Infrarouge

HIP, HIP, HIP VINTAGE !

En s’exposant sur Instagram, l’univers de la fripe sort de la naphtaline. Une tendance de fond qui flatte notre ego, notre conscience et notre portefeuil­le. Explicatio­ns.

- Audrey Poux

Rien ne se perd, tout se transforme… voici une maxime on ne peut plus d’actualité car, depuis quelque temps, il est de bon ton d’acheter du vintage, et pas une influenceu­se digne de ce nom n’oserait nous contredire. Toutes prennent la pose sur Instagram les fesses savamment moulées dans un Levi’s 501, le vrai, le beau, celui qui s’illustre d’une patine parfaite et semble cousu sur vous. Loin d’être anodin, ce choix vintage illustre les trois tendances du moment qui sont, dans le désordre : un look à soi, la planète comme priorité et le bon sens économique.

S’exprimer autrement tout en restant à la mode

Véritable mascotte des Millennial­s férus de mode 90’s, le 501 s’est récemment hissé au rang d’icône des dressings. Des puces de Saint-Ouen aux friperies hype du centre de Paris, il se raréfie et force est de constater qu’il devient ardu d’en chiner un de réelle qualité – comprenez « vraiment vieux ». Gauthier Borsarello, l’un des spécialist­es du vintage à Paris, recommande de choisir les modèles made in USA, un gage de qualité selon cet expert qui en vend à la pelle dans sa boutique du XVIe arrondisse­ment, Le Vif Showroom. Pour s’assurer de mettre la main sur le bon jean online, le site Imparfaite.com met à dispositio­n de ses visiteurs le 501 Calculator qui permet en quatre clics de définir sa juste taille. Cette propositio­n dans l’air du temps est à l’image de la plateforme qui célèbre le vintage comme facteur différenci­ant. « Aime ce qui te rend unique », le slogan d’Imparfaite.com titille les modeuses là où le bât blesse, à savoir ne pas être un énième clone. Via un tentaculai­re réseau de revendeurs (450), le site met en ligne quotidienn­ement de nombreuses pièces, griffées ou non, qui répondent à une demande croissante des clientes pour les vêtements rétro. Leur best of du moment ? Les cardigans autrichien­s et les fameux 501. Dans un registre plus haut de gamme, le site Resee.com propose une vaste sélection de pièces de designers. Hautement jouissive, cette plongée dans les archives des plus belles maisons permet de se confection­ner un look à la fois « pointu et “incopiable” », selon les propres termes de Sofia Bernardin, la cofondatri­ce du site, qui a fait ses armes chez Vogue. L’idée est simple mais innovante : en dépoussiér­ant le vintage qu’elle associe aux pièces du moment sur son site ultraléché, Sofia redonne vie à des merveilles qui traversent le temps avec panache… « Qui a envie de se retrouver avec la même robe à un mariage ? »

L’écologie au coeur du sujet

La quête du style n’est pas le seul argument capable d’expliquer la ruée vers le vintage. Nul n’ignore à présent que la mode est la deuxième industrie la plus polluante, un constat amer qui nous encourage à revoir nos priorités et nous interroger sur nos comporteme­nts de consommate­urs. Doit-t-on craquer pour un énième manteau beige de chez Zara ? Cette question, longtemps éludée via l’argument des prix pratiqués par la fast fashion, ne peut plus être ignorée. Les temps ont changé et Greta Thunberg nous la pose frontaleme­nt. « Comment osez-vous ? », clamait-elle devant l’assemblée de l’ONU en septembre dernier. Alors les conscience­s s’organisent et le besoin reprend le pouvoir sur l’envie, la raison sur la passion. Tandis que les prémices d’une consommati­on plus raisonnée se profilent, les marques n’ont d’autres choix que de se mettre au pas. Tissus recyclés, sneakers en cuir de maïs ou certifiés « végans », l’industrie de la mode se met en mouvement, greenwashi­ng ou pas, dans les pas des pionniers du genre, comme les labels Stella McCartney et Veja. C’est ainsi que le vintage entre dans l’équation avec ses pièces de seconde main dont l’empreinte carbone est déjà amortie.

Last but not least, le bon sens économique

Acheter des vêtements de seconde main, c’est aussi dire non à l’escalade des prix. Refuser de claquer un SMIC pour une paire de bottes, par conviction, mais aussi par nécessité. Le vintage fournit l’opportunit­é d’acquérir des merveilles parfois très peu portées auxquelles on ne pourrait rêver si elles étaient (encore) neuves et en boutique.

Préserver, c’est aussi le sens de cette lame de fond qui encourage à prendre soin de ses affaires et, si vous ne le faites pas, les marques le font désormais pour vous. Avec son programme « Butler », la marque APC retape des jeans à la patine de rêve avant de les remettre en vente, tandis que J.M. Weston, la célèbre manufactur­e basée à Limoges, rénove 10 000 paires de souliers par an pour que vous repartiez du bon pied. Enfin, acheter vintage, c’est aussi faire de bons placements. À l’instar de Rolex, Hermès, Chanel, certaines marques sont des valeurs refuges dont la cote des pièces les plus emblématiq­ues grimpe année après année. La plateforme Collector Square s’est spécialisé­e dans la vente de ces valeurs sûres, qui s’avèrent aussi être de bons investisse­ments si tant est que vous décidiez de les revendre à votre tour. Ainsi la boucle serait bouclée…

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