Questions à …
Claude Molly-mitton, Président du Club USF (le Club des utilisateurs SAP francophones), par ailleurs responsable Communication et veille AIFE au Ministère de l'économie et des Finances.
Informations Entreprise : En quoi, pour vous, la plate-forme HANA constitue une véritable avancée technologique ?
Claude Molly-Mitton : SAP parle de rupture et ce n'est pas complètement faux puisqu'il s'agit d'une vraie avancée technologique au niveau des possibilités nouvelles que HANA procure. Je pense qu'il y a d'ailleurs eu au départ une petite erreur de positionnement de SAP, erreur au demeurant vite rectifiée, présentant HANA uniquement comme une façon d'accélérer des processus que ce soit dans le domaine décisionnel au début, puis dans le domaine de l'ERP lui-même. Sauf qu'accélérer les processus n'a de sens et d'intérêt que limités parce que l'on a pas forcément toujours besoin de faire en dix secondes ce que l'on peut parfaitement réaliser dans un délai peut- être plus long mais néanmoins suffisant ! Pour moi, la finalité principale d'HANA est, par l'accélération justement que cet outil procure, les possibilités technologiques nouvelles offertes aux entreprises pour essayer d'imaginer des choses qui s'avéraient totalement impensables sans avoir à recourir au préalable à leur service informatique. C'est ce qui explique pourquoi la compréhension d'HANA demande un peu de temps par le monde des métiers et la sphère du business par rapport à ces perspectives nouvelles afin que chacun puisse y trouver des idées nouvelles.
IE : Au niveau de sa mise en oeuvre, d'après les réactions que vous pouvez recueillir, celle-ci est-elle facile à actionner ou, au contraire, complexe et onéreuse ?
CMM : Pour l'heure, il y a peu de retours d'expériences HANA en France. Disons que sa mise en oeuvre n'apparaît pas d'une grande complexité, avec toutefois un bémol concernant son architecture. HANA est en effet une appliance fonctionnant sur des matériels dédiés, ce qui occasionne un coût certain. La complexité n'est pas incommensurable sur l partie décisionnelle et il est encore trop tôt pour se prononcer sur la partie ERP. Disons que de manière générale HANA est une application particulière qui a été mise un peu séparément du reste, mais n'est pas très complexe technologiquement. Son coût a tout de même constitué au départ l'un des freins à son développement avec son positionnement assez élevé compte tenu de la valeur du produit. Je pense que cela l'est moins aujourd'hui et que le frein principal, en tous les cas en France, tient plutôt à notre culture consistant à attendre de voir si cela fonctionne chez les autres avant d'y aller.
IE : Ce serait donc notre mode de pensée qui explique pourquoi la France arrive bonne dernière sur la cartographie actuelle des pays qui utilisent HANA ?
CMM : Il y a une double problématique en France. D'une part et au démarrage, un aspect à la fois culturel et commercial dans la mesure où, comme je vous le disais, HANA se trouvait sur un positionnement de coût non négociable. Or, les français n'aiment pas pouvoir ne pas négocier en termes d'acheteurs. D'autre part, et c'est là pour moi le frein principal, les réticences qui émaillent notre capacité hexagonale à innover et à prendre un risque. Si le métier n'a pas la compréhension de ce que HANA va lui apporter et n'est pas prêt à prendre ne serait- ce qu'un petit risque, alors il y a forcément un blocage. Et tel est le cas dans notre pays où, si HANA intéresse indéniablement, nous en sommes encore à nous demander en premier lieu comment calculer notre retour sur investissement alors qu'il s'agit avant tout de mettre en place une application permettant de développer un nouveau business ou une valeur ajoutée dont on a pas encore le retour ! Sur ce point, nous manquons cruellement de pragmatisme par rapport aux anglo-saxons qui se posent moins de questions et privilégient l'action et le risque.
IE : Au niveau de la sécurisation des données, HANA comporte-t- elle des failles ?
CMM : Ni plus ni moins qu'avant ! Il y a un problème général qui existe dans tous les systèmes informatiques et l'ERP. HANA ne change pas la donne particulièrement au motif qu'elle brasse plus vite les données. Les premiers soucis qui se sont posés mais qui ont été depuis réglés tenaient à l'exploitation de HANA en termes de sécurisation de sauvegarde et de reprise de données à chaud. Mais à dire vrai, ce n'est pas un sujet dont j'ai entendu parler. Le seul frein technique que j'ai pu observé, et encore uniquement en France, se rapporte à la manière dont serait exploitée HANA. Mais là, nous nous trouvons dans la position classique d'une résistance au changement parce qu'il s'agit d'un nouvel outil technique qu'il va falloir intégrer dans les chaînes d'exploitation. Clairement, les deux clés de compréhension du retard français sont la trop grande prise en compte de HANA dans un sujet IT alors qu'il doit l'être par le business et notre culture de résistance au changement.