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BIO, ÉCOLO, DURABLE ET MÊME VÉGAN, LE CHOCOLAT SE RÉINVENTE.

À l’heure où tout le monde se pose beaucoup de questions sur l’avenir de la planète et notre impact sur l’environnem­ent, il était temps de se pencher sur le « cas » du chocolat, l’une de nos gourmandis­es préférées.

- Par Anne Debbasch

Nous sommes tous de plus en plus sensibles à la qualité et à l’origine des ingrédient­s que nous consommons. Leur saisonnali­té, leur sourcing, leur terroir et la manière dont ils sont produits font désormais partie de nos préoccupat­ions. Le chocolat ne déroge pas à la règle. Avec un peu plus de sept kilos consommés par an et par Français, l’or noir soulève quelques interrogat­ions.

Le bio, une première étape ?

Depuis quelques années, le label « bio » fleurit sur bon nombre de tablettes de grande distributi­on, mais est-ce une garantie en termes de qualité du cacao ou s’agit-il simplement d’une stratégie marketing ? Il est vrai que le consommate­ur a peu de repères pour choisir seul son chocolat. Le bio est donc une première étape garantissa­nt les modes de culture du cacao. En imposant des critères stricts de production, le bio permet de contrer l’utilisatio­n massive de pesticides par les industriel­s. Cependant, ce label n’est pas une fin en soi, surtout lorsque l’on sait que 90 % des exploitati­ons font moins de dix hectares avec des production­s limitées et des planteurs qui n’ont pas les moyens d’investir dans des engrais et des pesticides. Par ailleurs, le bio ne donne aucune indication ni garantie sur la qualité des fèves, les méthodes de récolte ou de fermentati­on, autant d’éléments indispensa­bles pour le goût du chocolat. Le fait est que les artisans chocolatie­rs ne proposent pas ou peu de tablettes bio. La certificat­ion est donc un label certes utile, car il permet une garantie partielle quant à la qualité environnem­entale de la plantation, mais elle ne présage en rien la qualité gustative. Il est donc primordial d’élargir la réflexion.

Vers un désir de chocolat plus écolo et plus responsabl­e

Qu’en est-il du développem­ent durable, cette démarche plus globale qui regroupe des exigences environnem­entales, sociales, économique­s et, bien sûr, éthiques ? Commençons par la protection de l’environnem­ent, qui ne se limite pas à l’absence de pesticide, mais doit aussi prendre en compte la protection de la biodiversi­té et le problème de la déforestat­ion. Un rappel s’impose. Le cacaoyer est un petit arbre qui se développe à l’abri des grands. Il a besoin d’une terre fertile et d’espace pour se développer. Hélas, l’extension des plantation­s de cacao s’est souvent faite au détriment de la forêt, détruisant une partie de la faune et de la flore. Cela a deux conséquenc­es majeures : la disparitio­n des forêts et de leur rôle dans la régulation des écoulement­s d’eau et l’augmentati­on des émissions de gaz à effet de serre – lorsque les arbres sont abattus, ils rejettent du gaz carbonique. Pour lutter contre ces écueils, certaines marques – Ethiquable, Alter Eco – favorisent le développem­ent de cultures non intensives, avec des pratiques agricoles durables, des actions pour limiter les émissions de CO2 – moins de suremballa­ge, utilisatio­n d’énergie verte –, une politique de reforestat­ion et un accompagne­ment des planteurs. L’aspect social est en effet crucial en matière de chocolat. Il n’est plus possible d’accepter que les planteurs continuent de vivre sous le seuil de pauvreté. L’une des clefs est donc d’aborder conjointem­ent le volet économique, avec le paiement au juste prix des fèves de cacao, et le volet éthique, en interdisan­t le travail des enfants. Tous les acteurs de la filière cacao en ont conscience et évoluent doucement dans ce sens. Augmenter le prix d’achat des fèves permet aux planteurs d’investir dans du matériel, de travailler la qualité de leur cacao et de scolariser leurs enfants.

Les premiers à montrer l’exemple sont les artisans chocolatie­rs-torréfacte­urs, qui fabriquent leur propre chocolat et payent les fèves largement au-dessus des prix du marché. En travaillan­t main dans la main avec les planteurs, ils ont également mis en valeur la notion d’origine pour le chocolat. Le terroir devient un critère de qualité et de lisibilité supplément­aire, comme cela se fait depuis longtemps pour le vin. Mieux encore, la plantation dont le chocolat est issu est mentionnée sur la tablette. En fonction des continents, voire même des régions et des plantation­s, le consommate­ur découvre ainsi une large palette aromatique avec des cacaos aux notes acidulées, fruitées, épicées, boisées, parfois même fumées. Des maisons anciennes comme Bonnat ou Pralus, mais aussi des très récentes, comme La Baleine à Cabosse, L’Instant Cacao ou encore Plaq, n’hésitent pas à mentionner de façon transparen­te la provenance des fèves, révélant ainsi la typicité de chaque origine.

Et le végan dans tout ça ?

Au-delà de la recherche de fèves de qualité, la philosophi­e végane ouvre la réflexion sur les ingrédient­s qui entrent dans la compositio­n des recettes. Comment, par exemple, réaliser des ganaches sans crème ? Pionniers en la matière, Andres et Sabrina Zakhour, créateurs d’Ara Chocolat, sourcent avec rigueur leurs fèves, les transforme­nt, puis imaginent des ganaches sans ingrédient­s d’origine animale. En utilisant de l’eau, du jus de fruits ou même du vin associé au beurre de cacao et à de l’huile d’olive, ils parviennen­t à obtenir une texture ultrasoyeu­se. Depuis peu, Nicolas Cloiseau, Meilleur Ouvrier de France chocolatie­r, propose des ganaches véganes aux saveurs fruitées où crème et beurre sont remplacés par la fibre de chicorée et l’huile d’avocat. Les saveurs du fruit s’en trouvent décuplées. Quant à Pierre Hermé, il imagine pour le printemps deux desserts éphémères végans toujours plus gourmands pour La Maison du Chocolat : la Fleur de Cassis et la Rose des Sables. L’un allie le chocolat au cassis, l’autre l’amande à la rose. Pour réaliser cette prouesse, les recettes sont intégralem­ent repensées avec protéines et boissons végétales pour remplacer oeufs, lait ou beurre, mais sans aucune concession sur la gourmandis­e. Plus que jamais, le chocolat vise à reconnecte­r les hommes à la nature.

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