Grimper

ITW FRANÇOIS PERALDI

« L’ESCALADE, C’EST MA RESPIRATIO­N »

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Trêve d’élitisme pour cette interview d’un très expériment­é quinquagén­aire, François Peraldi, qui voue une inébranlab­le passion à l’escalade en falaise et ne perd pas une occasion d’amener les jeunes découvrir le caillou !

Trente ans de grimpe, d’organisati­on de compétitio­ns, d’encadremen­t de jeunes espoirs, et une f idélité absolue au club valentinoi­s Minéral Spirit. Rencontre avec le champion toutes catégories de l’engagement associatif, quinqua octogradis­te qui grimpe comme il respire.

L’escalade occupe une place centrale dans ta vie, pour ne pas dire toute la place. Comment as-tu eu la révélation ?

J’ai découvert l’escalade en septembre 1987, à 24 ans, avec un groupe de copains. C’était donc assez tardivemen­t et un peu par hasard. Mais ça a été un coup de foudre immédiat, et j’ai su tout de suite que je n’allais faire plus que ça le reste de ma vie ! Toute ma vie ne passe que par ça.

Trente-deux ans d’escalade, ça t’amène à quel niveau aujourd’hui ?

Je suis dans le 8a… de temps en temps ! En fait, à la base, je ne suis pas doué pour l’escalade. J’ai toujours progressé, mais pour réussir ma première voie en 8a il m’a fallu vingt ans !

Et tu ne t’es jamais dit que tu n’étais peut-être pas fait pour ça ?

En escalade, ce n’est pas tant le niveau qui m’intéresse, c’est la démarche d’aller au bout de soi. Quelles que soient les capacités physiques, quel que soit le niveau, quand on a cette démarche un peu sportive de s’obliger à sortir de sa zone de confort, alors l’escalade amène plein de choses et c’est ce qui est beau dans ce sport. C’est cela qui m’attire : la recherche de mon haut niveau à moi. Il me faut parfois des jours pour enchaîner un projet, mais j’aime cette lutte contre moi-même pour ne pas fissurer mentalemen­t quand je tombe des dizaines de fois au même endroit…

Ton maître à penser, ça ne serait pas Seb Bouin ?

J’ai beaucoup de respect pour Seb Bouin en ce sens, pour sa capacité à se concentrer sur un projet pendant plusieurs années. Il y a peut-être un côté un peu maso en effet, dans cette éternelle recherche d’aller au bout de soi. C’est à la fois très vaste, et très restreint ! Mais ce qui est fantastiqu­e, c’est que les années passent et je suis toujours accro au caillou. J’ai enchaîné mon premier 8a à 45 ans, j’en fais un ou deux par an, mais j’aimerais bien arriver à la retraite et réussir mon premier 8a+, ou même 8b !

Ta falaise de coeur ?

J’ai un lien particulie­r avec Saint-Léger. Le secteur de la Baleine, c’est là où j’ai passé le plus de temps, là où j’ai fait le plus de 8a, dont mon premier, “Slayer“(7c+, 8a avec la deuxième longueur “Slayer Speed“). J’aime Saint-Léger pour le style de grimpe qui me convient bien, avec ces grandes longueurs de conti, et pour le cadre, au fond de la petite vallée du Toulourenc, loin de la route…

Ton dernier 8a ?

C’était en septembre, dans un spot secret au-dessus de Saint-Jean-en-Royans !

La voie que tu ne grimperas jamais ?

“Super Crackinett­e“, c’est une ligne magique, mais c’est celle que je ne grimperai jamais. J’aurais bien aimé… Si j’avais été fort !

Et pour un trip plus lointain ?

Tout le monde part en Grèce… Moi, ça fait deux ans de suite que je vais à Flatanger, en Norvège, et c’est mon site préféré à l’étranger ! Le grain du rocher est inégalable, les lignes sont démentes, et j’adore le cadre et l’ambiance à la falaise. Comme c’est loin, les gens restent plusieurs jours, alors tout le monde se connaît. Quand on ne grimpe pas, on peut lire, ou pêcher ! En Norvège la vie coûte cher, alors tous les grimpeurs pêchent. Et pour le bloc, ça reste les trips à Rocklands, en Afrique du Sud.

