DEVEZ-VOUS TOUT DIRE À VOTRE BANQUE ?
À plusieurs titres (sécurité, lutte anti-fraudes et devoir de conseil), les banques ont l’obligation de vous questionner sur l’origine et la consistance de vos revenus et de votre patrimoine. En théorie, libre à vous de refuser de répondre…
Il arrive que votre banque vous interroge sur votre patrimoine et réclame des réponses très précises que vous jugez intrusives… En a-t-elle le droit ? Oui, car dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi qu’au titre de leur devoir de conseil en matière de placements financiers, la loi oblige les banques à recueillir, mettre à jour et analyser les informations qui leur permettent de bien connaître leurs clients (C. monétaire et financier, Art. L. 561-4-1 et suivants ; R. 561-12 et R. 562-12-1 ; L. 533-13 et s). Mais cette obligation légale a ses limites : elle ne concerne que les professionnels visés par l’article L. 561-2 du code monétaire et financier pour les informations qu’ils doivent recueillir sur vous… Et en aucun cas, le fait que vous ayez à y répondre (en en supportant cependant les conséquences)!
ObligatiOn de vigilance de la banque (lutte anti-blanchiment et cOntre le terrOrisme)
Au titre de cette obligation de vigilance, la banque doit vous demander, lors de l’ouverture d’un compte, outre de justifier votre identité et votre domicile, toute information pertinente sur votre situation, vos revenus (montant et provenance), votre patrimoine et vos impôts, ce qui lui permettra de mieux vous connaître afin de vérifier la cohérence de vos opérations à venir. « Ces informations doivent d’autant plus être approfondies que le profil de risques du client potentiel est élevé », explique Jérôme Pedrizzetti, directeur juridique et conformité de la FBF. (Fédération Bancaire Française). Si vous ne répondez pas à ces questions, la banque peut alors refuser de vous ouvrir un compte.
Une fois le compte ouvert, « la situation du client pouvant évoluer, la banque est tenue
d’actualiser régulièrement les informations obtenues », indique Jérôme Pedrizzetti ; « pour cela, elle doit établir un programme de mise à jour de ses dossiers qui devra tenir compte du risque de blanchiment. Si ce dernier est considéré comme élevé, la mise à jour interviendra de manière beaucoup plus régulière – en général tous les ans – par rapport à une personne dont le risque est estimé comme étant standard ». Par ailleurs, le banquier doit également suivre les opérations de son client. « En cas de transactions inhabituelles (par exemple, un salarié dépose ou émet de nombreux chèques en une semaine), la réglementation impose à la banque de vérifier la provenance et la destination de ces fonds, voire l’identité du bénéficiaire », explique Jérôme Pedrizzetti.
« Il faut savoir toutefois que si la banque doit poser toutes ces questions, le client, en revanche, a parfaitement le droit de ne pas répondremais cela aura pour lui des conséquences », rappelle Olivier Gayraud (association de consommateurs CLCV). « Si la banque ne peut pas exercer les contrôles imposés par la loi, elle peut alors retarder voire refuser d’effectuer l’opération demandée ». Elle peut même décider de fermer votre compte. Votre attitude pour ces mouvements suspects que vous refusez de justifier pourrait également l’amener à faire une déclaration de soupçon auprès de TracFin (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins), cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
ObligatiOn de cOnnaissance du client (placements)
« Quand une banque veut proposer des produits financiers à un de ses clients (qu’il s’agisse d’investissement, de placements), elle doit faire en sorte que ses conseils soient adaptés à son profil, ce qui implique de disposer d’informations à jour le concernant », explique Béatrice Belorgey, Directrice de la Banque Privée France de BNP Paribas. Aussi la banque va poser préalablement toutes les questions qu’elle estime pertinentes (sur votre situation familiale et professionnelle, le montant et la provenance de vos revenus et/ou de vos diverses autres ressources ainsi que la composition de votre patrimoine) pour s’assurer que le produit est en adéquation avec votre situation financière, l’objectif du placement (préparation de la retraite, …) et le niveau de risque que vous acceptez. « Le conseiller doit également vérifier par le biais d’un questionnaire que la compétence et l’expérience du client en matière financière sont suffisantes pour bien appréhender toutes les caractéristiques du produit qu’il envisage de lui proposer », indique Jérôme Pedrizzetti. « il doit notamment apprécier sa capacité à subir des pertes et ses objectifs d’investissement, ce qui englobe aussi l’étendue de sa tolérance au risque ».
La banque devra veiller à ce que ces informations soient régulièrement mises à jour afin que ses propositions de produits financiers soient toujours adaptées à votre profil. Il lui faut prouver que cette obligation de recueil d’informations a été accomplie en en conservant une trace écrite. En effet, s’il devait survenir un litige sur la commercialisation d’un placement, c’est à la banque de prouver qu’il était bien approprié. Si vous refusez de répondre aux questions ainsi posées – ce que vous avez le droit de faire (sauf en Banque privée, selon Béatrice Belorgey)-, la banque ne peut plus prendre l’initiative de vous proposer quoi que ce soit. En effet, ne connaissant pas votre profil, elle ne peut pas vérifier si le produit est adapté à votre cas particulier. Ce qui ne vous empêchera pas, par la suite, de la solliciter pour un placement dont vous pensez avoir besoin. Mais, vous devrez, alors, lui donner les renseignements demandés…