Trouver la solution coûte que coûte !
Souvent en déroute dans les blocs morphos, chose compréhensible pour une grimpeuse miniature absolument pas spécialiste de l’explosivité, la bleausarde Caroline Sinno se voit souvent obligée de jouer sur d’autres qualités pour pouvoir s’exprimer dans la forêt qu’elle chérit. À l’instar de la pionnière de Fontainebleau Catherine Miquel, elle a pris l’habitude de trouver des solutions bien à elle pour venir à bout de ses projets et, à ce propos, nous lui avons demandé comment elle a réussi l’Insoutenable légèreté
de l’Autre (8B), qui est à ce jour sa plus belle réalisation. « Avant de parler de l’Insoutenable, voici une petite anecdote datant de mon travail de Big Golden (7C +) aussi à Fontainebleau. Il y avait des Anglais qui avaient ramené une échelle au secteur. C’était drôle et amusant mais en fait super-pratique pour bien brosser les prises et comprendre comment les tenir quand on ne peut pas les toucher du bas. J’ai en effet pu trouver une intermédiaire qu’on ne voyait pas à l’oeil nu du sol, et qui m’a permis de faire un mouv loin en deux temps, et donc de grimper le bloc. Pour en revenir à l’Insoutenable légèreté de l’Autre, j’ai entendu parler de la variante (l’Insoutenable légèreté de l’Être) pour la première fois quand Guillaume Glairon-Mondet l’avait sortie, et avait mis en commentaire sur 8a.nu que ce serait le potentiel premier 8b féminin de la forêt. J’ai regardé les vidéos et les répétitions sur Bleau. info : que des super pointures du bloc. Pour moi ce n’était qu’un doux rêve. Mais bon quelques années plus tard, en 2017, je suis allée y faire un tour. J’ai rapidement fait les 4 premiers mouvs de la version de l’Être (parfaitement dans mon style, sur arquées et en dévers). Par contre, gros but dans le 7C de sortie et frayeur totale pour engager le réta à 3 m de haut, j’ai donc laissé tomber. Pourtant, une vidéo continuait de me faire rêver, celle d’Enzo Oddo qui, lui, avait grimpé la version gauche (celle de l’Autre) avant qu’une prise clef ne casse.
Ce printemps, il y a eu une grosse émulation dans le bloc. Nico Pelorson, Camille Coudert, Charles Albert et Lucien y sont pas mal allés, et avec Nico on a réussi à trouver des méthodes bien tordues pour passer sans la prise cassée dans la version de gauche (celle de l’Autre). Voyant que les mouvs fonctionnaient, mon cerveau n’a plus pensé qu’à une chose : enchaîner ce satané dévers.
Finalement, tous les problèmes que j’ai rencontrés pour réussir le bloc, et il y en a eu pas mal, je pense les avoir surmontés en exploitant mes points forts autant qu’il m’a été possible. Ma force dans les doigts, d’abord, a été mise à rude épreuve pour tenir toutes ces croûtes en dévers. La créativité, indispensable pour trouver des séquences de main et des placements complexes mais fonctionnels, n’a pas non plus été ménagée. Elle m’a aussi permis de dénicher un gratton main droite, salvateur mais si petit qu’il était dur à imaginer en prise… L’utilisation de ce gratton m’a d’ailleurs valu un compliment de la légende Jean-Pierre Bouvier ! Dans ce bloc, j’ai aussi mis tout ce que j’avais de persévérance, pour garder la motive malgré l’accumulation des séances et, surtout, pour finalement réussir à maîtriser le rétablissement, qui ne doit pas valoir plus de 7a +, mais qui fait peur et qui n’est pas du tout dans mon style. Enfin, pour ne pas faire d’erreur et garder le contrôle dans un effort relativement long pour un bloc (une douzaine de mouvs) et particulièrement exigeant, toute mon adresse de grimpeuse a été nécessaire.