Sauvons Venise
Confrontée à plusieurs menaces dues au tourisme massif, aux DOMMAGES CAUSéS PAR UN flUX CONSTANT DE NAVIRES DE CROISIèRE ET AUX EffETS NéGATIFS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES, VENISE EST SOUS HAUTE SURVEILLANCE. L’HISTOIRE DE L’ART EN DéPEND.
Qui n’a jamais vu de représentations de Venise ? Les canaux, les gondoles, les ponts par centaines, la place Saint Marc ou le Grand Canal… autant d’images solidement ancrées dans un imaginaire collectif qui renvoient à des archétypes immédiatement identifiables, que l’on ait eu la chance de se rendre effectivement dans la ville lacustre ou non. De Casanova à James Bond, de Paul Morand à Shakespeare, les références culturelles se bousculent sur les canaux. Pourtant, la ville ne vit pas que de mythes. Au nord-ouest de la mer Adriatique, où se jettent plusieurs fleuves venus des Alpes, la région était habitée dans l’Antiquité par des pêcheurs. Auguste, l’empereur romain avait délimitée la zone comme la région X. On l’appela ensuite Venetia, en référence aux Vénètes, peuple italique, intégré à la République romaine dès le deuxième siècle avant J.-C. Les invasions ensuite, se multiplièrent, de celles des Goths d’Alaric 1er à celle des Huns d’Attila. Mais, c’est l’invasion lombarde qui décida de ce que l’on reconnait être aujourd’hui la fondation de la Venise actuelle, aux alentours au début du
VIe siècle. Pendant onze siècles alors, de 697 à 1797, la ville fut la capitale de la république de Venise. Puissance maritime considérable tout au long du Moyen-Âge puis de la Renaissance, Venise fut à l’origine de la Quatrième croisade qui aboutit en 1202 à la prise de Constantinople. C’est de Venise aussi que Marco Polo entreprit ses explorations et ses voyages vers l’Orient, bien avant les découvertes portugaises. Lien privilégié entre l’Europe, l’Asie et le Proche-Orient de par sa situation géographique et son ouverture sur les mers, Venise devint un pôle commercial de premier rang, régissant les commerces de la soie, des céréales et des épices. Plus tard, entre le XIIIe et le XVIIe siècle, la ville devint un centre culturel extrêmement puissant, notamment grâce aux peintres de l’École vénitienne comme Titien, Véronèse ou encore le Tintoret.
DE GUERRES EN CONQUÊTES
Au XVIIe siècle, on parle de Venise comme la ville la plus élégante et raffinée du monde. Son influence sur les arts, mais aussi la littérature et l’architecture, n’a plus à faire ses preuves. Considérée alors comme un État italien parmi les autres, Venise est annexée par Napoléon Bonaparte le 12 mai 1797 au cours de la Première Coalition. Cette invasion mit fin à près de huit siècles d’indépendance. Pourtant, les troupes françaises furent perçus comme des libérateurs
par les populations pauvres et juives de Venise. En effet, la république aristocratique redistribuait les richesses entre quelques familles et Bonaparte supprima les barrières du Ghetto (et donc les restrictions de circulation imposées aux Juifs). En 1797, par le traité de Campoformio, Bonaparte échange Venise contre la Belgique aux Habsbourg. Mais, il leur reprend en 1805 et l’intègre au royaume d’Italie dont il se fait couronner roi ! Plus tard, entre 1815 et 1866, la ville devient partie intégrante de l’Empire d’Autriche. Le 3 octobre 1866, après la défaite de Sadowa, Venise devient définitivement un chef-lieu de province italien et entame sa longue marche vers le tourisme mondial. Malgré cette histoire tumultueuse, faite de conquêtes et de guerres, la ville a pu être miraculeusement préservée. Sur cette lagune de la mer Adriatique, les fondations de la ville ont été construites en enfonçant des pieux d’aulne ou de chêne dans le sol sablonneux. Les maisons, les palais et les églises ont ensuite directement été bâtis sur ces fondations. L’utilisation de ce système de pilotis s’explique parce que le sol humide et instable ne pouvait pas accueillir les techniques plus traditionnelles. Ainsi, pour ériger la basilique Santa Maria della Salute, les Vénitiens ont très précisément utilisé 1 006 657 pilotis de quatre mètres de long, en chêne, en aulne et en mélèze ! Pour une superficie totale de 415 km2, les eaux occupent plus de la moitié de l’espace, soit 253 km2. Au total, ce ne sont pas moins de 177 canaux qui serpentent à travers la ville. Et quelque 455 ponts arqués permettent aux bateaux de passer et aux piétons de traverser. Car Venise, bien entendu, est une ville piétonne, où les canaux font office de routes. Désarmé face à une telle organisation, Chateaubriand parlait d’une « ville contre nature ».
Près de deux cents canaux serpentent à travers la cité vénitienne et la lagune