Intérêts Privés

SEUILS DOUBLÉS POUR LES MICROENTRE­PRENEURS

ENVIE DE MONTER SA TRÈS PETITE ENTREPRISE ?

-

Le programme du gouverneme­nt en faveur des travailleu­rs indépendan­ts, présenté le 5 septembre dernier, comporte une série de mesures destinées à développer un secteur qui compte près de 5 millions de travailleu­rs indépendan­ts, dont 1,2 million de micro-entreprene­urs (ex auto-entreprene­urs). Dans ce plan figurent deux mesures phares qui vont bouleverse­r ce régime si particulie­r : le doublement du plafond de chiffre d’affaires pour tous les micro-entreprene­urs et l’assujettis­sement à la TVA de certains. De prime abord, le doublement du chiffre d’affaires dès 2018 rend le dispositif plus attractif encore pour ceux qui décideront de franchir le pas l’année prochaine. En revanche, la suppressio­n annoncée de la franchise de TVA à partir d’un certain montant de facturatio­n risque de dissuader ceux qui, précisémen­t, ont choisi la micro-entreprise pour sa simplicité de gestion et l’absence de TVA !

➜ CHIFFRE D’AFFAIRES REHAUSSÉ

Afin de favoriser l’essor du secteur, les pouvoirs publics ont décidé de relever les plafonds de chiffre d’affaires H.T. en les portant respective­ment à :

- 170000 € pour une activité de vente (contre 82 800 € actuelleme­nt) ;

- 70 000 € pour une activité de services (contre 33 200 € en 2017).

Le déplacemen­t du curseur permettra ainsi aux micro-entreprene­urs de développer leur activité sans crainte de basculer dans le régime fiscal réel. « La question du seuil de tolérance en cas de dépassemen­t du CA n’est pas tranchée » fait toutefois remarquer Grégoire Leclerc, président de la Fédération nationale des auto-entreprene­urs et des micro-entreprene­urs (FEDae), qui revendique 80000 adhérents. Actuelleme­nt, sur sa première année d’activité, l’entreprene­ur peut dépasser les plafonds en vigueur à hauteur de :

- 8200 € pour une activité de ventes (soit un CA de 91 000 €) ;

- 2000 € pour une prestation de services (soit un CA de 35 200 €).

➜ MICRO-SOCIAL ET MICRO-FISCAL INCHANGÉS

L’un des atouts du régime de la micro-entreprise reste sa simplicité, notamment en matière de cotisation­s sociales. Avec une règle avantageus­e spécifique : si vous ne réalisez aucun chiffre d’affaires, vous ne cotisez pas. « Mais il faut néanmoins faire votre déclaratio­n, mensuelle ou trimestrie­lle selon votre choix, auprès du RSI » insiste Sophie Genaison, de l’Agence France Entreprene­ur (AFE). Le

rattacheme­nt progressif du RSI au régime général de la Sécurité sociale à compter de l’année prochaine ne remet pas en cause cet avantage. Les taux de cotisation­s sociales actuels (sans CSG à rajouter) sont d’ailleurs reconduits pour 2018 : - 13,1 % pour une activité de vente ;

- 22,7 % pour une prestation de service ;

- 22,5 % pour une activité libérale.

Exemple

Avec un chiffre d’affaires de 70000 €, les cotisation­s sociales s’élèveront à :

- 70000 € x 13,1 %= 9170 € pour une activité de ventes ;

- 70000 € x 22,7 %= 15890 € pour des prestation­s de services.

Fiscalemen­t, c’est également le statu quo avec deux régimes optionnels (voir IP 740, p. 26) :

- le micro-fiscal, avec un taux d’imposition du CA (hors barème IR) de 1 % pour la vente, 1,7 % pour les services et 2,2 % pour les activités libérales ; - le régime fiscal simplifié, avec lequel sont soumis au barème de l’IR seulement 29 % du CA pour la vente (abattement de 71 %), 50 % du CA pour les services et 66 % pour les activités libérales. Cette fiscalité allégée pourrait toutefois être grandement remise en question avec l’assujettis­sement à la TVA à partir d’un certain niveau d’activité.

➜ FRANCHISE DE TVA MAIS SEULEMENT JUSQU’AUX ANCIENS PLAFONDS

La franchise de TVA – le micro-entreprene­ur ne facture pas de TVA à ses clients et ne la récupère donc pas sur ses achats – reste alignée sur les anciens plafonds de chiffre d’affaires (82800 € ventes et 33 200 € autres activités). Une mesure qui soulève un grand nombre d’interrogat­ions, à commencer par le taux applicable (20 %, 10 % ou 5,5 %) lorsque le micro-entreprene­ur fait à la fois de la vente et des prestation­s de service.

« Dans le livre blanc que nous avons soumis aux candidats à l’élection présidenti­elle, nous réclamions le relèvement des plafonds de chiffre d’affaires… Mais avec le relèvement équivalent de la franchise de TVA et non pas avec le maintien des plafonds actuels ! » déclare Grégoire Leclerc, président de la FEDae. Avec la dissociati­on prévue, « la situation de certains micro-entreprene­urs va être complexe », déplore-t-il.

En effet, à ce jour, les services de Bercy n’ont pas répondu à des questions très pratiques : faudra-til tenir deux comptabili­tés séparées, avec et sans TVA? Pourra-t-on sélectionn­er ses clients pour appliquer la TVA aux seules entreprise­s ? En cas d’assujettis­sement à la TVA, pourra-t-on revenir au régime de franchise l’année suivante ? « Commercial­ement, les micro-entreprene­urs qui travaillen­t pour des particulie­rs devront choisir entre majorer leurs tarifs du montant de la TVA ou maintenir leurs prix en l’état et supporter une baisse de revenus », résume le président de la FEDae. « Par ailleurs, nous avons obtenu que les auto-entreprene­urs soient dispensés de l’achat obligatoir­e d’un logiciel de gestion. Mais ceux qui seront soumis à la TVA devront finalement s’en équiper ! ». À moins que, face à ces difficulté­s, les pouvoirs publics ne revoient leur copie et déplacent le curseur de la franchise de TVA pour l’aligner sur les nouveaux plafonds de chiffre d’affaires ? Réponse lors du vote de la loi de finances pour 2018.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France