CONTRAT LUXEMBOURGEOIS D’ASSURANCE-VIE
LES RAISONS D’UN SUCCÈS GRANDISSANT
Les assurances-vie de droit luxembourgeois ont le vent en poupe ! L’entrée en vigueur, en décembre dernier, de la loi Sapin II autorisant le blocage temporaire des demandes de rachats sur les contrats français afin d’éviter les phénomènes de retraits massifs en cas de crise a, en effet, suscité une vague d’intérêt de la part des particuliers pour ces produits du Grand-Duché. « Cette loi a eu pour effet de générer la crainte alors que son objectif premier était de protéger les épargnants », analyse Sébastien Veynand, directeur général de Generali Luxembourg.
« Attirés par un cadre prudentiel considéré comme optimal, certains clients se sont ainsi tournés vers le Luxembourg ». Plus sécurisés que les contrats français et offrant aux assurés une grande diversité de supports d’investissement, ces produits ne permettent cependant pas d’échapper à la réglementation hexagonale.
PLUS SÉCURITAIRES QUE LES CONTRATS FRANÇAIS
Si la France garantit aux souscripteurs de contrat d’assurancevie une indemnisation de 70000 euros maximum en cas de défaillance de leur compagnie d’assurances, le Luxembourg, lui, leur fournit la quasi-certitude de récupérer la totalité de leur épargne. « Les contrats luxembourgeois sont soumis à des règles prudentielles particulièrement strictes offrant de fait une protection unique aux assurés », souligne Emmanuel Groshenny, responsable assurance-vie et produits financiers de Mes-placements.fr. « Connu sous le nom de « Triangle de sécurité », ce dispositif réglementaire oblige en effet les assureurs luxembourgeois à placer les sommes collectées auprès de leurs clients dans une banque dépositaire indépendante, préalablement approuvée par le Commissariat aux Assurances (CAA) ».
Concrètement, les dépôts des particuliers ne sont pas inscrits au bilan des sociétés d’assurances comme c’est le cas en France, mais sont séparés de leurs fonds propres. « Alors que l’argent placé sur une assurance-vie dans l’Hexagone n’appartient plus au souscripteur du contrat mais à la compagnie d’assurances qui le propose, la somme investie sur un contrat de droit luxembourgeois reste la propriété de l’assuré », détaille François Leneveu, président du directoire d’Altaprofits. En cas de faillite de l’assureur, les conséquences sont donc limitées pour les clients au sens où l’autorité de contrôle peut, pour protéger leur épargne, bloquer les comptes ouverts par l’assuré auprès de
la banque dépositaire (voir encadré).
UNE GESTION FINANCIÈRE PLUS SOUPLE MAIS AUSSI PLUS COÛTEUSE
Sur le papier, les assurances-vie luxembourgeoises apparaissent comme « La » solution idéale pour diversifier son patrimoine. La raison ? Si seules quelquesunes d’entre elles proposent l’accès à un fonds en euros (comme la Mondiale, par exemple, avec la réplique d’un fonds en euros existant en France), toutes mettent à disposition de leurs assurés un panel d’unités de compte particulièrement large. Mais pas seulement… « La spécificité de ces produits tient à la volonté des gérants d’offrir à leurs clients une offre quasi-sur-mesure via la mise en place de fonds internes dédiés (FID) et de fonds internes collectifs (FIC) » précise Joëlle Mery. Le principe est simple : il s’agit de fonds conçus et gérés par une société de gestion spécifiquement pour un investisseur (FID) ou un groupe d’investisseurs (FIC) en fonction de leur appétence au risque. Atout supplémentaire de ces poches : elles peuvent contenir un large éventail d’actifs à l’image de titres vifs ou de produits structurés.
Sauf que… pour prétendre à ce traitement « à la carte », il faut disposer d’une prime de souscription minimale fixée à 125000 € (pour un FID) par le Commissariat aux Assurances (circulaire 15/3 du 24 mars 2015) … Ce n’est pas pour tout le monde ! Et, en plus, insiste Emmanuel Groshenny, « s’il existe un seuil d’accès légal, chaque société de gestion est libre d’imposer son propre ticket d’entrée tant pour les FID et les FIC que pour le contrat d’assurance-vie luimême ». Et le montant est, en règle générale, élevé (100000 € par exemple pour souscrire le contrat Generali Vie Luxembourg, 250 000 € pour le contrat Cardif Lux Vie…). Or, rappelle Fran-
çois Leneveu, « si, dans le Grand-Duché, vous ne pouvez pas injecter des titres vifs dans votre assurance-vie dès lors que vous ne disposez pas d’un capital suffisant, en France, certains assureurs comme SwissLife proposent cette possibilité à leurs assurés à partir de 3000 euros ». De même, note Sébastien Veynand, « les compagnies françaises disposent d’une offre puissante et facilement accessible aux particuliers en termes de gestion dédiée et pilotée ».
