Sous le charme de Riga
Nichée dans un golfe de la mer Baltique, Riga a joué un rôle clé dans le développement économique, culturel et sociétal de toute la région nord-est de l’Europe. Résolument moderne, la capitale lettone a su s’ouvrir aux INFLUENCES ET PRÉSERVER SON IDENTITÉ HISTORIQUE.
La capitale de la Lettonie a été construite, puis a prospéré au fond du golfe de Riga, où se jette la Daugava, sur les rives nord de la mer Baltique. Ville d’influence, centre industriel, commercial et financier, mais aussi poumon culturel, Riga rayonne au coeur de la région de Vidzeme. L’évolution de son urbanisme à travers différentes époques et styles architecturaux est le témoin encore vivant aujourd’hui de l’histoire de la Lettonie, de celle de l’ensemble des pays baltes et du continent tout entier. Le centre historique de Riga est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1997. Née à l’orée du XIIIe siècle, Riga est une illustration encore durable de l’histoire européenne. Elle fait partie de la Hanse, appelée aussi Ligue hanséatique, qui constitue alors une puissante confédération commerciale entre les villes portuaires de Hambourg et de Lübeck, situées toutes deux à l’ouest de la mer Baltique. Le trajet Novgorod, Riga, Dantzig, Hambourg et Bruges fonctionne alors comme des routes commerciales où les échanges de marchandises peuvent prospérer. La laine anglaise, la fourrure russe, les céréales des grandes vallées
de Prusse, les harengs de Scandinavie, le vin de Gascogne ou encore les textiles de la Flandre sont les principales richesses qui transitent sur cet axe. Une véritable coalition de privilèges défendue par une flotte puissante et une union politique relativement souple, où chaque ville garde son autonomie.
DU MÉDIÉVAL À L’ART NOUVEAU
Le tissu urbain du centre médiéval de Riga témoigne de manière précise de cette époque de faste. Entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, l’actuelle capitale lettone occupait une place incontournable dans l’organisation de ces échanges. Et même si beaucoup de bâtiments anciens ont malheureusement disparu à cause d’incendies ou de conflits successifs, leur empreinte n’en demeure pas moins nette. Lieu de rencontre entre les nations, Riga, depuis sa création, a toujours été une ville tournée vers la modernité, frontière symbolique entre l’Europe de l’ouest et celle de l’est, un carrefour qui n’a jamais cessé de préserver son intégrité au cours de ses développements et de ses transformations. Au XVIIe siècle, face au port de Stockholm, Riga était la plus importante ville provinciale de Suède. Au XIXe siècle, elle a connu une industrialisation fulgurante. De ces deux grands mouvements historiques, combinés à la période médiévale de la Hanse, persistent aujourd’hui de nombreux témoignages à travers toute la ville, offrant un paysage architectural chargé de symboles. C’est à partir du XIXe siècle que la cité portuaire a commencé à penser ses quartiers périphériques. On
construisit d’abord d’impressionnants édifices en bois de style néo-classique, avant de les remplacer le plus souvent par des bâtiments Art nouveau. Puis, au tournant du XXe siècle, la capitale fut reconnue comme la ville où ce style architectural s’est le plus fortement affirmé. Avec une cinquantaine de bâtiments Art nouveau dans la partie médiévale et plus de trois cents dans le reste du centre historique, force est de reconnaître que Riga en est aujourd’hui l’une des plus vivantes expressions en Europe. Ainsi, le centre historique de la ville intègre trois types de paysages urbains bien distincts. À commencer par le centre médiéval. Malgré la disparition de la plupart des bâtiments d’origine, ce coeur de ville conserve tout un ensemble de caractéristiques patrimoniales riches du passé. Les ruelles sinueuses, leur entrelacement serré, reflètent la géographie typique d’un urbanisme du Moyen-Âge, d’une manière de penser la cité comme un espace protecteur qui blottit ensemble les habitations et les commerces. Les boulevards, quant à eux, dessinent des lignes semi-circulaires agrémentées de plantations en bordure des deux côtés du canal. Ils reflètent une ambition typique du XIXe siècle européen. A cette époque, priorité est donnée à la visibilité, à l’organisation méthodique des échanges, à l’essor croissant de la circulation. Enfin, à l’extérieur des boulevards, s’étendent des quartiers dont l’habitat est nettement plus dense. Les rues, cette fois-ci, se structurent d’une manière perpendiculaire. Elles étaient bordées essentiellement par des bâtisses en bois, aujourd’hui souvent reconstruites à l’identique, mais en pierre. Plus solide,
plus sûr, plus durable. Ces bâtiments, datant tour à tour du XVIIe et du XIXe siècle, témoignent d’une évolution perpétuelle, celle d’une ville en mouvement, qui compose avec sa modernité et son histoire, avec son patrimoine et son expansion.
