L’oeil de Florence Pinet
Nous avons demandé à Florence Pinet, l’une des toutes meilleurs falaisistes françaises, quels étaient ses trucs et astuces pour grimper à l’économie. Vous le remarquerez, son propos mordille sur plusieurs autres parties de ce dossier, comme l’adaptation à l’effort et la valorisation de ses points forts, preuve qu’elles peuvent toutes se révéler complémentaires dès lors qu’on aspire à bien grimper. « Vaste sujet qui me tient particulièrement à coeur car à mon sens il s’agit de la qualité essentielle du grimpeur de difficulté… Si tu sais grimper à l’économie, alors tu peux prétendre à l’enchaînement d’une voie à partir du moment où tu réalises tous les mouvements intrinsèquement. Mais grimper à l’économie n’est pas si facile : Il faut avoir un bon feeling, une bonne lecture du rocher et une bonne connaissance de soi pour trouver les méthodes les plus économes pour soi-même. Il est important d’essayer les astuces des copains mais il est aussi primordial de ne pas se mettre d’oeillère et parfois trouver sa propre méthode, peut-être plus efficace… Décortiquer une voie c’est aussi trouver des repos ou des prises pour temporiser. Ce sont des moments déterminants pendant lesquels on pensera à souffler profondément pour diminuer son pouls mais aussi à mettre le plus de poids possible sur ses pieds (pourquoi pas en tirant fort sur un talon ?) et ainsi soulager le haut du corps pour relâcher comme on peut les épaules, les doigts et dans un idéal fermer les yeux. Puis il faudra se remobiliser grâce à la respiration, au dialogue interne… Et repartir énergique ! Cette même respiration, il faudra encore l’utiliser pour rythmer son escalade. Le rythme est essentiel, une voie la plupart du temps est quelque peu décousue et il faut savoir distinguer tout ça : accélérer au bon moment (souvent dans les sections physiques pour rester le moins longtemps sur les prises !) mais attention à ne pas se précipiter ou encore ralentir sur des parties plus technique ou délicate. Et ce fameux dialogue interne (positif et combatif, bien sûr !) c’est une arme ! Il s’avère très efficace dans un repos mais également avant le crux afin de ne pas hésiter, de s’élancer au bon moment et d’être extrêmement déterminé. Il faudra aussi clipper les dégaines au bon moment (au-dessus du point, le bras tendu est plutôt économe…), mettre la bonne pression sur les prises (et oui, pourquoi les serrer plus que nécessaire et se fatiguer inutilement ?), transférer un maximum de poids sur ses pieds tout au long de la voie, positionner son corps le mieux possible pour s’enrouler ou se coller au rocher et tenter d’avoir toujours au moins 3 appuis sur le rocher. Quand cet ingrat d’acide lactique se trouvera dans vos avant-bras alors il faudra être fort mentalement pour ne pas paniquer : cette sensation est normale, et surmontable ! À ce moment-là, essayer de bien souffler pour se calmer et pourquoi pas délayer un peu sur chaque mouvement ou au contraire accélérer pour optimiser votre essai (là, ce sera à vous de choisir la bonne option en fonction de la voie mais aussi de vos qualités !). À ce propos une phrase de Martina Ufar m’a vraiment servi dans l’optimisation mon escalade, elle dit que « Souvent il y a des « nouvelles » prises de mains ou de pieds qui apparaissent quand je me calme et qui me montrent la solution ». Et oui, plus on perd notre sang-froid plus notre vision se réduit !
Quel méli-mélo, attention de ne pas se mélanger les pinceaux ! Tout ça peut-être assez intuitif pour certain et beaucoup plus contraignant pour d’autres qui n’arriveront pas à tout mettre en oeuvre en même temps… Pour finir, je dirai que cela nécessite beaucoup d’expérience et de vécu de grimpe. Ce qui sous-entend des erreurs ou encore des essais ratés pour espérer ensuite des essais plus aboutis. Il est aussi fondamental de se focaliser sur ses sensations et avoir conscience de ses besoins pour trouver ses réponses personnelles. Être motivé, déterminé, détendu, bienveillant et positif est aussi un état d’esprit économe !