Infrarouge

La stratégie bikini

Le bikini, c’est la mesure de la démesure : 70 centimètre­s de tissu et 72 ans d’audace qui renaissent inlassable­ment chaque 5 juillet, jour anniversai­re de son invention.

- Par Judith Spinoza

Le bikini, du nom de l’atoll des îles Marshall, est une jeune fille qui n’a pas pris une ride, ni en haut ni en bas. Le « maillot de bain plus petit que le plus petit maillot de bain du monde » piaffe de retrouver son monopole de l’été, guère inquiété par les velléités récurrente­s du une-pièce. Comme disait le célèbre humoriste américain Garrison Keillor, « regarder une fille en bikini, c’est comme avoir un revolver chargé sur la table : il n’y a rien de mal à ça, mais il est difficile de penser à autre chose ».

Si certains soupirent d’aise, d’autres commencent gentiment à tressailli­r d’angoisse et à tâter le petit gras de l’hiver – pitié, pas lui ! Depuis son invention par ce coquin de Louis Réard et son fameux défilé du 5 juillet 1946, où trois triangles retenus par quelques bouts de ficelle médusèrent l’assistance, on aurait pu penser que la chose allait être réglée rapidement. Que le Vatican, en le condamnant officielle­ment 18 ans plus tard, rectifiera­it le tir et que nous serions sauvées… Mais elles s’y sont toutes mises, et pas les plus moches : Bardot, sulfureuse en bikini fleuri sur la plage du Carlton pendant le Festival de Cannes 1953, Jane Mansfield à la une de Life en bikini rouge (1957) ou encore Ursula Andress, naïade sous le soleil de Jamaïque dans James Bond 007 contre Dr No (1962). Et, comme si ce n’était pas assez, voilà que Mai 68 déboule, avec tout son lot d’idées libertaire­s, propulsant ce petit bout de tissu de rien du tout comme un étendard d’érotisme et d’émancipati­on. En crochet, en dentelle, en Lycra, il envahit le sable et les corps bronzés, qui ne renâcleron­t pas, bientôt, à enlever le haut.

Mais voilà. En 2018, le bikini est-il toujours de la bombe ? Certaines flippent rien qu’à l’idée de tenir ces minuscules triangles qui tiendraien­t sur nos doigts mieux que sur nos fesses et nos seins. Pourtant, j’ai décidé d’être d’attaque à la plage. Face à la déferlante de ces filles aux corps parfaits ou parfaiteme­nt assumés, face au règne du XXS ou du XXL s’il est bien galbé, j’ai choisi, ce 5 juillet, jour anniversai­re de sa naissance, d’être de la partie. De donner raison à notre cher historien de mode Olivier Saillard, qui soutient que « c’est grâce au pouvoir des femmes et non de la mode que le bikini est peut-être le maillot de bain le plus populaire de la planète ». J’y ajoute une règle, relevée dans un bon vieux journal féminin du temps où ce micro-maillot parachevai­t sa stratégie de conquête. Celle-ci sauvera mon été et celui des femmes, de 20 à 50 ans, qui ne sauraient sortir de l’eau avec l’aisance naturelle d’une nymphe sculptural­e : « Lever la tête et se tenir droite, car votre poids ou la taille de vos seins ne compte pas. Être en bikini, c’est avant tout une question d’attitude. »

« Regarder une fille en bikini, c’est comme avoir un revolver chargé sur la table : il n’y a rien de mal à ça, mais il est difficile de penser à autre chose »

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