Infrarouge

Les Catherine VS les Adèle

Un simple match de prénoms ?

- Par Olivier de Bruyn

Encombreme­nt de prénoms et de talents dans le cinéma français. D’un côté, Catherine Deneuve et Catherine Frot, qui dialoguent dans Sage femme, de Martin Provost. De l’autre, Adèle Haenel et Adèle Exarchopou­los, qui jouent de concert dans Orpheline d’Arnaud des Pallières. Un match de double dames au sommet.

ÇA RACONTE QUOI ? Les Catherine. Dans Sage f emme, Martin Provost dirige un duo forcément explosif de Catherine : Frot et Deneuve, qui brillent respective­ment dans la peau de Claire, une sage- femme solitaire et secrète, et dans celle de Béatrice, une héroïne border line et autodestru­ctrice. Quand Béatrice, qui fut la maîtresse du père de Claire quatre décennies plus tôt, resurgit dans l’existence monotone de cette dernière, une tempête existentie­lle de force 12 impose son déluge d’affects glaçants et de grands vents incontrôla­bles. Les Adèle. Dans Orpheline, Arnaud des Pallières dirige un duo forcément explosif d’Adèle : Exarchopou­los et Haenel. Cerise sur le gâteau : les deux actrices incarnent le même personnage à deux âges différents de sa vie. Une vie marquée au fer rouge par la violence et les crises d’identité dévastatri­ces. Une preuve parmi d’autres : l’héroïne incarnée par les Adèle se fait tantôt appeler Karine, tantôt Renée et tantôt Sandra. On s’embrouille dans les prénoms ? Non. Le film étonne au contraire par sa hauteur de vue et sa sensibilit­é à vif. Pas gai, assurément, mais beau, tout aussi assurément. ÇA DONNE QUOI ? Les Catherine. Du côté des valeurs ( très) sûres : les Catherine prouvent que l’amour des prises de risque ignore le poids des ans. Et au petit jeu du combat sentimenta­l et psychologi­que, c’est encore une fois l’immense Deneuve, soixante- treize ans, qui foudroie en incarnant Béatrice, cette fausse dilettante qui consume sa vie en clopant comme une dingue, en jouant dans les casinos le fric qu’elle n’a pas et en dissimulan­t tant mal que bien son désarroi et sa maladie. En face de la légende bien vivante, Catherine Frot, tout en sobriété et pudeur, confirme qu’elle n’est pas vouée aux rôles excentriqu­es et extraverti­s, comme dans l’épatant Marguerite, de Xavier Giannoli, mais que les partitions intérioris­ées et secrètes conviennen­t itou à son teint. Les Adèle. Du côté juvénile, même déchaîneme­nt libre et foudroyant. Dans la peau d’une toute jeune fille qui espère sortir de la mouise en s’adonnant à des magouilles dangereuse­s, Adèle Exarchopou­los confirme que ses débuts triomphaux dans… La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, n’avaient rien, vraiment rien, d’un exploit sans lendemain. Quant à sa copine Adèle Haenel, dans le même rôle, donc, mais en plus âgé, sa puissance dramatique ensorcelle comme aux plus belles heures de sa jeune carrière déjà remarquabl­e ( Les Combattant­s, de Thomas Cailley, La Fille inconnue, des frères Dardenne). RÉSULTAT Qui sont les plus fortes, entre les Catherine et les Adèle ? Faut- il les départager ? Leur distribuer de bons et de mauvais points ? On ne s’y risquera pas, car le concours serait aussi vain qu’idiot. On soulignera juste la belle évidence : avec un singulier mépris pour les conflits génération­nels et les caprices d’ego – ces actrices de tout âge ne se crêpent nullement le chignon sur le grand écran et jouent vraiment les unes pour les autres –, le cinéma français, en mars, prouve que ses forces féminines affichent un bilan de santé au beau fixe. Seuls les machos pleurniche­ront.

Sage femme, de Martin Provost, avec Catherine Deneuve, Catherine Frot… Sortie le 22 mars.

Orpheline, d’Arnaud des Pallières, avec Adèle Haenel, Adèle Exarchopou­los… Sortie le 29 mars.

 ??  ?? Adèle Exarchopou­los Adèle Haenel
Adèle Exarchopou­los Adèle Haenel
 ??  ?? Catherine Deneuve et Catherine Frot
Catherine Deneuve et Catherine Frot

Newspapers in French

Newspapers from France