et la culture provençale. Une « réaction », dans une France désormais républicaine et laïque, qui ne donnera pas à la Provence que les Lettres de mon Moulin et les santons de Noël: premier dictionnaire franco-provençal, premier musée (Arles) dédié aux cultures provençales. Mistral recevra un Nobel de littérature pour une oeuvre (Mirèio) écrite… en provençal! Chants, costumes, langues, musiques, fêtes : une Provence pleine d’arlésiennes et de folklores se réunit sous son emblème, la cigale, et les réunions annuelles des Félibriges, une académie littéraire en langue d’oc qui perdure encore aujourd’hui. Sur le littoral, à Saint-Tropez, autre tableau. Alors que la crème de la bourgeoise européenne commence à goûter au climat hivernal (!) si doux du sud, Paul Signac, peintre et amateur de plaisance, ancre pour la première fois son voilier à Saint-Tropez, avant d’y