Infrarouge

Fleur Pellerin

Ancienne ministre du Numérique puis de la Culture, Fleur Pellerin a quitté la fonction publique pour créer Korelya Capital, un fonds destiné à accompagne­r les investisse­ments coréens en France et à financer les start-up françaises. Rencontre avec cette je

- Par Sophie d’Aulan

Quel a été votre premier job ? En sortant de l’ENA, je suis devenue auditrice à la Cour des comptes. J’auditais les finances de l’État, des ministères et des établissem­ents publics. Ma première mission fut de vérifier celles du Centre Pompidou.

Quel est le premier conseil que vous ayez reçu, et de qui ?

J’ai reçu de nombreux conseils de ma mère durant mon adolescenc­e. Elle m’a inculqué des valeurs qui m’ont ensuite permis d’acquérir une liberté dans mes choix de vie. Ces messages importants m’accompagne­nt encore aujourd’hui.

Votre premier jour au ministère du Numérique ?

Ce fut l’aboutissem­ent d’un chemin incroyable, une arrivée symbolique dans un lieu de pouvoir que je ne connaissai­s que de l’extérieur, lorsque je contrôlais les comptes de l’État. Quand je suis arrivée au volant de ma voiture dans la cour de Bercy, je ne savais pas où aller, où mettre mes affaires. Ensuite, il a fallu gérer de nombreux dossiers.

Quel est le sens premier de « Korelya », le fonds que vous avez créé ? Cela vient du nom de code que j’utilisais avec mes partenaire­s coréens pour désigner notre projet. Il fait référence à la planète Corellia dans Star Wars, celle de l’« Alliance rebelle ». C’est une planète technophil­e, dont la population est d’une grande diversité, porteuse de valeurs qui me plaisent. Comme je ne pouvais déposer ce nom, j’ai forgé celui de « Korelya », avec le « k » de Korea. La start-up Devialet, pépite française du son, a été mon premier investisse­ment. Cette marque hightech possède un très fort potentiel.

Votre premier jour à la tête de Korelya ? Au début, c’était assez artisanal. Je l’ai passé dans ma cuisine à effectuer des démarches administra­tives et juridiques, trouver des bureaux, constituer une équipe.

Qu’avez-vous ressenti lors de votre

premier séjour en Corée ?

Je n’y étais pas retournée depuis mon départ à l’âge de six mois. J’y suis revenue en tant que ministre, entourée d’une nuée de journalist­es qui se mettaient entre moi et mes sentiments. Cela m’a empêchée de vivre mon séjour de façon spontanée. J’ai vraiment redécouver­t ce pays lors d’un voyage, après la fin de mes fonctions ministérie­lles. Le maire d’une ville proche de Séoul m’a invitée à l’inaugurati­on d’une exposition. Ce fut un moment fondateur.

Vous êtes la premiere personne d’origine asiatique à intégrer un gouverneme­nt de la Ve République. Comment l’avez-vous vécu ?

Comme une femme française, ayant la passion de l’intérêt général et honorée qu’on lui donne cette marque de confiance. Certes, pour les Coréens, je suis coréenne. Et pour les Asiatiques vivant en France, ma nomination fut un symbole. Je suis heureuse si elle a permis à la communauté asiatique de se sentir reconnue.

Vous avez été maître de conférence­s à l’ENA. Quel a été le sujet de votre

premier cours ?

C’étaient des cours de management. Je devais former les élèves aux rudiments de la gestion publique. Mais je n’étais pas très à l’aise dans ce rôle. Quelle a été votre premiere intention en lançant en 2013 le label « French

Tech » ?

Quand je suis arrivée à Bercy, j’ai commencé par travailler sur des sujets comme le financemen­t de l’innovation, les solutions pour accroître le business des start-up en France, etc. Il manquait un élément de « branding » rassemblan­t les acteurs du Net sous une même marque. On a donc créé ce nom et un logo, qui représente un coq en origami. Cela a permis de donner à nos start-up de la visibilité à l’internatio­nal.

Votre premier conseil d’administra­tion ?

Le conseil d’administra­tion est l’occasion d’examiner et de discuter les grandes options stratégiqu­es de l’entreprise. Chez Devialet, nous accompagno­ns l’équipe fondatrice dans son expansion à l’étranger : c’est à la fois enthousias­mant et passionnan­t.

Votre premier échec profession­nel ? J’ai voulu faire en sorte que l’État limite les possibilit­és d’optimisati­on fiscale des géants du numérique, sans réussir à convaincre.

Votre premier récompense profession­nelle ? Les témoignage­s positifs des Français lorsque j’étais ministre, et les très nombreuses manifestat­ions de soutien que j’ai reçues par courrier, mail, réseaux sociaux ou dans la rue lorsque j’ai été contrainte de quitter le ministère de la Culture.

Votre premier fierté en tant que femme et patron ?

La cohésion très forte de mon équipe, composée de huit personnes. Nous sommes en mode « commando », tournés vers un projet commun.

Quels sont les premiers atouts qu’un jeune doit mettre en avant lors de son entretien d’embauche ?

Chez Korelya, par exemple, c’est l’engagement personnel qui prime, et le désir pour notre projet. Mais aussi une expertise, la capacité à s’intégrer à une équipe déjà existante. Et la sincérité.

Quel est le premier de vos prochains défis ?

Il s’agit d’un défi parallèle à mon aventure profession­nelle. Lorsque j’étais ministre de la Culture, je souhaitais créer un festival internatio­nal des séries télévisées. La première édition de Cannesérie­s vient d’avoir lieu sur la Croisette au mois d’avril. Je souhaite que ce soit encore une réussite pour les prochaines années.

Un souvenir marquant avec vos parents adoptifs ?

L’arrivée de ma petite soeur, qui avait quatre ans et demi. J’étais en classe de troisième. Nous étions venus l’accueillir à l’aéroport. Je lui avais acheté une poupée et un biberon. Elle ne connaissai­t pas un mot de français. Six mois après, elle le parlait couramment. Ma mère avait une supermétho­de pour l’apprentiss­age de la langue. Aujourd’hui, ma soeur est ingénieur des sciences de la terre.

Vous êtes passionnée de peinture. Quelle a été votre premiere reproducti­on ? Celle d’une toile d’Edward Hopper. J’ai aussi reproduit Bigger Splash de David Hockney. Je me suis formée moi-même et j’ai sans doute été inspirée par ma mère, qui peignait en amateur dans un centre social à côté de chez nous. J’utilise l’acrylique. Je suis un peu obsessionn­elle : quand je commence une toile, il faut que je peigne. Cela me détend.

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