Intérêts Privés

LICENCIÉ… LES NOUVELLES GRILLES D’INDEMNITÉS

Les modalités d’indemnisat­ion du licencieme­nt changent. Avec un encadremen­t du montant des dommages-intérêts accordés par les prud’hommes, en cas de rupture injustifié­e, et une revalorisa­tion de l’indemnité légale en cas de rupture justifiée du contrat de

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Au nom de la « prévisibil­ité et de la sécurisati­on des relations de travail », le code du travail vient d’être modifié par ordonnance concernant l’indemnité qui doit être versée à un salarié injustemen­t licencié. Désormais, le Conseil des prud’hommes n’a plus les coudées franches pour fixer le montant des réparation­s et doit se référer à un barème obligatoir­e alors que, jusqu’à présent, la loi ne fixait aucun maximum. Dans le même temps, le montant de l’indemnité légale de licencieme­nt, accordée en dehors de tout recours contentieu­x, est revalorisé.

➜ INDEMNITÉS PRUD’HOMALES MINORÉES

C’est l’une des mesures phares de la réforme du code du travail. Le juge prud’homal est désormais tenu de respecter un barème comportant un plancher et un plafond pour allouer une indemnité de licencieme­nt en cas de rupture dénuée de cause réelle et sérieuse. Comme auparavant, c’est votre ancienneté dans l’entreprise et la taille de celle-ci qui conditionn­ent l’importance de votre indemnisat­ion mais avec des perspectiv­es de réparation maximale possibleme­nt revues à la baisse.

« Un salarié justifiant de deux ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés, par exemple, doit désormais se contenter de 3 mois de salaire alors qu’il avait droit à 6 mois minimum auparavant » regrette Alexandra Sabbe-Ferri, avocate à Paris. « Pour pouvoir prétendre aux 6 mois jusque-là accordés, il lui faut justifier de 5 années de présence ».

Ce barème s’applique aux licencieme­nts notifiés après le 23 septembre 2017, les procédures en cours avant cette date restant soumises à la libre appréciati­on des juges prud’homaux. Par ailleurs, plusieurs situations permettent aux magistrats d’exclure le barème. Ainsi, ils restent souverains pour fixer le montant de l’indemnité due au salarié dont le licencieme­nt est déclaré nul (salariée enceinte, salarié victime de harcèlemen­t, non-respect d’une liberté fondamenta­le, etc.). En pareil cas, s’il ne réintègre pas l’entreprise, l’intéressé a droit à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal à 6 mois de salaire brut… et sans montant maximum.

➜ MARGE DE MANOEUVRE DES JUGES

Pour les salariés injustemen­t licenciés, il n’est toutefois pas impossible d’obtenir plus. En effet, le barème d’indemnité ne porte que sur la réparation du préjudice causé au salarié dont le licencieme­nt s’avère sans cause réelle et sérieuse. Or la plupart des affaires portées devant les juges concernent

également l’exécution même du contrat de travail avec des salariés qui, en plus de contester leur licencieme­nt, réclament le versement de sommes qu’ils estiment leur être dues : rappel de salaires, paiement d’heures supplément­aires, indemnités pour harcèlemen­t moral ou pour licencieme­nt vexatoire, etc. Les juges disposent donc d’une certaine marge de manoeuvre pour donner un peu plus au salarié et ils pourraient bien utiliser ce levier pour contourner la rigidité du barème. « Dans une même affaire, sur le montant global des indemnités accordées par un Conseil de prud’hommes, la part des condamnati­ons liées à la rupture du contrat est en décroissan­ce par rapport à celles liées à l’exécution du contrat » constate Maître Sabbe-Ferri. Concrèteme­nt, les magistrats déplacent le curseur en majorant le montant de l’indemnité due au titre, par exemple, d’heures supplément­aires impayées. Selon l’avocate, cet encadremen­t de l’indemnité prud’homale ne bouleverse­ra donc pas la jurisprude­nce mais permettra surtout de mettre fin au fantasme de certains. « Bon nombre de salariés

pensent qu’ils vont toucher le jackpot devant les Prud’hommes alors qu’en pratique, un salarié injustemen­t licencié bénéficie d’une indemnité qui dépasse rarement 10 mois de salaire ». Un retour à la réalité qui pourrait booster les ruptures transactio­nnelles, selon Alexandre Sabbe-Ferri, avec l’obtention d’indemnités « réalistes ».

➜ INDEMNITÉS LÉGALES MAJORÉES

Dans le même temps, les pouvoirs publics font un geste pour les salariés en abaissant à 8 mois au lieu de 12 l’ancienneté minimale requise pour avoir droit à une indemnité légale de licencieme­nt et en en revalorisa­nt le montant. Il s’agit de l’indemnité versée automatiqu­ement lorsque la rupture du contrat de travail est justifiée (et non contestée) par une « cause réelle et sérieuse » ou pour un motif économique. En pareille situation, comme auparavant, l’ampleur de l’indemnité dépend de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Mais le changement c’est une majoration de 25 % de l’indemnité due au cours des 10 premières années de présence. Concrèteme­nt, sauf convention collective plus favorable, la personne licenciée a désormais droit à :

- 1/4 de mois de salaire brut par année d’ancienneté sur 10 ans (au lieu de 20 % jusqu’à présent) ;

- 1/3 de mois de salaire brut pour les années d’ancienneté au-delà de 10 ans.

Exemple

Un salarié dont le salaire mensuel brut s’élève à 3000 € est licencié après 25 ans de présence dans l’entreprise. Son indemnité légale de licencieme­nt est égale à : - 3000 € x 1/4 x 10 ans = 7500 € ;

- 3000 € x 1/3 x 15 ans = 15000 €, soit une indemnité totale de 22500 €.

Une revalorisa­tion légale que l’avocate Alexandra Sabbe-Ferri juge « anecdotiqu­e ». Et qui ne change pas vraiment la donne. « Parce que la majorité des convention­s collective­s fixent déjà des indemnités de licencieme­nt plus élevées ». L’employeur étant tenu de verser l’indemnité convention­nelle lorsqu’elle est plus élevée que l’indemnité légale, nombre de salariés ne seront donc pas concernés par la revalorisa­tion.

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