VONT-ILS FAIRE DU GÂCHIS DE PARMENTIER ?
Tout commence il y a deux ans, à la fin de l’été 2017 à Entraygues : Hugo, de son prénom, coche dans la même journée ses deux premiers 8c+, San Ku Kai et Deltaplane man direct. Rien de fantastique pour un habitué des finales de championnats du monde jeune, direz-vous, mais un parfum de « très gros potentiel » se dégage alors ces deux prestations.
Focus sur les compétitions, dans lesquelles il peine à percer depuis son passage en sénior, il poursuit son bonhomme de chemin avec une étiquette de « bon espoir français » et les quelques sponsors qui vont avec. Cet été, pourtant, comme sortant d’une cage trop longtemps verrouillée, ses qualités de falaisiste se sont une nouvelle fois manifestées. Entre deux 9a – CondédeChoc et TripTikTonik - enfournés en apéritif, toujours sur sa falaise fétiche des Hautes-Alpes, Hugo Parmentier a effectivement torpillé son premier 9a+,
LaMoustachequiFâche, et rejoint par la même occasion les très rares français à avoir atteint ce niveau. La différence, avec Hugo, c’est que cela n’a rien d’un achèvement ; il a expédié LaMoustachequiFâche en six petites séances et s’est littéralement promené dans la voie dès le premier jour de collante… D’ailleurs, derrière cette performance, plusieurs signaux trahissent des aptitudes hors du commun pour la falaise. Ses sorties sur les blocs de Fontainebleau, d’abord. Parfois en difficulté sur le style classique et très à sensation de la forêt, il devient impérial dès qu’un effort franc et soutenu lui fait face. La preuve avec son ascension fulgurante du 8B de
L’Insoutenablelégèretédel’Être et de toutes ses variantes jusqu’au 8B+. Sur ce type de blocs longs, où il faut encore aller chercher de l’influx après plusieurs mouvements en force max, Hugo transpire la puissance. Or, couplée à une grimpe juste et rythmée, cette qualité représente le meilleur atout qui soit pour percer en falaise.
Sauf profils très particuliers, la haute difficulté en extérieur n’a paradoxalement rien à voir avec les lignes parfaitement homogènes et sans repos qu’on trouve en compétition. Les sections dures sur caillou sont généralement beaucoup plus courtes, plus intenses ; les repos sont meilleurs et les changements de rythmes légions. Cette opposition de style entre falaise et mur ar t i f i ci el expli que probablement l es di ff i cul t és qu’éprouve le jeune performeur parisien à s’exprimer au plus haut niveau, trop homogène et pas assez intense pour le laisser abattre ses meilleures cartes. Bref, Hugo Parmentier fait bien partie de la masse des « bons espoirs français », des très bons même, mais va-t-il en rester là ? Comme nous venons de le démontrer, il a
tout, tout pour devenir une tête d’affiche mondiale de l’escalade en falaise : qualité de grimpe, qualités physiques, mental, et ce n’est pas le genre de bonhomme à se laisser impressionner en reculant devant un challenge ! Les « Je suis chaud bouillant » sortent de sa bouche aussi facilement qu’un bonjour… Fort de ses dernières prouesses, les sponsors sauront-ils prendre en main leur athlète pour l’accompagner dans cette voie ? Ou le laisseront-ils, comme beaucoup d’autres avant lui, s’engouffrer dans une vie active inconciliable avec le plus haut niveau ? Pas certain que la France soit le meilleur pays pour que la première option se réalise… Mais qui sait ?
2019 : L’ÉTÉ OÙ LES IBÈRES SE SONT ENFLAMMÉS Quand Rodellar redevient la capitale de l’inflation des cotations
En un été, ils ont tout fait sauter à Rodellar. Jorge Diaz Rullo et Jonathan Flor, 20 ans pour le premier et 22 pour le second, sacré au passage champion d’Espagne de bloc, ont écumé tous les classiques extrêmes affleurant aux abords du Mascun. En plus d’une demi-douzaine de voies dans le 9 chacun, NoPainNoGain (9a+) et une variante( Ali-Hulksit st art extension total, proposé eà 9b) de la fameuse combinaison de Dani Andrada sont tombées dans leur escarcelle.