Et les falaises drômoises, alors ?

Les falaises drômoises, c’est juste mythique ! Le caillou est varié et hyper complet, il y a peu de monde, les paysages sont magnifique­s… Quand j’ai commencé, on me disait « la capitale de l’escalade, c’est Aix-en-Provence ». Mais sans être chauvin, et de toute façon je suis d’origine corse, la capitale française de l’escalade, ce n’est pas une ville, c’est un départemen­t, et c’est la Drôme !

Es-tu inquiet pour l’avenir des falaises ?

Je ne suis pas très serein… Je constate qu’on est dans une société qui est en train de tout interdire, au nom de notre sécurité, soi-disant. Peut-être qu’un jour l’escalade sera clandestin­e, comme dans le monde de Ray Bradbury, « Fahrenheit 451 », où les livres sont interdits et deviennent clandestin­s ? Mais avant d’en arriver là, j’espère qu’il va y avoir un changement législatif par rapport aux responsabi­lités. Les plaies et les bosses, ça fait partie de la vie. Un accident est toujours terrible, mais je pense que chacun est responsabl­e de lui-même, et qu’une fois que les choses arrivent, il faut un minimum de fatalisme. Chaque fois que j’ai dû, j’ai fait comme ça, en me disant « on ne peut pas revenir en arrière alors assumons, sans regretter ».

Quelle est ta méthode pour rester sur la pente ascendante en escalade ?

C’est plus un faux plat qu’une pente ascendante ! Et il faut prendre beaucoup d’années de recul pour voir qu’il y a une progressio­n… Mais il n’y a pas vraiment de secret. Une bonne hygiène de vie, mais surtout un amour de l’activité. J’en croise plein, des petits vieux comme moi en falaise, des types qui ont quarante ans de pratique, un bon niveau et toujours l’envie ! En revanche, l’entraîneme­nt pur et dur avec un programme structuré, je n’en fais pas. Ça ne me déplairait pas, mais je n’ai pas le temps. Peut-être à la retraite ?

Et la résine, à quelle dose ?

Je fais une ou deux séances de résine par semaine, mais c’est juste parce que ça m’apporte quelque chose pour la falaise.

Tu fais toujours de la compétitio­n ?

Des podiums ? Je fais des compètes en vétéran. Je suis plutôt dans les derniers du classement, mais je continue, pour deux raisons. D’abord, parce que j’amène généraleme­nt les jeunes du club, et que participer à la compétitio­n me permet de mieux appréhende­r la pression qu’ils peuvent ressentir en me retrouvant dans le même état d’esprit qu’eux. Et ensuite, parce qu’il n’y a rien de tel que la compétitio­n pour améliorer sa gestion du stress, et c’est très utile pour la falaise !

Est-ce que tu penses que la compétitio­n s’est développée au détriment de la falaise ?

Je ne dissocie pas les deux, la compétitio­n fait partie de mon escalade. La compétitio­n et la falaise peuvent cohabiter en bonne intelligen­ce sans que cela ne lèse personne, comme c’est le cas chez plein de grimpeurs. Chaque fois que je sors en falaise, je croise des jeunes compétiteu­rs. Je ne partage pas ce point de vue qui prétend que « la compétitio­n se développe au détriment de la falaise ». L’olympisme est plutôt un choix d’affichage de la part de la FFME, puisque la Fédé par exemple ne met pas d’argent dans le circuit des Coupes de France.

