Infrarouge

Pierre Niney fait des étincelles

On se souvient de lui, fluet, dans Yves Saint Laurent ou Frantz. Dans Sauver ou Périr, son dernier film, il a pris du muscle pour incarner Franck, un pompier qui se sacrifie afin de sauver ses hommes lors d’un incendie.

- Par Olivia de Buhren

J’ai tout de suite su que ce film allait être unique, la promesse d’un voyage artistique et humain.

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Clément Ader, dans le XVIe arrondisse­ment. Pierre Niney est en pleine promo. Il court. Son attaché de presse me prévient : 40 minutes d’entretien, pas plus. OK, je me prépare, ça ira vite, mais ça sera bon ! Le voilà. Il commande des olives et un thé vert, comme moi. On démarre l’interview.

Olivia de Buhren : Quand vous étiez petit, vouliez-vous être pompier ? Pierre Niney : Non, je voulais être pilote d’avion. Puis j’ai découvert que j’étais nul en maths, myope et daltonien. C’était mort pour être pilote, donc je me suis tourné vers le métier d’acteur. J’ai toujours trouvé que les pompiers, c’était un univers très cinématogr­aphique. Les tenues, les camions, l’esprit qu’on imagine régner dans les casernes, mais aussi celui qu’on ne connaît pas. Il y a quelque chose d’assez mystérieux et, en même temps, chaleureux.

OdB : Aviez-vous déjà vu des films en rapport avec cet univers ?

PN : Il y en a très peu en France. Chez nous, avant ce film, on n’avait jamais rendu hommage à cette profession. Je me souviens du film Backdraft de Ron Howard, de documentai­res sur le 11-Septembre, qui suivent de près les interventi­ons. À la télé, c’est souvent traité de manière sensationn­aliste, mais je suis persuadé que les gens ont envie de découvrir ce sujet sous un angle plus intime. Le réalisateu­r s’est documenté pendant trois ans sur les casernes, et j’ai passé quatre mois avec des pompiers. On avait envie d’un truc authentiqu­e.

OdB : Pourquoi avez-vous accepté ce projet ?

PN : J’ai lu le scénario, il m’a absolument bouleversé. Je trouve qu’il y a quelque chose d’universel sur la manière dont on surmonte les épreuves de la vie, la perte d’un proche, un accident grave… Ce film est un hommage aux héros du quotidien, que ce soit les pompiers, les infirmiers, tous les gens qui trouvent la force de se relever et de se réinventer, d’aller vers la lumière. C’est un hymne à la vie.

OdB : Vous attendiez-vous à vivre des moments forts en faisant ce film ? PN : J’ai tout de suite su que ce film allait être unique, la promesse d’un voyage artistique et humain. J’étais tellement ému qu’on n’a jamais réussi à lire le scénario en entier avec Frédéric Tellier, le réalisateu­r. J’avais la gorge trop nouée pour réciter les dialogues à voix haute. Avec toutes les recherches qu’on a faites sur les accidentés, les grands brûlés, on savait qu’on n’allait pas ressortir du tournage comme on y était entré. C’est l’une des expérience­s les plus bouleversa­ntes de ma vie.

OdB : Vivre dans une caserne, c’est impression­nant ?

PN : J’ai passé quatre mois en immersion totale dans la caserne Rousseau, rue du Jour, à Paris. Ils ont accepté que l’on travaille avec eux, car, assez rapidement, ils ont compris que ce film allait être un hommage. J’ai passé toutes ces semaines au milieu des pompiers, j’ai suivi une formation accélérée, je suis parti de nombreuses

« C’est l’une des expérience­s les plus bouleversa­ntes de ma vie. »

«Le plus impression­nant, c’est d’entrer dans l’intimité des gens, d’être projeté d’un coup dans leur appartemen­t, leur histoire, leur univers. »

fois en interventi­on, la nuit. J’ai également passé l’équivalent d’un brevet de sauveteur.

OdB : Quelle est l’interventi­on que vous n’oublierez pas ? PN : La première est celle qui m’a le plus marqué. C’était la première fois que je montais dans le camion, avec le gyrophare. Il s’agissait d’une tentative de suicide dans un appartemen­t. La mère du garçon nous avait appelés. Une situation de détresse humaine, à la fois dure et bouleversa­nte. Voir de jeunes hommes de 18 ou 19 ans gérer avec sang-froid la situation était assez incroyable. Le plus impression­nant, c’est d’entrer dans l’intimité des gens, d’être projeté d’un coup dans leur appartemen­t, leur histoire, leur univers… Cette situation vous sort de votre zone de confort, de votre quotidien.

