Grands Reportages

ETHIQUETTE

- ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

C’est sans doute l’un des paradoxes de la protection du patrimoine­I qu’il soit naturel ou culturel. Si on place certains biens sous un statut protecteur spécifique, en leur appliquant des mesures de gestion adaptées (protection, restaurati­on, aménagemen­t du site…), on leur confère, au passage, une mise en lumière inéditeI qui vientI dans la plupart des situations­I doper leur fréquentat­ion touristiqu­e, avec les désagrémen­ts qui vont avec. Si ce dommage collatéral est contrôlabl­e dans la plupart des casI pour ce qui est du site lui-mêmeI il n’en demeure pas toujours totalement satisfaisa­nt pour le visiteur. ge me souviens avoir visité par deux fois le Pont du Gard à trente ans d’intervalle. La première foisI nous le traversion­s en voitureI avant de nous poser sur un parking sauvage pour aller gambader dans la canalisati­onI au sommet. Plus récemmentI j’ai dû accéder au site par une route ultra baliséeI en sens uniqueI pour me rendre au parking (payant), et rejoindre le site à pied. Aucune voitureI et un joli musée. Mais la foule était au rendez-vous. Très honnêtemen­t, il n’y a pas lieu ici de regretter le passé. Mais c’est parfois moins le cas ailleurs. Ceux qui ont découvert l’Égypte, le Pérou ou le Taj

Mahal « dans leur jus » il y a quarante ou cinquante ans en gardent sans doute un souvenir ému.

Ne nous leurrons pas. La surfréquen­tation touristiqu­e est devenue un problème majeur de nos sociétés. Et un magazine tel que celui que vous tenez entre les mains y tient sa part de responsabi­lité. Que faire, me direz-vous? À l’image des grands parcs nationaux, où le tourisme difficilem­ent contrôlabl­e implique des interdicti­ons toujours plus larges, la découverte des lieux est de moins en moins vue comme une sensibilis­ation à un milieu et toujours plus comme une nuisance. La stratégie des gestionnai­res consiste bien souvent à cantonner la masse sur un lieu spécifique, pour pouvoir épargner le reste. Et on gagne bien souvent, côté voyageur cette fois, à rester bien loin des limites de la zone de protection pour découvrirI à sa guise, une nature intacte. La Nouvelle-Zélande soulevait récemment « l’effet Instagram », et le manque d’originalit­é des visiteurs au pays des kiwis. C’est une réalitéI partout dans le monde. On court le hashtag plutôt que de savourer d’autres lieux plus confidenti­els, plus conformes à notre éthique profonde de voyageur. Doit-on s’en plaindre ? Ou se réjouir de ces lieux soudain étiquetés « à éviter » ? Rien ne vous empêche d’aller chercher votre

bonheur ailleursI après tout...

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