Mais un contrat made in Luxembourg offre d’autres avantages financiers. « Plus que la diversification financière, c’est la diversification géographique offerte à leurs souscripteurs qui fait la force des contrats luxembourgeois », poursuit François Leneveu. Car, outre le fait de placer une partie de son épargne hors de l’Hexagone, ces assurancesvie donnent l’occasion aux assurés d’investir dans des devises autres que l’euro (yen, livre sterling, dollar, francs suisses…). « Cela permet aux clients de se protéger contre les risques de change et se révèle être un véritable avantage pour les expatriés qui disposent de revenus en monnaie étrangère », analyse Joëlle Mery.
Deux bémols néanmoins en matière de frais et de rendement. Si tout dépend, certes, de la politique de commercialisation des distributeurs, les assurances-vie de droit luxembourgeois sont presque systématiquement plus chargées en frais que les contrats français. En cause ? L’intervention d’un intermédiaire supplémentaire en la personne de la banque dépositaire et des coûts de gestion plus élevés du fait d’un accompagnement personnalisé des assurés. Quant à la rémunération servie par les éventuels fonds en euros de ces contrats luxembourgeois, elle est nettement inférieure à celle proposée par les produits hexagonaux. « La plupart des fonds euros présentés dans les assurances-vie luxembourgeoises font l’objet d’une gestion déléguée à un réassureur généralement français. Or, cette réassurance a un coût qui se traduit par une
baisse de 0,20 à 0,30 % en moyenne du taux de rendement affiché par les contrats français », indique François Leneveu.
DES PRODUITS QUI RESTENT SOUMIS À LA FISCALITÉ FRANÇAISE…
Oubliée l’image du Luxembourg comme un paradis fiscal pour l’assuré ! Qu’il soit souscripteur d’une assurance-vie dans le Grand-Duché n’y change rien : tout résident fiscal français est soumis sur son contrat à la législation fiscale française. « Selon le principe de neutralité fiscale qui prévaut au Luxembourg, c’est la fiscalité du pays de résidence du titulaire du contrat qui s’applique », précise Joëlle Mery. Gare donc à ceux qui omettent de déclarer leur contrat au fisc français, ils encourent une amende jusqu’à 10 000 euros par année non prescrite pour chacune de leur assurance-vie cachée à l’administration fiscale (article 1766 du Code Général des Impôts). Sans oublier le paiement d’intérêts de retard et d’éventuels frais de majoration égaux à 80 % de l’impôt dû. Pour autant, rassure François Leneveu, « l’application de la fiscalité française aux contrats luxembourgeois est loin d’être pénalisante car elle permet de bénéficier des avantages fiscaux liés à cette enveloppe tant en termes d’exonération des gains réalisés, passé un certain nombre d’années de détention, que de droits de succession ».
… ET PARFOIS À LA LOI SAPIN II !
Autre limite des produits du Grand-Duché : contrairement aux idées reçues, certains d’entre eux rentrent dans le champ d’application de l’article 49 de la loi Sapin II qui autorise le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) à limiter temporairement les opérations de rachat ou d’arbitrage au sein des contrats d’assurancevie français. « Dès lors en effet qu’un assureur luxembourgeois propose à ses clients un fonds en euros réassuré par une compagnie d’assurance française, celui-ci est concerné par la loi Sapin II », met en garde Emmanuel Groshenny. En revanche, si en France le pouvoir du HCSF est étendu au-delà de l’actif général des contrats et touche également, de fait, les supports en unités de compte, la partie en UC des assurances-vie luxembourgeoise échappe pour sa part à ces mesures réglementaires. Conclusion : « la décision de souscrire un contrat de droit luxembourgeois pour éviter le possible gel temporaire de ses avoirs tel que prévu par la loi Sapin II reste une bonne idée… à condition du moins d’investir la grande majorité de son épargne en UC », observe Joëlle Mery.