Réussir toutes les voies les plus dures des lieux ne leur a cependant pas suffi. Tandis que Jorge réglait son compte à l’un des plus vieux projets de Rodellar, une connexion monstrueuse entre 4 voies appelée Patanics, Jonatan libérait, dans la vallée voisine, une ligne tout aussi impressionnante: Apo cal y psis de laGi oc onda. Verdict, pour ces deux premières ascensions de 60 m ? 9b ! En quelques jours, le spectre d’un passé révolu a donc ressurgi dans l’azur idyllique de Rodellar. Un passé de surcote notoire, où les falaises du canyon aragonais, en plus du génial terrain de jeu qu’elles sont restées, se posaient en véritable laboratoire de l’inflation des cotations. Un exemple, celui du 8c de PataNegra, vaudra pour tous les autres. À une époque où la cotation de 8c n’était pas encore complètement anodine, des escadrons entiers de stars venaient faire leur pèlerinage dans cette voie. Depuis, rocher peu compact oblige, une bonne dizaine de prises a cassé, mais la voie est restée 8c… Cherchez l’erreur ! Mutants, Jorge et Jonatan le sont, aucun doute là-dessus ; le débat se trouve ailleurs. Quelques indices laissent effectivement deviner, chez les deux Espagnols, un référentiel erroné en matière de cotations. Après avoir grimpé la première partie de Biographie, un 8c+ historique dont le relais a aujourd’hui été retiré, Jorge a annoncé que « partout ailleurs ce serait 9a ». Pour l’intégrale, il a spécifié que la voie, pourtant dans un style de résistance longue qu’il affectionne, était un 9a+ particulièrement dur pour le niveau. Dans les deux cas, le performeur espagnol fait erreur : tant pour le 8c+ que pour la 9a+, Biographie se pose en référence mondiale, preuve que Jorge a une vision légèrement « enflée » des cotations. Idem pour le jeu en 9b proposé par son compatriote Jonatan Flor dans la grotte d’Ali Baba (et répété en 4 petites séances par Jorge). Seule la combinaison de Dani Andrada ( Ali-Hulk
sit star text en si on,9b) donne let onde cette ouverture qui lui est identique jusqu’aux tout derniers mouvements. Or, Jonatan semble avoir oublié que, premièrement, le 9b n’a jamais été pris au sérieux pour ce plafond (principalement non encordé et en départ assis), et, deuxièmement, avec l’apparition des genouillères send, il est devenu beaucoup plus facile qu’à son ouverture. N’oublions pas que Golpe de Estado à Siurana est à ce jour la seule référence en 9b qui peut être invoquée sans discussion possible !
Ainsi, sans aucunement remettre en cause les aptitudes de cette belle et rafraichissante relève espagnole, on peut émettre de sérieux doutes sur les 9b qu’ils ont proposés cet été à Rodellar. Comme toujours, on ne saura cependant le fin mot de l’histoire qu’après quelques répétitions de ces monstres de continuité !
NON, SEB, PAS TOI ! Le “rock combined challenge” ? Rien d’autre qu’un coup de hache dans la coque de son propre navire !
Quelle année… On croyait que Move (9b/+) enchaînée par notre performeur national le 17 juin en serait l’acmé, mais cette nouvelle première ascension, LaRaged’Adam
(9b/+), dans son fief de La Ramirole, se place peut-être encore au-dessus. Avant que Seb Bouin ne décrypte les mouvements – très complexes – de cette ligne futuriste équipée par Antonin Rhodes, les montées de travail se comptaient déjà par dizaines. Et on ne parle même pas les myriades d’essais qu’il fallut ensuite pour aller clipper la chaîne de cet ultime test de résistance !
Une anecdote, à laquelle l’auteur de cette chronique a assisté en personne, illustre à merveille à quel point cette réalisation est belle, épique, et combien elle mérite d’être racontée. C’était à la fin de l’été 2014, il y a tout juste 5 ans. La ligne avait été équipée il y a quelques mois et Seb, déjà régulier dans le 9e degré, tentait alors sans succès d’en enchaîner les 15 premiers mètres - une « marche d’approche » estimée à 8c. « La suite, disait-il, c’est pour Adam Ondra ». Il faut dire que ces 5 m de rocher lisse, dans du dévers à 50°, paraissaient franchement impossibles au premier examen… Comment, 5 années plus tard, en est-il finalement venu à réussir ? Par quelle bataille mentale, quels déclics ? Comment s’est manifestée la pression à l’approche du succès ? Et les essais ? Chutait-il toujours au même mouv ou grignotait-il mètre par mètre cette terrible section de rési ? Quant au run victorieux, mis en regard de tous ces essais, de tout cet investissement, de toute cette dévotion, ce dut être quelque chose ! Saupoudré d’un savoureux parfum de résistance à la vague olympique, celle-là même qu’incarne à merveille le meilleur grimpeur français, le film aurait été parfait… Mais nous ne verrons rien.
Car au lieu de ça, pollué par l’omniprésence du marketing olympique, Seb nous cuisine, que dis-je, nous bricole un risible « rock combined challenge » ! Le principe ? Réussir LaRaged’Adam (9b/+) puis, dans la même semaine et sur la même falaise, grimper les 160 m d’Hosanna (8c max), réputée sur le papier comme la plus dure grande voie de l’hexagone.
Mais pourquoi s’encombrer de cet artifice de communication? Toutes les vibrations épiques de la démarche reposaient justement l’unicité de l’objectif, sur sa difficulté ultime et sur les longues années de travail nécessaires à son achèvement. 5 ans de labeur pour LaRaged’Adam, 5 jours pour Hosanna. N’y a-t-il pas quelque chose qui cloche ? En libérant LaRage, Seb Bouin a réussi quelque chose que personne au monde ou presque n’était capable de faire. Hosanna, des dizaines voire des centaines de grimpeurs peuvent y arriver. Restons lucides, donc, et ne nous laissons pas abuser par ce coup de com, peut-être bon pour les likes, mais en revanche trompeur quant à la véritable nature l’exploit.