LE CALCAIRE EN CATHÉDRALE
UN MONSTRE GÉOLOGIQUE TAPI SOUS LES PLATEAUX D’ALTITUDE. UNE ORGANISATION SURPUISSANTE ET PARFAITE DE SOLITUDE, DE CHAOS ET DE VIDE. LE GRAND CANYON ? SUBLIME, FORCÉMENT SUBLIME.
Les Cavaliers. La Mescla. L’Escalès. La Maline. Le Styx. La Carelle. Dans le canyon du Verdon, il suffit de se pencher (pas trop…) sur n’importe lequel de ses belvédères célèbres pour que tout (re)commence à chaque fois. Vertiges émotionnel et physique d’une géologie unique en France et en Europe: l’expérience Verdon est celle d’un monde tout entier de vide et de verticales puissantes, entaillant sur sept à huit cents mètres de profondeur les plateaux arides et quasi désertiques des Préalpes. Un canyon comme un royaume solitaire, dominé de dizaines et de dizaines de secteurs aux architectures d’un calcaire invraisemblablement évidé par un minuscule fil d’eau verte presque perdu dans le panorama. Six mètres (!) dans sa partie la plus étroite, pour trancher cinquante kilomètres d’immense beauté? Littéralement dévoré d’une troisième dimension d’espace omniprésente (le vide), le sortilège du Verdon est une pure merveille de Provence. Le site phare du parc régional du Verdon accueille près d’un million de visiteurs chaque année. Mais sa beauté a très longtemps attendu ce succès. On doit ses premières descriptions conséquentes au plus anarchiste des voyageurs-géographes, Élysée Reclus, à la toute fin du XIXe siècle. Avant ? Le canyon du Verdon n’est qu’à peine effleuré de sentiers muletiers et de drailles sèches. Ses premières approches ont des goûts d’exploration pure ?
LES ROUTES DU VERTIGE
Les premiers visiteurs arrivent en train depuis le haut Verdon, puis en voiture à cheval. Dans les années 1930, un spéléologue (Édouard Martel) et un géologue (Isidore Blanc) explorent pour la première fois, à pied et en barque l’intégralité du canyon. L’aventure (cinq jours de déboires…) donnera naissance à un sentier majeur, portion actuelle du GR 4 : le sentier Blanc-Martel, dont les célèbres tunnels, eux, doivent tout aux chantiers avortés de régulation hydro-électrique des eaux du Verdon. Entre le Point Sublime et la Maline, ses quinze kilomètres dans le ventre du canyon sont toujours le sentier le plus célèbre des gorges. Les routes actuelles (la Corniche Sublime, en rive gauche, l’actuelle D 71, terminée en 1948) et la routes des Crêtes (D 23, terminée, elle, en 1973) permettent en une journée de virages et de vertige de faire le tour du géant « par le haut ». La grande boucle commence au sud de Moustiers-SainteMarie. Première approche : la D 952 en direction de la Palud-sur-Verdon. Passé le col de l’Olivier, le belvédère Maireste, le col d’Ayen, la route s’écarte du canyon pour déboucher sur le village et ses hameaux. Depuis les années 1970, le village modeste est le camp de base de l’histoire de l’escalade dans le Verdon, révélé notamment par Patrick Edlinger. Il rassemble sur sa place, et dans ses (quatre) bistrots, des grimpeurs venus du monde entier. Nous avons tous le droit au frisson du vide ? C’est à la Palud que débute le fleuron du Verdon, la route des Crêtes.
Le calcaire, en solitude aride. L’immense beauté géologique du Verdon dépasse de loin les frontières de son Grand Canyon
CHEMINS DE SOLITUDE
Vingt-quatre kilomètres à effectuer dans le sens des aiguilles d’une montre, pour d’époustouflants rendez-vous avec le canyon. Trescaire, Carelle, Escalès, gorge de Guègues, EIcharmes, chalet de la Maline, Imbut : quatorze (!) belvédères majeurs se succèdent en quelque vingt-cinq kilomètres. De retour à la Palud, la route continue vers Rougon. Position enviable : le village perché, qui domine le Point Sublime, fait directement face au couloir Samson, l’entrée du Verdon dans les gorges. Le retour en rive gauche commence juste avant Castellane, par le franchissement du pont de Soleils. La D 90 frôle le beau village de Trigance avant de tomber sur l’Artuby et les vastes espaces du camp militaire de Canjuers. Balcon de la Mescla. De l’Artuby. La Corniche Sublime commence réellement une fois franchi le pont de Chaulière, sur l’Artuby. Une route étroite. Des tunnels. Et à nouveau, des balcons de vertige. Tunnel du Fayet, les Cavaliers, les forêts de hêtres du cirque de Vaumale : passé le col d’Illoire, la redescente sur Aiguines, dominant le lac de SainteCroix, boucle la boucle retour vers Moustiers, via le pont du Galetas. Ce circuit classique de cent-dix kilomètres est trop fréquenté? Le Verdon recèle de merveilleuses routes perdues. Quelques exemples d’immenses arrières-pays d’une singulière sauvagerie? Il est possible de rejoindre la Palud depuis Moustiers par les pistes fort carrossables sous les crêtes du Montdenier, le long de la Vallonge. Ou de partir à la découverte des hameaux perdus de Majastres ou de Soleil Boeuf, au fil de l’extraordinaire D 17, qui rejoint le col perdu de la Croix. Plus de solitude encore ? Sous Rougon, en amont du canyon, oubliez votre voiture au départ du belvédère du couloir Samson. Rejoignez le pont silencieux du Tusset, et remontez le GR 49 jusqu’au plateau de l’Encastel. À main droite, en une petite heure de marche, les crêtes et le belvédère de Rancoumas proposent un face à face XXL et solitaire avec les plus belles falaises du Verdon...