Grimper

MARTINIQUE

L’ESCALADE SOUS LES TROPIQUES

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Vous ne saviez pas que ça grimpe en Martinique ? Ça tombe bien, on vous propose un petit tour du propriétai­re entre spots de couennes, de bloc et de psychobloc. Un rocher volcanique joliment coloré vous attend !

« Tiens donc ?! De l’escalade en Martinique, je n’en avais jamais entendu parler. T’es sûr que tu ne confonds pas avec l’île de La Réunion ? ». Eh non il a tout juste le coco ! En termes de grimpe sous les tropiques la Réunion n’est pas la seule à pouvoir se vanter. Mais alors ça dit quoi l’escalade en Martinique ?

Il est vrai que de prime abord, quand on pense à l’île aux fleurs, on imagine plutôt des vacances carte postale : plages de sable blanc, tortues marines et ti punch. Il faut ajouter à ça du caillou ! Eh oui Jamy, qui dit île volcanique, dit forcément rocher et nous, ça nous plaît. Madinina est une des très nombreuses îles que compte l’arc Caribéen. Située dans les French West Indies comme ils disent. Elle est positionné­e bien plus à l’est que la plupart des îles. Bercée une majeure partie de l’année par les Alizés, elle bénéficie d’un climat propice à la détente avec ses 28 °C quasiment tous les jours. D’un côté l’océan Atlantique assez agité et ses vents plutôt constants, de l’autre la Mer des Caraïbes plutôt calme et bien moins ventée. Située proche de l’équateur, il n’y a pas de saisons, néanmoins on peut distinguer deux climats différents pendant l’année. Une saison dite sèche (il ne pleut guère) de décembre à mai et une saison humide (il pleut au moins une fois dans la journée quelques minutes / voire plus / voire pas du tout pendant plusieurs jours / voire des trombes d’eau pendant plusieurs heures puis plus rien) de juin à novembre. Même si sa superficie est restreinte, environ un tiers du Bas-Rhin (oui ce départemen­t là-haut chez les mangeurs de choucroute), la Martinique possède une multitude de paysages tous plus impression­nants les uns que les autres. La nature est grandiose et omniprésen­te. Dès lors que l’on débarque de l’avion on se sent plongé dans cette verdure. Je pèse mes mots, il y a du vert partout. À part les palmiers et les bananiers on a aucun repère, il y a des plantes tout autour de nous et impossible de les nommer : que des espèces nouvelles ! « EH OH on n’est pas dans un magazine de jardinage là, je voulais apprendre quelque chose sur l’escalade en Martinique moi ». Oui pardon, je m’égare. Faut dire qu’entre la jungle profonde du Nord de l’île et de la zone quasi-désertique du Sud, ben on est subjugué quoi ! En termes de géologie pure, la Martinique est une île volcanique assez jeune, bon quand même 20 millions d’années. Mais par rapport aux massifs des Alpes qui ont commencé leur formation il y a plus de 30 millions d’années, c’est bien plus jeune. Par conséquent on ne retrouve que peu de roches compactes de types gneiss ou granite. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Wikipédia. Au gré de nos escapades sur les différents sites de grimpe de l’île on pourra observer du caillou bien différent, de la roche orangée et déversante­s de Morne Champagne, au congloméra­t volcanique du Rocher Zombi en passant par les faces noires et verticales du Rocher Leclerc. En Martinique, on peut pratiquer du bloc, de la couenne et du psychobloc, mais l’escalade a historique­ment débuté au Rocher Leclerc, sur la commune du François,

à l’Est de l’île, sur la façade Atlantique juste à côté d’un camp militaire. C’est d’ailleurs eux qui ont les premiers gravi ce gros rocher. On peut aisément voir de vieux pitons old school qui leur permettaie­nt de s’entraîner. Toutes les orientatio­ns sont représenté­es, mais seules les faces à l’ombre sont idéales en pleine journée. Coup de bol, la face nord est très bien fournie. En plus il bénéficie d’une agréable brise marine toute la journée ce qui est fort agréable.

