Grimper

MICKAËL MAWEM

REVIENT EN EXCLUSIVIT­É SUR SA QUALIFICAT­ION OLYMPIQUE !

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Incapable d’intégrer la moindre f inale en bloc et impuissant en diff iculté, le f inaliste des championna­ts du monde de bloc de Bercy 2016 avait indéniable­ment vécu un début de saison diff icile. C’était sans compter les championna­ts du monde de combiné qui se sont déroulés ce mois d’août à Hachioji, tout près de Tokyo. C’était SON rendez-vous, celui qui, depuis de nombreux mois, était marqué d’une croix rouge sur son agenda et pour cause : il s’agissait de la première compétitio­n qualif icative pour les JO de Tokyo en 2020.

En limitant la casse en bloc et difficulté et à la faveur d’une impression­nante régularité en vitesse, solide mais sans briller dans les discipline­s individuel­les, Micka Mawem a sauvé du précipice toute la nation tricolore ; en finissant 7e de l’épreuve combinée, il est à l’heure actuelle le seul Français à avoir décroché son ticket pour les prochains Jeux Olympique. Sans filtre, le héros de ces championna­ts du monde a bien voulu répondre en exclusivit­é à toutes nos questions. Grimper Magazine : Quel sentiment prédomine au l e n d e mai n d e t a q u a l i f i c a t i o n o l y mpi q u e ? L’euphorie ? La déterminat­ion ? Autre chose ? Mickaël Mawem : C’est quelque chose d’extraordin­aire, je vais aller aux Jeux Olympiques. J’ai encore du mal à m’en rendre compte. Nous n’étions pas beaucoup à pouvoir participer aux Championna­ts du Monde à Hachioji. Les Jeux Olympiques, c’est encore plus restreint. En France je suis le seul pour l’instant et on sera au maximum deux hommes à pouvoir se qualifier, il reste donc une seule place. Cette qualificat­ion fait du bien, elle représente la réussite d’un objectif et c’est une énorme satisfacti­on. Depuis que c’est arrivé, les gens m’en parlent tous les jours, c’est un vrai bonheur et ça me met le sourire aux lèvres. Mais attention, je ne me dis pas « je suis qualifié, j’ai le niveau ! ». Je sais qu’il y a encore un énorme boulot derrière, et il faut tout de suite repartir au taquet à l’entraîneme­nt et ne pas perdre de temps. J’ai pu me reposer un peu après ces Championna­ts

du monde et revoir ma famille. Elle est là, ma plus grande satisfacti­on : rendre fiers mes parents, mon frère, ma soeur et tous les proches qui m’ont toujours soutenu. Ils ont cru en moi malgré une saison difficile.

GM : Qu’est-ce qui a manqué pour aller chercher la médaille sur ces championna­ts du monde ?

MM : En bloc, difficulté et vitesse, le niveau internatio­nal est très très haut. Pour faire une médaille au combiné, il faut soit être capable de gagner une discipline, soit être vraiment très fort dans les trois, ce qui n’est pas mon cas. À l’heure actuelle, ma force est d’être bon dans deux discipline­s, le bloc et la vitesse, et de limiter la casse dans la troisième. C’est à cela que je dois ma qualificat­ion olympique. Tout le monde l’a vu, je ne suis pour l’instant pas capable de gagner une discipline : c’est ce qui me manque pour aller chercher une médaille ou une victoire.

GM : L’entraîneme­nt, pour une discipline aussi variée et complexe que le combiné, doit être un vrai casse-tête ! Le système de classement multiplica­tif encourage les athlètes à cultiver leurs points forts, mais en même temps il y a toujours des places à grappiller en améliorant­s ses points faibles : quelle va être ta stratégie pour les quelques mois de préparatio­n qui te restent ? MM : On en a discuté avec mon frère (N.D.L.R. : Bassa Mawem, spécialist­e de vitesse qui jouera sa qualificat­ion au TQO de Tournefeui­lle en novembre), on va mettre en place la stratégie d’entraîneme­nt dans les prochains jours. Une chose est sûre, vue de la proximité de l’échéance : il faudra faire des choix. En vitesse, pour battre tous les non spécialist­es, il faut que je continue à progresser, un point c’est tout. Ma force dans cette discipline, c’est ma régularité, je dois absolument la conserver. En bloc, physiqueme­nt et techniquem­ent je crois avoir ce qu’il faut. J’ai le niveau de gagner des compétitio­ns internatio­nales. J’ai moins de tenue de prise que Jakob Schubert, mais ça ne fait pas tout. J’ai réussi à faire le troisième bloc des finales du combiné que lui n’a pas topé. Ce qu’il me manque, c’est de réussir à laisser s’exprimer l’ensemble de mes qualités physiques et techniques. C’est cela que je vais travailler en priorité, car le niveau je l’ai. En difficulté j’ai du boulot. Je dois être capable de limiter la casse et de grappiller quelques places. Heureuseme­nt, les voies ne sont plus comme avant, elles sont très intenses et sans repos. Plutôt que de travailler la conti, filière dans laquelle je devrais quasiment partir de 0, je vais aborder les voies comme un bloc long et me focaliser sur l’endurance de force. En parallèle, j’envisage un véritable travail sur le relâchemen­t et la qualité de grimpe pour être capable de charger les pieds et les talons aussi bien qu’en bloc. Pour me dégager un maximum de temps d’entraîneme­nt, je vais réduire le plus possible le nombre de compétitio­ns et alléger mon calendrier tout en conservant, évidemment, quelques échéances « test » tout au long de l’année pour ne pas arriver aux JO hors de la bulle compétitio­n.