OdB : Une scène a-t-elle été plus compliquée à tourner que prévu ?

PN : La séquence d’incendie dans le hangar. On a mis cinq jours à la réaliser. Des pompiers spécialisé­s sont venus nous conseiller. Il y a beaucoup de vrai feu dans le film, même sur moi. Il y a une scène, coupée au montage, où le personnage a une vision de ses doigts qui s’embrasent. Pour la faire, ils m’avaient mis un gel sur les mains et des flammes par-dessus, j’avais vraiment l’impression que mes extrémités brûlaient.

OdB : Aviez-vous déjà joué un rôle aussi éprouvant ?

PN : Non, jamais. Mais c’est sans doute ça qui m’a attiré, ça avait un côté passionnan­t, saisissant, même si cela a été très fatigant. Il s’agit d’un des rôles dont je suis le plus fier, un rôle masqué et, pourtant, un rôle très intime. Or, parler de l’intime est toujours délicat. Les thématique­s abordées dans le film me bouleversa­ient beaucoup, comme celle de la blessure, de l’épreuve, de l’espoir, de la résilience, de la souffrance physique et morale, du couple, de la paternité…

OdB : Iriez-vous jusqu’à dire que ce film vous a transformé ?

PN : Tout à fait. J’ai l’impression d’être plus empathique que lorsque j’ai commencé le tournage. J’arrive mieux à relativise­r les problèmes de la vie, je suis plus indulgent avec les personnes qui rencontren­t des difficulté­s.

OdB : Votre point commun avec Franck, votre personnage ?

PN : On est de nature positive tous les deux. Après, il y a énormément d’aspects de son caractère dans lesquels je ne me reconnais pas. C’est d’ailleurs ça que j’aime, tout le chemin que j’ai eu à parcourir pour m’imprégner de lui.

OdB : Pour vous, s’il y en a une, quelle est la morale du film ?

PN : Pour moi, c’est surtout un hymne à la vie, car l’histoire raconte comment tout peut basculer, la fragilité de notre existence. Cette fragilité fait à la fois l’aspect dramatique de la vie et en même temps sa beauté absolue. Du coup, la seule solution pour s’en sortir est de profiter du moment présent.

OdB : Avez-vous déjà sauvé quelqu’un dans la vraie vie ?

PN : J’espère que mes films ou pièces de théâtre ont pu aider des gens d’une manière ou d’une autre.

OdB : Avez-vous déjà appelé les pompiers ?

PN : Ça m’est arrivé, mais autant vous dire que je ne les perçois plus de la même manière. Avant, j’avais une représenta­tion assez cliché du beau mec musclé… ce qui est aussi le cas, mais pas que. J’ai découvert la vie de famille en caserne, les gens derrière l’uniforme.

OdB : Le rôle que vous rêveriez de jouer ?

PN : Celui que je ne connais pas encore, celui qui va me surprendre.

OdB : Qu’est-ce que vous refuseriez de faire à l’écran ? PN : Rien, tout dépend le contexte et qui réalise. Je n’ai pas d’idées préconçues. S’il y a une belle histoire, un bon réalisateu­r, je peux faire beaucoup de choses.

OdB : Les comédiens que vous admirez ?

PN : Steve Carell, Matt Damon, Kate Winslet, Mathieu Amalric, Vincent Cassel…

OdB : Celui qui vous fait le plus rire ? PN : Ricky Gervais.

OdB : Le dernier film que vous avez vu au ciné ? PN : Le Grand Bain.

OdB : Le film que vous avez le plus vu ? PN : The Truman Show.

OdB : La chose impossible à laquelle vous aimez croire ?

PN : Je ne saurais dire, mais j’aime beaucoup la phrase de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »

OdB : Si vous aviez un message à faire passer à la suite de ce film, quel serait-il ? PN : Il y a plein de petites choses de la vie qui sont vraiment extraordin­aires. J’ai redécouver­t des trucs du quotidien qui peuvent paraître banals, mais qui sont en fait prodigieux.

OdB : Vos projets ?

PN : Je réalise un film, une comédie dramatique dans laquelle je joue également. Mais je ne peux pas vous en dire plus.

Sauver ou Périr, un film de Frédéric Tellier avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier et Chloé Stefani. En salle depuis le 28 novembre.

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