Grimper

GARDIEN DU TEMPLE ET DERNIER DES DINOSAURES

Le point de vue du comité départemen­tal FFME06 : Jean-Luc Belliard

-

Le comité départemen­tal FFME des Alpes Maritimes comptabili­se en son sein plus de 2000 licenciés, dont beaucoup sont des enfants, provenant de 34 différents clubs. Les Alpes-Maritimes, c’est aussi plus de 20 moniteurs d’escalade Diplômé d’État et 15 guides de haute montagne affiliés, et au total 300 en activités par an, bref, une belle brochette ! On dit que le pourcentag­e de falaisiste­s licenciés à la FFME est de 10 % ; on comprend vite que le 06 est le jardin d’une communauté sacrément dense de grimpeurs !

On peut dire que l’accent est mis sur l’outdoor. Il s’agit d’un des départemen­ts les moins équipés en SAE, tandis que l’entretien des nombreux canyons, de falaises, et le développem­ent du ski alpin en ont fait un des départemen­ts les plus aidés pour le développem­ent des sports de pleine nature. Ça fait partie du patrimoine ! Le comité départemen­tal, présidé bénévoleme­nt par Jean Luc Belliard, est très actif et tente de sauvegarde­r les équipement­s existants, notamment grâce au dialogue avec les mairies sur le déconventi­onnement. Une fois les explicatio­ns données sur ce changement de statut, certains interdisen­t, d’autres restent ouverts à la discussion. Or le départemen­t comprend tellement de sites qu’il est impossible de financer l’entretien de tous, le comité en a sélectionn­é une quinzaine, sur lesquels ils mettent le paquet: les plus historique­s comme Saint Jeannet, où ils ont rajouté des premiers points pour diminuer l’engagement, ou encore la Turbie. Jean Luc confie qu’ils vont nécessaire­ment perdre l’accès à certaines falaises suite à cette décision du déconventi­onnement.

« Ce qui est dommage avec ce retour en arrière (le déconventi­onnement), c’est surtout pour les gamins, sur les sites interdit c’est compliqué, tu peux plus les amener grimper ».

Un tiers du budget total de 300000 € est investi tous les ans sur l’équipement et le rééquipeme­nt de deux gros sites, notamment des sites écoles, dans le 5 et le 6, adaptés à la pratique des clubs et des enfants. Ils ont, par exemple, récemment équipé un ensemble de nouveaux sites dans le Vernet (Vallée de La Vésubie), et rééquipé cette année dans les gorges du loup.

Leur objectif à long terme est de réaliser des topos, par vallée, en collaborat­ion avec le magasin du coin Alticoop, afin qu’une partie des bénéfices soient réinvestis pour financer les opérations de rééquipeme­nt. Jean-Luc Belliard se fait le porte-parole de problémati­ques qui compromett­ent notre pratique de l’escalade outdoor, que ce soit au sein de la fédération et localement. Un premier enjeu est le manque de responsabi­lité des pratiquant­s : hormis les 1 % qui s’investisse­nt dans l’équipement, la majorité a tendance à considérer les falaises comme du consommabl­e. Certains par exemple n’hésitent pas à contacter les maires pour les informer de l’état de mains courantes abîmées au lieu de les changer. La falaise n’est pas un stade de foot et son équipement n’est pas un dû !

Au sein de l’assemblée de la fédé, les gestionnai­res de falaises sont minoritair­es, les représenta­nts du Sud-Est constituen­t un noyau qui tente tant bien que mal de maintenir l’escalade outdoor parmi les champs d’action de la FFME, de se faire entendre et de porter nos intérêts de grimpeurs.

« On a l’impression d’être les gardiens du temple, et le dernier des dinosaures ! Mon engagement dans la fédé c’est pour la falaise. On essaye de peser dans la balance mais ça devient compliqué. Aux assemblées générales on se fait entendre parce qu’on est des grandes gueules mais l’année dernière, la falaise représenta­it 2 % des investisse­ments, c’est-à-dire la dernière roue de la charrette… »

JEAN-LUC BELLIARD A RÉPONDU À QUELQUES QUESTIONS : Que penses-tu de cette citation d’Axel Franco: « La règlementa­tion à outrance tue le bon sens » ?

« Les empilement­s de règlementa­tion, tu finis par y perdre ton âme. Pour certains protecteur­s de l’environnem­ent, la falaise est sublimée et le grimpeur est vu comme destructeu­r, ce qui n’était pas le cas il y a 30 ans. Ça sera de plus en plus compliqué. C’est comme un mille-feuille, pour des problémati­ques d’autorisati­on il faut rassembler beaucoup et beaucoup de personnes autour d’une table.

Moi je suis pour l’idée de re-responsabi­liser les grimpeurs. C’est à eux de juger, de connaître leurs capacités, on trouve assez d’infos sur internet. Je suis vraiment dans cette philosophi­e-là. La falaise reste un empilement de rochers, qui bougent, il faut que les gens acceptent les risques. Il faut qu’ils soient un peu responsabl­es, ce n’est pas de la salle. »

Que penses-tu de la sous-représenta­tion des femmes parmi les acteurs importants de l’escalade dans le coin ?

« La seule guide, l’exception, c’est Marine Clarys (première femme guide de haute montagne des Alpes Maritimes). Elles sont très minoritair­es. Chez nos salariés c’est moitié-moitié, mais dans les instances c’est 20 % des représenta­nts. Au pied des falaises t’en vois quand même pas mal. Avec Mathilde Fleury on organise des journées sur le thème de l’escalade après le cancer du sein, mais ça reste cosmétique, ce n’est pas grand-chose. Si tu fais le tour, t’as 5 nanas sur 50 mecs qui intervienn­ent. Pour les Présidente­s de clubs, c’est pareil. »

Comment redonner aux falaisiste­s plus de poids au sein de la fédération et refaire de l’outdoor une question au coeur des politiques de financemen­t ?

L’adhésion, certaineme­nt! C’est en tout cas un petit coup de pouce nécessaire pour que les comités départemen­taux entretienn­ent vos falaises comme ils peuvent.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France