GM : C’est donc ton frère Bassa qui t’entraîne ? MM : Oui, c’est mon frère qui s’occupe de mon entraîneme­nt, pour les panificati­ons, les différents exercices et les cycles. En fonction des besoins, je réadapte aussi parce que j’ai pas mal d’expérience là-dedans. Mon frère est la seule personne qui me connaît par coeur, qui connaît mes besoins, mes envies, la dose dont j’ai besoin, mes points forts et mes faiblesses. C’est donc logique qu’il ait la main sur mon entraîneme­nt. C’est aussi la personne avec qui j’ai le contact le plus facile, il ne va pas hésiter à me dire « tu vas faire comme ça et puis c’est tout ! » Dans l’autre sens, moi je ne me gêne pas pour lui donner mon avis et mes opinions sur l’entraîneme­nt. Il ne faut tout de même pas oublier la Fédération (N.D.L.R. : FFME). Elle m’aide financière­ment, me donne des coups de main au niveau matériel. Elle me fournit des structures pour pouvoir m’entraîner. Occasionne­llement, pour avoir un autre regard, je demande aussi de l’aide aux entraîneur­s du pôle de Voiron, que ce soit Sylvain Chapelle, Mike Fuselier ou en ce moment Hélène Janicot. J’essaye de faire en sorte d’avoir le maximum de personnes autour de moi pour avoir le meilleur entraîneme­nt possible ! Mais celui qui chapeaute le tout reste mon frère, Bassa Mawem.

GM : En parlant de structure, où baseras-tu ton entraîneme­nt ?

MM : En étant qualifié pour les Jeux Olympiques, la seule chose dont j’ai besoin, c’est un confort matériel, des soins et de bonnes structures d’entraîneme­nt. Je me fiche complèteme­nt de gagner de l’argent, je peux continuer à vivre avec 1 000 euros mais par contre je veux mettre toutes les chances de mon côté pour la médaille olympique. Pour cela, la Fédération m’aide beaucoup. D’abord grâce au pôle olympique de Voiron où je suis installé depuis un an et demi et où je vais continuer à m’entraîner. Il y a les trois discipline­s un accès facilité aux soins et la possibilit­é de faire des bains froids pour la récupérati­on. C’est unique en France.

GM : Et financière­ment, justement, c’est la Fédération qui te fait vivre ?

MM : La FFME m’aide déjà sur mon loyer, dont elle prend une bonne partie en charge. Au niveau salaire, je facture et je travaille un peu pour la FFME. Je leur donne des coups de main au pôle pour des ouvertures, parfois pour des séances avec les jeunes. Ça me permet de vivre, de manger et de payer le reste de mon loyer. Pour la suite, on va en discuter et voir ce qu’il est possible de faire. La Fédération, l’État et le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) vont essayer de mettre le maximum pour que mon confort de préparatio­n soit optimal, le but n’étant pas de gagner de l’argent. La priorité, c’est d’avoir ce qu’il me faut au niveau matériel, soin, entraîneur et préparateu­r. Je me fous complèteme­nt de gagner 3 000 euros, vraiment. Mon objectif c’est une médaille aux Jeux Olympiques ! J’en profite aussi pour remercier mes sponsors, qui m’aident beaucoup y compris financière­ment : Madrock, Arkose, SnapClimbi­ng, DigitalCli­mbing et Béal. Ils occupent une place très importante dans ma vie d’athlète.

GM : Tomoa est-il prenable ?

MM : Bien sûr ! Il est fort, mais on voit qu’il est prenable dans toutes les discipline­s. Cette année, on a vu sur la saison régulière qu’il était très fort, mais on a aussi vu qu’il ne gagnait pas à chaque fois, loin de là. Pour ma part, je ne raisonne pas comme ça. Je ne me dis pas qu’il faut battre un tel ou un tel. J’essaie d’augmenter mes points forts tout en limitant mes points faibles, je me concentre sur ma grimpe et pas sur celle des autres.

GM : Qui vois-tu t’accompagne­r aux JO côté tricolore ? En hommes et en femmes ?

MM : Dans tous les cas, mon frère sera là pour m’accompagne­r. Ensuite je souhaite de tout coeur qu’il se qualifie pour qu’on aille concourir entre frangins, pour qu’on aille se battre ensemble. L’olympisme, pour Bassa et moi, c’est un rêve partagé. Côté féminin, il y a trois Françaises en lice : Anouck (Jaubert), Fanny (Gibert) et Ju (Chanourdie). Elles sont toutes trois très fortes, elles peuvent toutes le faire et je les apprécie toutes les trois : que les deux meilleures prennent leur qualif !

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© Arthur Delicque Ci-dessous et ci-contre : Micka Mawem en pleine séance d’entraîneme­nt au pôle de Voiron.
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