Grimper

BUIS-LES-BARONNIES

BUIS-LES-BARONNIES

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Eh oui, tout le monde l’a remarqué : on dirait le dos d’une de ces grosses bestioles à écailles et crête de punk qui broutaient l’herbe du Jurassique. Surgie des collines provençale­s, lancée comme une provocatio­n au flegmatiqu­e mont Ventoux, la lame tranchante du Saint-Julien a vraiment de quoi aiguiser - quel à-propos ! - l’imaginaire. Du plaisir à la portée de tous sur une falaise vieille comme le monde.

Osons

la minute scientifiq­ue : le Saint-Julien est un anticlinal effondré, d’où ces strates calcaires dressées, mais pas archi raides, ce qui a permis en face sud l’érosion chimique par suintement de l’eau. Bon d’accord, ce qui nous intéresse surtout, c’est le résultat : des prises très crochetant­es, très agréables, mais peu visibles quand on regarde d’en dessous. La lecture n’est donc pas si évidente, et plutôt que ses biceps (à garder quand même sous le coude, au cas où), il faut surtout user d’intuition et d’audace pour dénicher ces prises invisibles ! Un coup à prendre, et pas au moral, pour apprécier ce rocher. La contrepart­ie d’une paroi abondammen­t sculptée où il y a toujours quelque chose à se mettre sous la main, c’est que cela limite quand même la difficulté et le niveau des voies. Les adeptes de dalle trouveront donc au Saint-Julien des grandes voies faciles et accessible­s, en trois ou quatre longueurs, pour aller profiter de la vue cent vingt mètres plus haut. Quant à l’orientatio­n plein sud, elle rend les voies grimpables toute l’année. La face est protégée des vents du nord comme le mistral glacial qui plombe l’ambiance de l’autre côté, et comme on est en Provence, elle est généraleme­nt baignée de soleil, ce qui permet de faire le lézard en tee-shirt sur le rocher pendant que tout le monde se gèle en doudoune au village juste en dessous. Ce petit côté solarium n’est pas pour rien dans l’histoire du Saint-Julien, car le CAF de Lyon, acteur historique de son équipement dans les années 50 à 80, l’utilisait comme site de repli quand le froid et l’air humide gâchaient le plaisir dans les Calanques. La meilleure période pour une journée au Saint-Julien, où l’on pourra enchaîner au moins deux grandes voies en se pointant vers 9-10 h, est donc automne-hiver. Il n’est pas interdit d’y grimper par une belle journée d’été, mais fortement recommandé de démarrer très tôt si l’on ne veut pas se retrouver lyophilisé avant le milieu de la voie. En revanche, par une moche journée d’été, le site est parfait. L’autre petit plus, c’est le panorama à trois cent soixante degrés à la sortie, qui toise la vallée du Rhône, le Ventoux et ses infatigabl­es cyclistes, les Alpilles, la montagne de Lure et les reliefs du Diois… Clou du spectacle si vous avez un peu de chance, c’est à ce moment-là que passe en contrebas, remontant la vallée du Derbous à vos pieds, une patrouille de la base de Salon-de-Provence qui sera à Marseille deux minutes plus tard. À défaut des avions de chasse, il y a les vautours, qui, eux, bossent aussi le week-end, et sont plus prévisible­s que les militaires côté horaires : entre 10 h et midi le matin, et entre 17 h et 20 h le soir. Ils ont à peu près la même forme, volent aussi en escadrille tout près des grimpeurs et font beaucoup moins de bruit.

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PHOTOS : SAM BIÉ
TEXTE : ANNE JANKELIOWI­TCH PHOTOS : SAM BIÉ
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en 5c+ de "Alian", une des nombreuses voies qui remontent cette épine minérale.
Ci-contre, Tony Sequeira, assuré par Fabien Arnaud, dans la troisième longueur en 5c+ de "Alian", une des nombreuses voies qui remontent cette épine minérale.

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