Le rocher s’observe de bien loin, comme une cerise sur le haut d’un gâteau. Le Rocher Leclerc représente le plus gros site de l’île, on dénombre une centaine de voies du 4b au 7b+, avec une grande majorité de voies dans le 5 et le 6. L’occasion d’y découvrir l’escalade en famille ou entre amis dans un cadre unique. Toutes les faces du Rocher Leclerc présentent une escalade assez verticale. Ici la roche est exceptionn­elle, des teintes de brun foncé tirant jusqu’au noir et d’un grain bien différent que ce dont on a l’habitude. La roche volcanique est globalemen­t assez grumeleuse mais il est possible de tomber sur de belles arêtes typées grès ou de beaux plats comme à Fontainebl­eau. Indéniable­ment, trouver de bonnes prises de pied vous fera progresser. En effet, cet aspect granuleux du rocher vous offre une infinité de prises en plus de sa qualité abrasive. À vous de démêler le bon du très bon sans vous fatiguer les bras. Par ailleurs, les voies dépassent rarement une vingtaine de mètres mais c’est largement suffisant pour dépasser la cime des arbres et distinguer l’océan en contrebas. Sur ce secteur vos meilleurs copains seront les bernard-l’hermite (eh oui il y en a même dans les sous-bois) et si vous avez de la chance vous pourrez sans doute voir des matoutous falaise (mygale endémique).

Le second site majeur de Martinique est Morne Champagne. Il se trouve sur la commune des Anses d’Arlet côté Mer des Caraïbes. Lieu ultra-connu pour ses belles plages de sable blanc et ses bars de plage où l’on sirote des cocktails les pieds dans le sable. Idéal pour aller piquer une tête après une bonne séance de grimpe et admirer à coup sûr de belles tortues marines ! Morne Champagne est à mon goût le site le plus dépaysant et le plus majestueux de Martinique. Après une marche d’approche d’une vingtaine de minutes dans les sous-bois puis à travers un plateau, on y accède par un rappel avec une vue époustoufl­ante sur la Mer des Caraïbes. L’ambiance y est plus que paisible et la vue est imprenable. Même avant d’avoir grimpé on est déjà en extase. Le caillou volcanique d’habitude granuleux est ici par endroits extrêmemen­t lisse avec de très belles courbures orangées. La première fois on se sent comme un enfant dans un magasin de jouets. Assurément vous n’avez jamais vu un caillou pareil ! Le site de Morne Champagne se découpe en trois secteurs assez distincts. Le premier à droite en descendant du rappel propose des voies assez courtes et physiques sur du caillou volcanique grumeleux. On accède au second secteur après le rappel à gauche. Vous pourrez trouver de belles lignes dans le 5 et le 6 qui proposent parfois un itinéraire original en évitant de gros cactus. On arrive au dernier et plus beau secteur en longeant la falaise vers la mer. Certaines voies proches de la mer (faut carrément faire gaffe à ne pas faire tomber la corde dans l’eau) culminent à plus de 25 m et offrent de très belles envolées. Je vous recommande vivement : La der des ders (7a+) qui remonte une belle arête orange où il faut savoir jouer des coincement­s et Catacrack une superbe fissure en 7b+.

Cette partie de la falaise est majestueus­e. Ses courbes sont harmonieus­es et donnent plus qu’envie d’y poser les doigts. À l’heure actuelle, seules quelques voies ont été équipées, les plus évidentes, en utilisant les lignes de faiblesse de la roche. Si l’envie vous en prend, saisissez-vous d’un perfo ! De très belles ouvertures sont possibles dans du dur, je pense qu’on pourrait ouvrir du 8b / 8c dans cette face.

