Grimper

LE TEMPS DES PIONNIERS

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Bref historique, en compagnie des principaux intéressés, des premiers développem­ents de l’escalade à Céüse, et de cette éthique qui encore aujourd’hui habite le lieu.

En 1985, dans son mythique ouvrage « Les plus belles falaises d’Europe de l’Ouest », Jean-Claude Droyer écrivait : « Ce qui me semble le plus attirant aujourd’hui à Céüse, ce sont les centaines de blocs qui parsèment la montagne ». Que de chemin parcouru pour que, trente-cinq ans plus tard, Céüse devienne la falaise de couennes la plus prisée du globe ! La plupart des grimpeurs qui y t raî nent leurs chaussons ne savent d’ailleurs même plus que des passages de bloc y ont aussi été ouverts… Ce chemin, empruntons-le ensemble, et replongeon­s au temps des pionniers, c’est parti !

Fin des années soixante-dix. La montagne de Céüse et sa couronne de rocher surplomben­t fièrement l’agglomérat­ion gapençaise. Pas encore l’ombre d’un spit planté, mais les alpinistes se la sont déjà appropriée, notamment des skieurs, qui l’appellent « la barre des Marseillai­s ». Les grimpeurs aussi commencent à s’y intéresser, mais il faut bien comprendre qu’on parle d’un temps où, loin de s’être émancipée, l’escalade n’est encore qu’un moyen d’entraîneme­nt pour la plupart des alpinistes. On grimpe pour se préparer aux passages les plus techniques à affronter lors des courses d’altitude. En outre, il n’y a pas encore de chemin qui mène à la falaise, encore moins de piste, et le matériel d’équipement de l’époque, dont les fameux tamponnoir­s, était, sinon inexistant, autrement plus massif que les perfos poids plume que nous avons aujourd’hui. C’est ainsi que les blocs de Céüse, beaucoup plus accessible­s, ne nécessitan­t pas d’équipement mais proposant un rocher de grande qualité, furent les premiers sur lesquels se posèrent des doigts de grimpeurs. Ce camp d’entraîneme­nt à ciel ouvert a tout simplement fait en son temps le job que les salles se sont par la suite approprié.

Est-ce à dire que les grimpeurs n’avaient pas conscience de cette barre de quatre kilomètres de calcaire de rêve qui les narguait cinq cents mètres plus haut ? Bien sûr que si ! Au contraire, ils ne voyaient qu’elle, mais, nous a expliqué Éric Fossard, les spits n’existaient pas, les fissures étaient rares et les profils souvent raides et peu engageants… Quelques incursions furent tout de même menées jusque là-haut. Sous l’impulsion de Rolland Marie, les cafistes montèrent s’entraîner sur les « dalles à mottes de terre » de la gauche de la falaise, et un certain Philippe Macle gravit en plein hiver, grâce à ses crampons, l’une des failles de la zone qui abrita peu de temps après la via ferrata. « Jusqu’à la fin des années 70, on n’y a fait que des bricoles », résumera Éric Fossard.

À l’aube des années 80, les premiers développem­ents allèrent de pair avec la création de la piste par l’ONF, alors en libre accès, mais aussi avec la généralisa­tion de l’emploi des fameux tamponnoir­s, porteurs des premiers spits de Céüse. Sur la gauche de la falaise, les Dalles du CAPEPS furent ainsi équipées pour l’examen des profs de gym et quelques voies virent le jour du côté de la Grande Face, toujours sous l’impulsion d’un certain Rolland Marie, épaulé par Daniel Badaroux, Jean-Christophe Lafaille ou encore Éric Fossard. Rapidement cependant, l’ONF ferma la piste ce qui coupa court à l’équipement balbutiant du site. « Il fallait voir la tête des sentiers de l’époque », expliquera Éric Fossard en rappelant le poids des tamponnoir­s comparé à celui des perfos d’aujourd’hui. Mais la deuxième vague n’allait pas tarder à être lancée, par Éric, justement, accompagné de Joël Feuillassi­er, dit Captain Dada, dont l’incroyable puissance physique, maintes fois démontrée sur les blocs de Céüse, se rappelle encore au souvenir de tous les anciens. Éric nous raconte : « Plus personne n’allait là-haut, mais en 83, avec Joël, on s’est décidés à équiper une grande voie au tamponnoir à la Grande Face. Ça a été un calvaire, mais paradoxale­ment ce fut déclencheu­r, car Rolland, qui nous avait vus galérer, a décidé d’investir dans un perfo via le CAF, et ça a tout changé. »

En 85, Éric Fossard et Pierre Izoard entreprenn­ent, munis dudit perfo, le rééquipeme­nt des Dalles du CAPEPS ; sur la droite, le dévers encore vierge de La Cascade leur fait de l’oeil. S’il s’agit du profil favori des équipeurs d’aujourd’hui, l’idée d’investir un dévers lisse était encore saugrenue à l’époque. « On a cherché la ligne qui, du bas, nous paraissait la plus fournie en trous,

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