L’ÉBULLITION MODERNE
Mais, puisqu’une ville, ou même son centre historique, ne peuvent se réduire à un agencement de rues et d’artères ou à une démonstration architecturale, la valeur universelle de Riga se joue aussi dans la vue qu’elle offre aux visiteurs. Le panorama, cet horizon unique contribue à la beauté rare des lieux. Depuis le centre, sur la rive droite de la Daugaya, on admire paisiblement l’horizon, égayé de très nombreux clochers qui, parmi les bâtisses historiques relativement basses, semblent se dresser, chacun à leur manière, vers le ciel. Les perspectives alors se multiplient et les points de vue s’illuminent. Cet ensemble constitue un patrimoine à préserver absolument. Par chance, les modifications architecturales sont aujourd’hui peu nombreuses. Mais qui dit protection du patrimoine ne dit pas non plus ville figée. Ainsi, Riga s’est transformée et enrichie au fil des siècles, accueillant les multiples influences européennes, venues de l’ouest comme de l’est. Ville marchande, Riga était avant tout une ville éveillée. De nos jours, lorsque l’on arpente les rues du centre de la capitale lettone, on est certes frappé par les traces visibles de l’Histoire, mais on découvre aussi une ville en ébullition, entre les terrasses, les commerces et les marchés. Ici, la vie culturelle occupe une place importante. Les festivals se succèdent au cours de l’année. Chaque été, le festival d’Arts de rue et de cirque contemporain prend possession des rues, un peu partout dans le centre. Les spectacles s’enchaînent, pour la plus grande joie des toursites et des promeneurs locaux. Autre attraction, le festival Kometa, véritable institution des musiques alternatives, de la fête et des scènes en plein air. Trois jours pendant lesquels se succèdent concerts et expositions à ciel ouvert. Mais derrière les petites rues offertes aux bars et au tourisme, en se perdant un peu, on retrouve très
vite la vie discrète et authentique d’une ville tranquille où les cours et les arrière-cours des bâtiments historiques révèlent de véritables petits joyaux où l’on peut déambuler en toute quiétude.
UN PATRIMOINE VIVANT
Mais Riga la forte ne se résume pas à son centre historique. Au nord-est de la vieille ville, par exemple, le quartier de Mezaparks renvoie aux ambiances féériques des contes d’Andersen. Dans la cité-jardin, les maisons en bois semblent être camouflées au milieu d’un bosquet verdoyant. Un peu plus au nord, le lac Kisezercs nous ferait presque oublier l’atmosphère urbaine tant y règne une impression de calme. Le grand parc qui le borde n’y est pas tout à fait étranger. Tous les cinq ans, une estrade géante y est dressée. Quinze mille choristes venus de tout le pays y entonnent des chants qui célèbrent la musique, la vie et l’indépendance du pays, remontant au début des années 1920, à l’heure de la dissolution de l’Empire Russe, dont Riga fut l’une des cinq grands centres économique et culturel. Ville ouverte sur la mer, port commerçant aux influences multiples et en mouvement perpétuel, Riga s’illustre non seulement par la richesse de son patrimoine architectural, mais aussi par la manière dont elle est parvenue à gérer ses héritages et ses influences. Le marché central, plus grand marché couvert d’Europe, incarne à merveille la puissance portuaire de la ville. Après la Première Guerre mondiale, le marché a été installé dans d’anciens hangars à Zeppelin rénovés. On est bien loin de l’ambiance médiévale de la Ligue hanséatique, et pourtant, c’est sans doute le même esprit qui survit : celui des échanges, de la mer comme ligne de fuite, de l’ouverture aux vents, aux navires et aux voyageurs.
La merveille lettone n’a cessé de s’enrichir de nouvelles influences au fil des siècles