Au pied du site se trouve le seul spot de psychobloc répertorié. Mais il semble peu probable qu’il s’agisse de l’unique. Après avoir enchaîné vos voies vous avez juste à enlever votre baudrier et vous jeter à l’eau. La première partie intéressan­te se trouve à quelques mouvements de brasse. Il y a deux zones, une verticale plutôt indiquée pour les grimpeurs de 5/6 et une partie dévers qui propose plusieurs itinéraire­s très intéressan­ts plutôt indiqués pour les grimpeurs de 7/8. Le topo répertorie quelques passages, mais il y en a bien plus. Faites fonctionne­r vos méninges et laissez libre cours à votre imaginatio­n. Le site de psychobloc est accessible en kayak ou à la nage depuis la grande plage des Anses d’Arlet, certains grimpeurs viennent d’ailleurs uniquement pour ça. En même temps ils auraient tort de s’en priver. Le caillou est complèteme­nt différent de celui qu’on retrouve un peu plus haut sur le site de couenne. Étonnammen­t, le rocher, de couleur jaune, ressemble à du calcaire et les prises sont plutôt franches. Le dernier bébé équipé par les bénévoles est le site du Rocher Zombi, sur la commune de Rivière Pilote, dans le sud de la Martinique. De prime abord l’endroit peut paraître assez incongru. En effet, le rocher est posé à la sortie de la commune à côté d’un rond-point. Ce n’est pas à côté d’une autoroute non plus, je vous parle d’une petite bourgade. Mais c’est un mal pour un bien, les grimpeurs qui s’acharnent dans leurs projets sont une belle vitrine pour le développem­ent de notre discipline en Martinique, terre du cyclisme et de la yole. Comme pour le Rocher Leclerc, la falaise ressemble à un Merveilleu­x (vous savez la pâtisserie Chti) posé au milieu de nulle part. Ici vous rencontrer­ez encore un autre style de roche, le caillou est une sorte de conglo

mérat avec de gros morceaux durs fixés dans une matrice plus molle et friable. La couleur brun foncé / noir de la roche contraste avec le vert intense de la jungle voisine. Jusqu’il y a peu de temps, cette falaise était entièremen­t recouverte d’un épais tapis de végétation. Un très gros travail de débroussai­llement, déracineme­nt et de purge a dû être mené avant de commencer l’équipement.

Aujourd’hui, aucune voie n’est répertorié­e dans le topo car l’équipement est très récent. N’ayez crainte un petit mail à la ligue FFME ou un petit message sur Facebook et le chargé de développem­ent de l’escalade vous enverra avec plaisir le topo. La face nord a été logiquemen­t la première équipée. Elle propose surtout des itinéraire­s d’initiation dans une face verticale d’environ 15 mètres. Récemment les faces est et sud-est ont été équipées. Elles offrent des voies bien plus longues et plus dures avec des profils plus variés. Les dernières lignes en date ont vu le jour en février 2019 grâce à la motivation des bénévoles des deux clubs de l’île. On compte pour l’instant une vingtaine de voies du 5a au 7a+. Le Rocher Zombi est l’exemple type du rocher école, équipement béton et localisati­on stratégiqu­e pour promouvoir l’escalade auprès de nouveaux publics.

Outre ces trois sites majeurs de couenne, la Martinique offre également deux sites de blocs. Le premier se situe juste à côté du site de couenne de Rocher Zombi, en remontant vers la colline voisine. Le lieu offre une quarantain­e d’itinéraire­s du 4 au 7A. En plus, le site est à l’ombre la majeure partie de la journée, ce qui est un argument essentiel sous les tropiques. Ce site a du potentiel, au moins la moitié des blocs n’ont pas encore été défrichés. En plus d’une échelle et d’une brosse, il faut s’armer d’une machette pour venir à bout des lianes omniprésen­tes, avis aux amateurs.

Le second site de bloc est celui de Cap Salomon, proche des Anses d’Arlet, sur la façade ouest de la Martinique. Il pourrait bien être dans le top 5 des spots d’Outre-mer. Comme son nom l’indique, il est perché sur un cap au sommet d’une colline. Le site se révèle après une

trentaine de minutes de marche d’approche en montée sur un sentier bien balisé qui parcourt le bord de mer. Les blocs sont dispersés, ici et là, de part et d’autre d’un petit sentier. Le site a réellement de l’ampleur mais est largement sous-estimé par les locaux par faute de crashpads sur l’île ! Je crois qu’on dénombre ici moins d’une dizaine de tapis de réception, la majorité appartenan­t au club Aventure & Canyon. On y est assez protégé du soleil par l’ombre que procurent certains grands arbres ce qui permet de grimper toute la journée. Le caillou est blanchâtre, de style calcaire, mais beaucoup plus abrasif. En réalité on dirait plutôt le genre de caillou très découpé que l’on retrouve en bord de mer où les crabes viennent s’abriter. les prises sont étonnantes, des plats aux bacs en passant par des arêtes bien franches. La plupart du temps seuls un ou deux crashpads sont nécessaire­s pour la réception. Le site offre de très beaux itinéraire­s variés dans tous les niveaux jusqu’au 7C. Il est malheureus­ement trop peu fréquenté ; bien souvent il faut prendre une machette pour dégager la zone de réception.

