SACRÉ MARCEL !
94 ANS, L’AUTRE MUTANT
Il n’y a pas que sur l’échelle des cotations que les limites reculent. À 94 ans et demi, Marcel Rémy vient de faire exploser celles de l’âge réglementaire… En août 2017, bon pied bon oeil, il s’est offert ce qu’il pense être « son dernier miroir » : “le miroir d’Argentine“, une grande voie de 450 mètres en 5b+, dans les Alpes Vaudoises.
Cette voie, Marcel l’a gravie plus de deux cents fois. Il y emmenait ses fils en 1968… Il faut dire qu’une vie à grimper, quand on est né en 1923, ça laisse le temps. Mais alors, quelle mouche l’a piquée de vouloir y retourner ? Même Yves et Claude en sont restés perplexes quand Marcel leur a demandé, en mai 2017, de l’emmener faire le Miroir. Ils ne misaient pas lourd sur cette idée de l’ancêtre, et ne lui donnaient pas 10 % de chances de réussite. Erreur… C’était compter sans la mystérieuse détermination et impressionnante forme physique de Marcel. Après consultation, les frères Rémy ont proposé à leur paternel un programme d’entraînement spécifique. On ne se pointe pas comme ça à 94 ans-bien-passés au pied du miroir d’Argentine sans un minimum de préparation. Séances en salle avec enchaînement de longueurs en 5, randos sportives pour mettre le cardio en condition, et quelques courses, comme les Gais Alpins, pour raviver les réflexes du pied montagnard. Marcel s’est plié à ce programme de marathonien et le grand jour, il était prêt. Par choix stratégique, toute l’équipe a bivouaqué la veille au pied de la paroi vers 1 850 mètres, après une approche tranquille sur le sentier raide du Miroir au départ de Solalex. Et le matin du 22 août à 8 h 30, par grand beau temps, c’est le départ des cordées. Notre quasi-centenaire grimpe vaillamment les trois premières longueurs de la voie normale, puis la vire inférieure vers la droite, et la voie Directe qui permet de gagner le sommet en remontant cette dalle parfaite, rayée de minces fissures parfaitement parallèles. Comme sur toutes les voies classiques de l’Argentine, les relais sont spités, et les longueurs comportent quelques points à compléter de coinceurs. Marcel, en bonne forme ce jour-là, s’enfile, lentement mais sûrement, ses douze longueurs, dont les difficultés sont dans le 5b+. Et à 15 h 15, il débouche au sommet de la grande dalle calcaire des Alpes. Immense joie, et soulagement pour l’équipe accompagnatrice. Avec le peu de force qui lui reste, Marcel Rémy termine la course avec l’arête aérienne casse-gueule, l’éboulis raide et le petit pas d’escalade qui l’amènent au sommet de la Haute Corde, à 2 325 mètres. Et là où Marcel est trop fort, c’est qu’il est redescendu en parapente ! Certes, en biplace avec Jérémy Péclard, mais tout de même ! Chapeau, « l’ancien ».