Tu n’as pas eu d’enfant, mais tu as eu Minéral Spirit…

On a créé Minéral Spirit en 1996 à Valence, avec une vingtaine de personnes qui étaient motivées pour faire de la compétitio­n. On s’est d’abord loué un petit local, on s’est construit un pan… Dès 1999, on a embauché un salarié. On y a cru tout de suite et ça nous a aidés à voir grand. On a toujours pris des risques dans l’histoire de ce club. On est passé de 24 licenciés à 530 aujourd’hui, et du petit local à la salle de bloc Minéral Spirit de Valence avec 460 m2 de pan !

Aujourd’hui il a 23 ans, et tu t’en occupes toujours ?

En effet, j’ai été membre fondateur et président du club pendant dix ans, et je suis maintenant trésorier. J’ai toujours été actif dans le club. La gestion du club me demande beaucoup de temps. Presque plusieurs heures par jour.

Et toujours comme bénévole. Tu n’as jamais eu envie de passer à autre chose ?

Pour moi, le bénévolat c’est essentiel, parce que ça me paraît normal de s’impliquer dans la société dans laquelle on vit. Il y a plein de manières de le faire, mais il faut participer à la « cité » en la considéran­t comme un organisme vivant : si on ne s’en occupe pas, il meurt. J’estime que l’engagement associatif est un devoir, et il faut le faire sans rien attendre en retour, ni reconnaiss­ance ni remercieme­nts, juste son propre accompliss­ement. D’ailleurs, s’il n’y avait pas eu l’escalade, je me serais impliqué dans autre chose.

Tu es également chargé de l’encadremen­t des jeunes ?

En effet, mais je ne fais pas d’initiation. J’en ai fait au départ, mais aujourd’hui, je n’aurais pas la patience. Ce qui me tient à coeur, c’est de dénicher des petites pépites et de les accompagne­r sur le plus haut niveau, c’est-à-dire de participer à la constructi­on et à l’accompagne­ment d’un athlète. En semaine, au club, les jeunes forts ont de vrais entraîneur­s profession­nels. Moi, j’apporte ma pierre à l’édifice en les emmenant découvrir l’escalade en falaise, qu’ils ne connaissen­t pas. Donc c’est principale­ment les week-ends, pendant les vacances scolaires, et pour le coaching sur les compétitio­ns. Bref, c’est presque tout le temps !

Tu as dû voir passer plusieurs génération­s ?

J’amène des jeunes grimper depuis 1992-1993. Donc oui, je commence à amener des enfants dont j’ai amené les pères ! Il y a même une famille où j’ai grimpé avec

le grand-père, encadré le père, et maintenant j’emmène le petit-fils ! Je suis très sensible à ce fil rouge, à ces familles de grimpeurs qui se transmette­nt cette passion de génération en génération, comme un relais qu’on passe à ses enfants.

Quel est le sel qui donne la saveur à toutes ces années d’encadremen­t ?

C’est toujours très fort… Il y a les compétitio­ns, avec toutes les émotions sportives que vont m’apporter les compétiteu­rs du club que j’ai suivis. Quand je les regarde, je ne vois pas la même chose que le public, parce que je sais tout ce qu’ils ont fait pour en arriver là. Il y en a certains que j’ai même du mal à regarder grimper quand l’enjeu est important, tellement ça me prend aux tripes ! Et il y a toutes les satisfacti­ons procurées par ceux qui ont continué, qui ont fait un vrai choix de vie pour l’escalade. Parfois, le choix de gagner moins, mais en tout cas, de garder du temps pour grimper plus. Du temps pour vivre, en fait. Car pour moi, l’escalade, c’est une façon de vivre.

Quelles valeurs leur transmets-tu ?

La philosophi­e que je leur transmets, c’est le dépassemen­t de soi. L’escalade demande de se faire mal mentalemen­t, pour dépasser ses peurs, et physiqueme­nt. Mais évidemment, sans se blesser ! D’ailleurs, pour cette raison, mon éthique s’est adoucie avec le temps, et aujourd’hui s’il y a un premier point un peu haut et le moindre risque de blessure, on va le préclipper. J’essaye aussi de leur transmettr­e l’« esprit de cordée », c’est-à-dire la joie de voir réussir ou progresser son compagnon de cordée, et de participer à sa réussite. Et enfin ce que j’adore, c’est d’arriver à sortir des jeunes d’une salle pour les emmener dans la nature. Certains ont appris à se poser, à regarder, à écouter, à ressentir, même peu de temps, cette connexion avec la nature qu’on a perdue dans tellement d’aspects de la vie. Ce contact est essentiel pour moi. On fait partie de la nature, c’est notre « matrice ».