Il existe aujourd’hui deux clubs en Martinique, PLIÔ et Aventure & Canyon, qui fédèrent environ 200 licenciés. Le premier est basé sur le mur du gymnase appartenan­t au Collège de la commune de Saint-Joseph. Le club y organise tous les six mois une compétitio­n de bloc en plus du calendrier fédéral. L’ambiance y est très chaleureus­e et permet aux jeunes et aux adultes de se retrouver autour d’une passion commune. Le second est un petit pan associatif. En plus de ces deux structures qui proposent du bloc, il existe deux petits murs privés à cordes. Que ce soit au club de PLIÔ ou à A&C les membres et bénévoles sont extrêmemen­t investis auprès des jeunes, notamment en proposant régulièrem­ent des sorties falaise ou canyon. Les grimpeurs locaux forment une réelle communauté et accueillen­t de plus chaleureus­ement les nouveaux arrivants.

Sans être péjoratif pour un sou, l’escalade aujourd’hui en Martinique en est au même point que la France dans les années 85, c’est-à-dire ultra-confidenti­elle. Mais nous sommes à l’aube d’un grand changement. L’activité est en plein essor en Martinique, si bien que de nombreux établissem­ents scolaires souhaitent se doter de structures d’escalade. De plus, la première salle de bloc privée va bientôt voir le jour sur l’île. Elle s’est implantée dans un lieu stratégiqu­e du centre de la Martinique pour démocratis­er la pratique et ainsi faire accroître le nombre d’adeptes. Il est nécessaire pour la Martinique d’avoir plus de pratiquant­s. Les deux sites de bloc et un des sites de couenne (non abordé ici) sont tellement peu fréquentés que la végétation reprend ses droits dans l’intervalle de temps entre le passage de deux groupes de grimpeurs. Si bien qu’il faut amener une machette avec soi lorsque l’on souhaite y grimper. Une augmentati­on de la fréquentat­ion serait bénéfique à leur pérennisat­ion.

La ligue FFME Martinique est très active tant dans l’équipement de nouvelles falaises que pour développem­ent de nouvelles structures. Aujourd’hui, les plus belles falaises sont équipées et deux spots de blocs ont été défrichés, mais il reste encore à développer d’autres sites et à faire accroître le nombre de licenciés. Sans rentrer dans les débats récurrents qui opposent grimpeurs de salle et de falaise ; l’ouverture prochaine de la première salle de bloc martiniqua­ise devrait sans nul doute changer la donne !

 ??  ?? Ci-dessous : Alexis Ostrovick dans Stratosphè­re, un superbe pilier en 6b du Rocher Leclerc. Cadre idyllique et vue sur l’océan atlantique en prime.
Ci-dessous : Alexis Ostrovick dans Stratosphè­re, un superbe pilier en 6b du Rocher Leclerc. Cadre idyllique et vue sur l’océan atlantique en prime.
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 ??  ?? Ci-dessous : En plus des voies équipées, Morne Champagne propose une multitude d’itinéraire­s de DWS, du facile au dévers tout en puissance. Les fonds marins y sont de toute beauté, le masque et le tuba s’avèrent tout aussi essentiels que les chaussons.
Ci-dessous : En plus des voies équipées, Morne Champagne propose une multitude d’itinéraire­s de DWS, du facile au dévers tout en puissance. Les fonds marins y sont de toute beauté, le masque et le tuba s’avèrent tout aussi essentiels que les chaussons.
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 ??  ?? Ci-dessous, le Rocher Leclerc émerge d’une végétation luxuriante.
Ci-dessous, le Rocher Leclerc émerge d’une végétation luxuriante.
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La Martinique offre des plages paradisiaq­ues et d’inf inies possibilit­és de randonnée.
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 ??  ?? Alexis Ostrovick sur les blocs du Cap Salomon dans le secteur Gwo Tet. Le rocher l’inspirera surement pour les problèmes qu’il créera dans la salle de bloc qu’il vient d’inaugurer au Lamentin (Madinina bloc).
Alexis Ostrovick sur les blocs du Cap Salomon dans le secteur Gwo Tet. Le rocher l’inspirera surement pour les problèmes qu’il créera dans la salle de bloc qu’il vient d’inaugurer au Lamentin (Madinina bloc).

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