GESTION DE PLAISIR
Dans chaque numéro de Florent Wolff se propose de décrypter l’impact d’une nouveauté matériel, d’une mode ou d’une technique dans le monde de l’escalade. Une rubrique à la fois sociologique et philosophique, chaotique et arbitraire où l’on parlera de tout et de rien avec une franche préférence pour le rien. Dans ce numéro Florent va vous conter tous les plaisirs de devenir gérant d’une salle d’escalade. Après
la longue interruption hivernale, je reçois un mail de Fred Labreveux qui veut gentiment me refaire plancher sur mes chroniques car je suis, comme d’habitude, à la bourre. Politesse oblige : il prend aussi quelques nouvelles :
Non, non, je n’ai pas pris la place de Dodo la Saumure pour gérer le Dodo Sex Klub (alias le DSK…) dans un trou de la Wallonie. J’ai consacré mes derniers mois à l’ouverture d’une salle (d’escalade) de bloc à Strasbourg. Embarqués avec moi dans l’aventure, Thierry Koehrlen (prof d’EPS, fan de varappe depuis le début des années 1980) et Jean-Minh Trinh-Thieu, star de l’escalade des années 1990, qui reprend du service pour l’occasion. Heureusement que je n’étais pas tout seul car, autant vous le dire tout de suite : c’est du boulot et vous pensez bien qu’avec la rédaction de
À la barre d’une salle d’escalade, vous devenez « gérant de plaisir »…
mes chroniques pour Grimper j’étais déjà occupé à 138,4 %. Mais bon, le défi (au XXIe siècle, on doit dire « ») est tentant, et si des Belges arrivent à le faire (je ne parle plus de Dodo la Saumure), pourquoi pas nous ? Premier sur son compte en banque : oubliez les sarkonneries du genre
et veillez à avoir au moins quatre zéros disponibles derrière un chiffre si possible supérieur à cinq. Sans quoi votre endettement vous assommerait dès les premiers mois d’activité, quand le CA est encore un peu poussif et que les charges, elles, sont déjà bien là. Je vous épargne aussi le bla-bla sur la création d’entreprise ( ,
…) qui, si on écoute certains bavards télévisuels, serait encore plus dur qu’enchaîner La
Koflach aux pieds. Puis, cherchez un local. Cela m’a semblé passablement plus compliqué que de trouver un studio d’étudiant en Lorraine ( je parle d’expérience !). Le bâtiment idéal est superbement situé, à cinq secondes d’autoroutes jamais embouteillées, accessible en une minute à pieds du centre-ville d’une métropole dynamique et sans chômeurs, desservi avec des transports en commun rapides et propres. De plus, il sera parfaitement isolé, climatisé, grand, lumineux et pas cher. La violence du réel aura tôt fait de vous rappeler que ce local n’existe pas. Vient le temps des concessions : sur la taille (pas trop car 500 mètres carrés semblent aujourd’hui le minimum pour une salle digne de ce nom dans une grande ville française), accepter de payer plus cher ou de ne pas avoir un emplacement « number one ». Eh oui, c’est pour de viles raisons financières que nos chers SAE sont généralement situés dans des endroits pas possibles, au fin fond de zones d’activité vieillissantes. Ultime conseil immobilier que ni Pernaud, ni DSK ne démentiraient : autant que possible achetez votre local. Cela vous évitera d’être dépendant d’un proprio avare en tout sauf en augmentation de loyers. Et cela vous garantira une meilleure profitabilité de votre affaire sitôt (rarement très tôt en fait) votre dette remboursée. Une fois votre local trouvé, ne choyez pas dans une sévère dépression quand vous apprendrez les honoraires de votre agent immobilier : il s’est quand même déplacé deux fois pour vous ouvrir la porte. Commence la partie administrative : soyez plus minutieux qu’Alain Robert dans son solo de
et plus patient qu’à La Poste aux heures de pointe. Les permis arriveront bien un jour… Les moins heureux claqueront déjà des loyers dans le vent sans avoir la possibilité de gagner un euro. Profitez de ce temps mort pour trouver vos fournisseurs (évitez ceux que vous avez dû rappeler dix-sept fois pour avoir un devis bancal) à moins que vous vouliez tout faire vous-mêmes : charpente, panneaux, matelas, prises, accueil, vestiaires, WC, cuisine… Ce ne sont pas les espaces à aménager qui manquent pour faire une belle salle d’escalade. Alléluia ! Les permis sont là, le chantier peut commencer. Oubliez vos week-ends, voire vos nuits, pendant