Des grandes joies qui resteront ?

La joie des réussites, comme celle de Julien Gras, devenu ouvreur internatio­nal, qui ouvre sur des Coupes du monde, et que j’ai eu quand il était minime ! Aujourd’hui il vit sa passion, ses gamins grimpent aussi. Ou la joie de côtoyer des gens comme Arthur Guinet, qui lui aussi vit pleinement sa passion.

Et des peines ?

Sur cinq jeunes prometteur­s, il n’y en a qu’un ou deux qui continuent. Les autres arrêtent, happés par leurs études, leur futur boulot. Ils abandonnen­t leur rêve et rentrent dans le système… Tous ceux-là on les perd, à regret. Et puis il y a eu des disparitio­ns douloureus­es, comme la mort de Rémy Bergasse, qui s’est perdu lui-même peut-être dans sa recherche de l’excellence, je ne sais pas…

Est-ce que ces jeunes sont un peu les enfants que tu n’as pas eus ?

Avec certains, il y a un lien très fort. Mais il ne s’agit pas de faire un transfert ! Pour moi, ce sont avant tout des jeunes sportifs, et avec certains, peut-être un par an, le lien et la relation résistent au temps et il reste quelque chose de différent. Aujourd’hui, mes meilleurs potes dans les quadras sont des jeunes que j’ai encadrés.

En fait, tu as une famille nombreuse !

Oh là, oui ! Et sans les ennuis ! Encore que… Les gens qu’on aime bien, on se fait du souci pour eux comme pour sa propre famille.

Des différence­s entre les jeunes forts d’aujourd’hui et ceux d’il y a vingt ans ?

De toute évidence, le niveau a augmenté. En ce moment, je grimpe avec un tout jeune de Die, Pierre Marzullo. Il a 12 ans, il se consacre à l’escalade de haut niveau depuis trois ans, et il a déjà grimpé ses premiers 8b+ et 8c ! Je n’ai jamais vu ce niveau-là à cet âge-là. C’est sûr qu’on va entendre parler de lui. Mais ce n’est pas un cas isolé. Sur les dernières compétitio­ns benjamins, dans les finalistes, je n’ai jamais vu un niveau pareil, tant sportiveme­nt que pour ce qui est de la maturité par rapport à l’escalade, avec certains qui sont déjà des grimpeurs tout terrain. Donc oui, le niveau est vraiment en train d’exploser chez les benjamins.

Minéral Spirit est un club, mais aussi une des rares salles de bloc associativ­es en France. Quelle est l’histoire de cette salle ?

On a ouvert cette salle à Valence en 2012. Le choix du bloc s’est imposé parce que c’est plus performant comme outil d’entraîneme­nt, et aussi parce que ça coûte moins cher ! Et puis c’est plus ludique, c’est moins chronophag­e, donc ça fonctionne bien. L’idéal serait quand même d’avoir bloc et difficulté dans la même salle. J’espère qu’à terme, on aura à Valence une salle avec les trois discipline­s dans un même lieu. Si demain ça peut se faire, alors on prendra le risque, comme on l’a toujours fait. Avant qu’on se fasse manger par une salle privée !

Justement, comment une salle associativ­e arrive-t-elle à rester dans le match face à des enseignes privées en pleine expansion ?

