UTILISER SON CERVEAU POUR MIEUX GRIMPER
ÇA SE PASSE AVANT DE DÉCOLLER LES PIEDS DU SOL !
Très souvent, que dis-je, toujours, celui que l’on regarde progresser sur le mur, et qui semble grimper à la perfection, a préparé son coup bien avant de lever les pieds du sol. Ne nous laissons point abuser : bien grimper n’a en règle générale pas grand-chose de spontané. Pour parvenir à cet état de grâce que certains désigneraient par l’anglicisme « flow », il convient en effet de passer par une étape de mise en condition, de réflexion et de préparation, dont peu de gens connaissent l’existence et qu’un plus petit nombre encore met en pratique.
On peut formaliser cela derrière le nom de plus en plus répandu de « Théorie des Tricks ». Cette théorie se rapporte à tous les « à côté » de la grimpe et à leur importance capitale pour la performance. Mais je sens qu’il vous faut du concret. Un exemple très simple, celui de la visualisation, vous aidera à comprendre. Avant de vous élancer dans votre projet, déjà encordé, vous pouvez fermer les yeux et refaire toute la voie dans votre tête, en n’oubliant pas les déplacements de pieds et en vous imaginant forcer, délayer, vibrer et enchaîner jusqu’au relais. Cet exercice de visualisation vous permettra de limiter les temps d’hésitation et de minimiser les erreurs lors de l’essai qui va suivre. Ce n’est pas de l’escalade, mais cela vous aidera à coup sûr dans votre quête du run parfait ! Il vous faut un autre exemple ? Celui de la vaisselle. Si vous essayez une voie ou un bloc à doigts, avec des prises abrasives, évitez à tout prix de vous doucher ou de faire la vaisselle le matin ! Cela ramollirait votre peau et occasionnerait, entre vous et le rocher, une perte d’adhérence cruciale.
Allez, juste pour le plaisir, encore quelques petites astuces, qui ne sont pas de l’escalade au sens strict du terme, mais dont le recours peut s’avérer capital dès lors qu’on aspire à « bien grimper ». Mettre de la magnésie liquide et se refroidir les mains avec un petit ventilateur portable avant de faire un essai dans un bloc ou une voie dure. Brosser tous les pieds et toutes les mains, y compris les bacs, entre chaque essai dans votre projet. Emmener une petite poutre portative en falaise pour ne pas taper d’essais à froid dans des voies à votre niveau max. En bloc, ne surtout pas faire d’essais mitraillette au risque de bousiller toutes vos chances de réussite en plus de votre peau. Avoir toujours un oeil sur la météo pour aller essayer votre projet le jour le plus frais. Calculez votre planning pour être parfaitement reposé lorsque vous essaierez votre projet. Limez la pulpe de vos doigts si vous êtes broutés. Fermez votre sac à pof entre les essais - ou au contraire l’ouvrir par temps frais et sec - pour qu’il ne prenne pas l’humidité. Rallongez les dégaines si nécessaire pour ne pas perdre d’énergie en clippant, etc, etc.
En Pratique : Combattre la flemme !
Pour une fois, l’axe de progression pour cette activité si rude pour le corps est exclusivement cérébral ; il se décompose en deux étapes. La première n’est rien d’autre qu’un éveil de l’esprit. Il revient à se poser continuellement des questions sur ce qui peut aider à la performance, à discuter, à regarder ce que font les autres. Tout cela vous donnera la connaissance de nombreuses astuces permettant d’améliorer votre qualité de grimpe.
Mais le savoir n’est rien sans son application. Or, au moment de la mise en pratique de tous ces tricks, vous ne manquerez pas de voir une terrible flemme vous envahir : c’est contre elle qu’il faut lutter. Au moment de passer à l’acte, vous vous surprendrez à faire toutes sortes de raisonnements, insinués à votre cerveau par la flemme de leur concrétisation, sur l’inutilité de ces astuces. S’il vous importe vraiment de réussir votre projet, alors il ne faut pas les écouter, il faut vous prendre en main, de gré ou de force, pour mettre toutes les chances de votre côté ! Très concrètement, le meilleur exercice pour se familiariser avec cette approche n’est autre que de choisir un projet à votre mesure, de vous forcer à réfléchir à tout ce qui pourrait vous aider à sa réussite, et, bien sûr, de faire l’effort de la mise en application.