Infrarouge

Sybille de Margerie, en marge des diktats déco

- Par Aude Bernard- Treille.

Architecte d’intérieur, passionnée d’art et de voyages, Sybille de Margerie connaît l’hôtellerie de luxe depuis son enfance. Elle transmet dans ses projets la « culture française » avec ses codes et son histoire. Anticonfor­miste, elle revisite la décoration des plus grands palaces et donne un supplément d’âme à ces lieux dont le point d’orgue est de « se sentir bien » .

Petite, quel métier vous attirait ?

J’ai toujours pensé à ça. Avec ma soeur, nous rédigions un journal hebdomadai­re, tous les samedis quand nous déjeunions chez mes grands- parents, sur lequel on racontait notre semaine. Ma soeur rédigeait et je faisais la création, sous une forme différente à chaque fois.

Dans quel style avez- vous grandi ? A quoi avez- vous été sensibilis­ée ?

Mes parents étaient très conservate­urs, pas du tout ce que je suis ou ce que j’aime. Le côté Louis XV, classique, je trouvais ça figé, j’avais l’impression d’être dans un musée et ça ne me correspond­ait pas du tout.

Quel a été votre premier projet ?

Puisqu’on avait des hôtels dans la famille, très jeune, j’ai été familiaris­ée avec les palaces et leur atmosphère un peu particuliè­re. Mon premier projet, c’était en stage, j’avais dessiné le mobilier d’un hôtel dans les Caraïbes.

Comment définir votre « patte » ?

On travaille tous avec de la personnali­té, mais je n’affiche pas un style, comme le font beaucoup de gens dans mon métier. Je pars d’une page blanche, je crée à chaque fois un lieu unique et singulier. Mon style est plus subtil, avec un certain attachemen­t au détail, à la couleur.

Quel est le comble du luxe ?

Le temps, car on en manque toujours. Dans mes projets, je suis attentive à donner du « temps de plaisir » , pour faire vivre une expérience particuliè­re, dans un univers visuelleme­nt agréable.

En décoration, quel est l’exercice de style le plus compliqué ?

Tout devient compliqué, mais surtout, l ’exécution. Pour que le rendu soit à l’identique de ce qu’on a conçu sur nos plans, on peut arriver à mettre 200 post- it dans la même pièce, pour signaler des imperfecti­ons !

Quel est le défi le plus fou que vous ayez réalisé ?

La rénovation du Sofitel Old Cataract d’Assouan. J’ai porté ce projet avec une telle énergie que j’en ai eu le dos bloqué lors d’un séjour ! Il y a des endroits où c’est difficile de faire du luxe, car il n’y a pas la culture du luxe en Egypte. Ils l’ont eue, mais ne l’ont plus.

Quel a été votre plus beau succès ?

Ne pas être reconnu pour son nom, mais pour ses compétence­s et j’y suis arrivé avec un nom pas évident, car on peut avoir des a priori.

Le projet qui vous a échappé et que vous regrettez ?

L’hôtel de Crillon qui appartenai­t au groupe familial. Je trouvais que ça aurait été une belle aventure. D’autant plus que je travaille déjà pour son propriétai­re en décorant sa villa en Arabie Saoudite !

Au cours de vos voyages, quel est l’endroit qui vous a le plus charmée et où vous êtiez comme chez vous ?

L’Italie. Quel que soit l’endroit, ce pays a un charme fou, sa culture et la façon d’y vivre me plaisent énormément.

Si vous deviez vivre dans un hôtel, lequel serait- il ?

Mon hôtel. Je ne sais pas si ce sera à Paris ou ailleurs, mais c’est un vrai projet : mon hôtel qui deviendrai­t mon pied à terre.

Que regardez- vous en premier quand vous arrivez chez quelqu’un ?

Ce qui m’arrête, ce sont les gens qui ont su créer des lieux personnels. Si on voit tout de suite la patte d’un décorateur c’est dommage. Je préfère voir des « fautes de goûts » , même si le goût reste personnel et ne se discute pas. Je préfère que les gens s’affranchis­sent de quelque chose de parfait et qu’ils y mettent leur âme, leur vie… C’est terrible ces lieux où rien ne traîne, où tout est fait pour être parfait. C’est comme s’ils s’achetaient un intérieur, comme on s’achète une tenue.

Un conseil ?

Il faut qu’il ait de la vie, qu’on sente du vécu, des souvenirs, de l’humain, que ça ne soit pas figé, il faut oser la couleur. Toutes les couleurs sont dans la nature, c’est naturel et on y est habitué. Pour moi elle révèle l’identité d’un lieu, comme une expérience sensoriell­e.

L’objet déco que vous aimez offrir ?

J’adore les bougies, l’âme de cet objet et son côté éphémère. C’est facile à offrir, il y en a partout dans le monde.

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un intérieur comme on acheterait une tenue.
C’est terrible, ces lieux où l’on sent qu’on a acheté un intérieur comme on acheterait une tenue.
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