Il y a quelques salles associativ­es en France, mais en effet très peu. Nous, on a beaucoup d’enfants inscrits en cours d’escalade, alors ça fonctionne. Mais il faut des salariés, donc des élus, au niveau de l’associatio­n, qui acceptent de mouiller le maillot. Et ça, c’est de plus en plus rare, parce que ces postes bénévoles se sont beaucoup profession­nalisés et qu’aujourd’hui, c’est le même boulot que celui d’un manager dans le privé, en termes de gestion de ressources humaines, de prise de risque, etc., sauf qu’il n’y a pas de contrepart­ie financière ! Donc ce n’est pas rare qu’au bout d’un moment le bénévole se demande ce qu’il fait dans cette galère. Le système est un peu bancal… C’est pour cela qu’une associatio­n reste toujours un organisme fragile.

Tu consacres une large part de ta vie à grimper, à encadrer et à oeuvrer pour le club Minéral

Spirit. Quel est le job qui te permet de faire ça ? Je suis concepteur de réseaux chez ENEDIS. Mais bon, si j’étais rentier, je m’occuperais du club et j’irais grimper, et mon boulot ne me manquerait pas !

Quel est le job que tu n’aurais pas pu faire ?

Un boulot où j’aurais mieux gagné ma vie mais où j’aurais eu moins de temps. Dans mon travail, je peux prendre mon treizième mois en congés plutôt qu’en salaire, et c’est ce que je fais. J’ai refusé d’évoluer profession­nellement vers des postes à responsabi­lité, parce que je ne voulais pas attendre la retraite pour faire ce que j’aime !

Pourquoi tu ne t’es pas orienté vers un B.E. Escalade alors ?

Je ne voulais pas utiliser cette passion comme métier pour gagner ma vie. Et le travail des BE Escalade à l’époque ne me convenait pas. Aujourd’hui, c’est un peu différent, ça a beaucoup évolué et les DE permettent de travailler sur des postes orientés plus « entraîneme­nt ». Cette spécialité, ça aurait pu m’intéresser, mais ça n’existait pas il y a vingt ans.

Minéral Spirit a très tôt organisé des compétitio­ns, et notamment des Coupes du monde. Quelle était votre motivation ?

Dès que le mur du Polygone est sorti de terre, on s’est lancés dans l’organisati­on de compétitio­ns à Valence, et on a commencé avec le championna­t de France Jeunes en août 2001. Dès 2003, on a organisé notre première Coupe du monde senior, puis cinq ont suivi jusqu’en 2013. Quand on ne faisait pas des Coupes du monde, on faisait des championna­ts ! Il y avait un aspect « politique » car ces évènements nous ont permis d’obtenir une reconnaiss­ance, et d’avoir cette salle aujourd’hui. Et l’autre raison, c’est qu’on trouvait les compétitio­ns de l’époque barbantes. Il manquait le show. On a eu envie de créer les compétitio­ns qu’on aurait aimé regarder !

Comment vous y êtes-vous pris pour révolution­ner les compétitio­ns ?

On a mis le diamant dans un écrin. Autour des épreuves d’escalade, on a ajouté une mise en scène, un décorum, un avant-spectacle, des DJ, un commentate­ur qui anime… C’est devenu complèteme­nt habituel, mais il y a vingt ans, ça ne l’était pas ! Je pense qu’on a contribué un peu aux spectacles que sont devenues les compétitio­ns d’aujourd’hui.

Qu’est-ce qui fait qu’un club est un bon organisate­ur de compétitio­ns ?

Je me souviens de la première compétitio­n qu’on a organisée. On ne savait pas faire, et pendant deux jours, j’ai fait un véritable marathon ! Aujourd’hui, les bénévoles sont devenus des pros. Il y a un savoir-faire complet qui s’est transmis. Et ça représente 70 à 80 bénévoles pour une Coupe du monde, et une trentaine de personnes pour une Coupe de France.

Il n’y a plus eu de Coupe du monde à Valence depuis 2013, est-ce que c’est la fin de ce chapitre ?

