DALLE DE GLEIZE, TOUT EN CANNELURES
De belles grandes voies, à un quart d’heure de Gap, dans un niveau très accessible, sur une immense dalle sillonnée de cannelures : la parfaite journée de grimpe plaisir.
Tout d’abord, soyons précis. Le pic de l’Aiguille n’est pas vraiment dans le massif du Dévoluy, mais dans le Gapençais. Préférez aussi sa désignation populaire de dalle de Gleize, cela parlera davantage aux locaux. Tout potentiel incident diplomatique étant ainsi écarté, vous pouvez vous diriger vers cette immense dalle où vous attendent deux grandes voies faciles en V+/6a pour de la pure grimpe plaisir.
Avant d’être « dalle », elle a servi de rampe de lancement pour un pan de montagne qui a finalement atterri en vrac au pied. Comme à la dalle du Claps, dans la Drôme, pour ceux qui connaissent. L’éboulement a mis au jour cet immense plan incliné qui, en plus d’être une originalité géologique, peut se grimper. Et se grimpe, d’ailleurs, depuis fort longtemps. Ce qui se nommait alors “la voie des dalles”, très peu équipée, était parcouru à la journée en partant de Gap. Parmi ses habitués, il y avait notamment le Docteur Arnoux (CAF de Gap) qui la faisait en solo et en espadrilles, mais c’était une petite balade de santé dans les années 1950 pour ce genre d’habitués du terrain pourri en IV qui arpentaient comme des chamois toutes les faces du Sirac et de l’Olan… Sur le côté droit de la dalle, les équipeurs des voies modernes ont même retrouvé des coins de bois. Le premier itinéraire répertorié des lieux est la voie Paul Arthaud, celle qui passe la plus à droite, datée des années 1940.
Il faut dire que cette dalle a quelque chose de particulièrement attirant… Sur cette belle tranche de calcaire compact, les eaux de ruissellement ont tracé un important réseau de profonds sillons, joliment ourlés de légères concavités. Des cannelures à gogo. Le truc que les grimpeurs adorent ! Sur la dalle de Gleize, vous serez servis. De magnifiques cannelures à vous faire exploser les mollets ! À grimper avec les pieds dedans, ou en opposition en travaillant un petit style « canard », ou sur le dessus en adhérence 100 % sérénité… Dans tous les cas, c’est de la pure dalle, les mains serviront juste à l’équilibre, et préparez psychologiquement vos chevilles, au bout d’un moment, ça va chauffer !
Votre choix devra se faire entre “La barule des barulots” et “la voie de la face est”, les deux grandes voies modernes spitées qui remontent toute la dalle et sortent au sommet. Si vous ne savez pas ce que c’est qu’une barule ou un barulot, vous n’êtes pas le premier, mais comme le veut la tradition, on ne peut que vous inviter à aller vous en enquérir sur place.
En revanche, si vous choisissez de baruler dans la “Face Est”, sachez que ce nom un peu fade n’est pas le résultat d’une panne d’inspiration de l’ouvreur, mais de notre société hyper-réseau-socialisée où les choses vont parfois un peu trop vite. À peine avaient-ils terminé d’équiper cette grande voie que Ludovic Giambiasi et Serge Luby, sans même avoir eu le temps de sortir le topo, l’ont retrouvée sur le site de Camp to Camp, avec ce nom quelque peu générique. Eux-mêmes ne lui en avaient pas encore donné… et cet incident leur a coupé net l’envie de baptiser leur voie.
Elle n’en reste pas moins très agréable à grimper, notamment grâce au mal que se sont donné les équipeurs pour trouver un itinéraire en rocher sain dans la partie basse (où le caillou est plus moyen) permettant de rejoindre la dalle ultra-belle, trois longueurs plus haut. Autres valeurs sûres de l’escalade plaisir en plus des cannelures originales, la voie reste dans un niveau très abordable, elle est assez simple d’accès, se fait facilement à la demi-journée, et pendant toute l’ascension on peut profiter de la vue totalement dégagée sur le Gapençais et les alpages du col Bayard, la chaîne du pic de Gleize, le Champsaur, les Écrins, et le Dévoluy évidemment, avec le pic de Bure en étendard…
Dans le souci d’en faire une voie bien sécurisée pour répondre aux attentes des grimpeurs qui viennent y chercher du plaisir sans stress, ou s’initier sereinement
à la grande voie, Ludovic Giambiasi vient tout juste de rééquiper la voie avec des points inox.
Au programme de ce petit chantier d’amélioration : rajout de quelques maillons de descente pour permettre une réchappe dans la première moitié de la voie (mais non jusqu’en haut car il ne s’agit pas d’une ligne de descente en rappel), ajouts pour sécuriser davantage la grimpe (protection des passages engagés, points de renvoi à chaque relais, relais reliés), et modification du départ et de l’itinéraire dans la première partie (jusqu’à la dalle) pour concocter un tracé plus sympa, évitant les passages délités, avec élimination du tirage. Toutes les caractéristiques d’une parfaite voie d’initiation.
Arrivés au sommet, embrassant un panorama à 360°, et avant d’entamer la belle marche de retour dans ce décor typiquement haut-alpin, si, dans votre élan de satisfaction, vous voulez partager cet instant de bonheur avec la terre entière (ou presque), cherchez le petit livre d’or qui se trouve à l’abri dans une boîte en fer, au sommet, avec son crayon, et… « likez » !