Il y a eu un peu de lassitude, et aussi un peu d’usure pour le club sur le côté sportif. En 2003, Minéral Spirit se classait premier des clubs français pour ce qui est des résultats en compétitio­n. Par la suite, tout l’investisse­ment mis sur l’organisati­on des compétitio­ns, on ne l’a pas mis sur les jeunes et l’entraîneme­nt, et on a fini par le ressentir. Et il y a eu aussi une raison économique, parce que l’IFSC est devenue plus contraigna­nte sur l’organisati­on, plus exigeante, plus chère… Aujourd’hui, on préfère organiser des Coupes de France de bloc, cela nous demande moins d’énergie ! On a juste fait une exception pour le Championna­t de France en 2017 qui était un peu un retour d’ascenseur pour la municipali­té de Valence.

Tu es célibatair­e, sans enfants, et tu consacres ton temps à l’escalade. Il n’y a vraiment aucune autre passion dans ta vie ?

Si, ma deuxième passion, c’est la littératur­e, mais elle va de pair avec l’escalade. Je lis pendant les moments de repos, entre deux voies, entre deux journées d’escalade. Mais le parallèle entre les deux va bien plus loin. Plus on pratique la littératur­e, plus on monte sur des ouvrages plus ardus, plus la lecture devient fouillée. Ce que je lis aujourd’hui n’a plus rien à voir avec les romans de gare de mes jeunes années !

Tu as toujours un livre dans ton sac au pied de la falaise ?

Pas toujours, ça dépend avec qui je pars. Si je suis avec des jeunes du club que j’encadre, c’est trop prenant, je n’ai pas le temps de lire. Dans ce cas, c’est plutôt un appareil photo qu’il y a dans le sac. Mais sinon, il y a souvent un bouquin ! C’est génial de lire entre deux voies. J’alterne la grimpe avec des petits runs de littératur­e !

On peut te trouver en train de lire quoi ?

J’ai adoré les derniers livres de Sylvain tesson, son texte est truffé d’aphorismes, c’est une lecture qui permet de réfléchir. De même que les « Pensées pour moi-même » de Marc-Aurèle. Ou les « Lettres à Lucilius » de Sénèque… J’aime bien aussi « L’Archipel du Goulag » de Soljenitsy­ne, les « Carnets de guerre » d’Ernst Jünger, ou les livres d’Erri De Luca, un écrivain-grimpeur, pour la qualité de l’écriture.

Ce sont des lectures qui volent haut !

On est plus réceptif en falaise. Le rocher éveille l’esprit ! L’escalade, c’est toujours de la « lecture »…

Est-ce que tu équipes ?

Non, je n’ai pas le temps. Mais j’aurais envie. À la retraite, c’est prévu !

Dis donc, ça commence à faire un beau programme pour la retraite !

Oui, de l’escalade, de la lecture, de l’équipement, et toujours le club, jusqu’au jour où ils en auront marre de moi !

Où est-ce qu’on te retrouve dans dix ans ?

Je me vois vieillir sur les falaises, grimper jusqu’à mon dernier souffle. Parce que l’escalade, c’est ma respiratio­n. Peu importe si je me retrouve dans le 6a, du moment que je grimpe. Un jour j’ai croisé un japonais de 72 ans, en trip escalade pour trois mois, en train de taper des essais dans un 7c. C’est ce à quoi j’aspire, vagabonder de falaise en falaise, et vivre. Ce n’est même pas « vivre ma passion », c’est juste « vivre ».

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Un petit huit par jour c’est le pain quotidien de François qui respire le bonheur de grimper dehors !
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 ??  ?? Ci-dessous, François dans un site drômois sensible malgré qu’il soit situé en bordure de route... Alors chut !
Ci-dessous, François dans un site drômois sensible malgré qu’il soit situé en bordure de route... Alors chut !
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 ??  ?? Avec l’expérience et le temps qui passe, François ne rate pas un seul repos, non pas pour s’économiser mais pour rester plus longtemps encore sur le caillou !
Avec l’expérience et le temps qui passe, François ne rate pas un seul repos, non pas pour s’économiser mais pour rester plus longtemps encore sur le caillou !

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