Intérêts Privés

PAS DE PROBLÈME POUR LE CONJOINT SURVIVANT !

Puisque le conjoint survivant ne paie aucun impôt de succession, pourquoi ne pas prévoir de tout lui laisser ? L’hypothèse est séduisante, mais elle n’est pas sans conséquenc­es pour les enfants. À moduler avec la donation au dernier vivant et l’assurance-

- Éric Houser

Seul un conjoint marié a le statut d’héritier légal en cas de décès de l’autre. Dans le cadre du Pacs, la transmissi­on au survivant est favorisée. Mais, ce dernier n’est pas un héritier légal pour autant (voir encadré p. 37). Le mariage reste donc le meilleur rempart de protection du survivant si l’un des époux décède. À la fois au niveau du régime matrimonia­l, et pour l’héritage proprement dit. Il a des droits importants, qui peuvent encore être améliorés avec une donation au dernier vivant, et un contrat d’assurance-vie.

Des Droits légaux étenDus, et sans impôt

« Le conjoint est d’abord ‘gratifié’ au titre du régime matrimonia­l, grâce à la part qu’il prend dans les biens acquis pendant le mariage », rappelle Nathalie Couzigou-Suhas. 80 % des couples mariés ont adopté le régime légal de la communauté. Au décès d’un conjoint, la moitié des biens communs revient à l’autre, et c’est sur l’autre moitié et les biens propres du conjoint décédé (la succession proprement dite) que s’applique l’héritage. Aucun droit de succession n’est dû par le conjoint sur les biens ainsi recueillis (exonératio­n totale). Et fréquemmen­t, il n’est pas nécessaire de recourir à un partage, car le conjoint reste à la tête du patrimoine en tant qu’usufruitie­r. De sorte qu’aucun droit (fiscal) de partage n’est dû pour liquider la communauté. S’il y a des enfants communs, le conjoint peut choisir pour les biens dont il hérite entre la totalité en usufruit et un quart en pleine propriété. Il a par ailleurs un droit au logement (un an incompress­ible, puis un droit viager si le logement était en propriété). Cette protection basique est très souvent améliorée par une donation au dernier vivant, et complétée avec de l’assurance-vie.

tout pour le conjoint en pleine propriété ?

Défiscalis­er complèteme­nt l’héritage en donnant tout en pleine propriété (par exemple, par un legs universel) au conjoint, c’est possible s’il n’y a pas d’enfants. Mais il faut rappeler que les biens sortent alors définitive­ment de la famille du conjoint décédé (frères/soeurs, neveux/nièces). « En revanche, s’il y a des enfants, ils ont le droit

de demander leur part de réserve, qu’ils soient communs aux époux ou d’une première union », avertit Nathalie Couzigou-Suhas. Attention, s’ils ne le font pas, ils seront au final doublement imposés.

Par exemple : soit deux parents (mariés sous la communauté) à la tête d’un patrimoine de 400 000 €. Tout est commun (biens acquis grâce au travail de chacun). Ils ont deux enfants. Le père décède. • Si la mère reçoit tout en propriété (par une communauté universell­e avec clause d’attributio­n intégrale ; ou par un testament contenant un legs universel, les enfants ne demandant pas leur part de réserve), il n’y a pas de droits de succession à payer. Mais au décès de la mère, à patrimoine constant, les enfants sont taxés sur 200000 € chacun, soit 100000 € après abattement (voir p. 34). Ils ont chacun 18 194 € de droits à payer (en tout : 36 388 €). • Si, au décès du père, la mère choisit de recueillir plutôt l’usufruit du tout, la succession ne s’ouvre que sur 200000 €

(l’autre moitié des biens revenant au conjoint au titre de la communauté).

Comme elle est âgée de

75 ans, la valeur de son usufruit est de 30 % et l’impôt de succession dû par les enfants nusproprié­taires porte donc sur 140000 €

(70 % de

200000 €). La part de chaque enfant étant de 70000 € (montant inférieur à l’abattement de 100000 €), il n’y a pas de droits de succession à payer. Idem au second décès, puisque chacun reçoit (à patrimoine constant) 100000 €, soit juste le montant de l’abattement.

Clause bénéfiCiai­re démembrée

Désigner son conjoint comme bénéficiai­re en premier d’un contrat d’assurance-vie est un grand classique. « Dans ce cadre on peut aussi, et ce n’est pas rare, recourir à la technique du quasi-usufruit en faveur du conjoint survivant », ajoute Nathalie Couzigou-Suhas. De quoi s’agit-il ? La clause bénéficiai­re est « démembrée » (coupée en deux parties, usufruit d’un côté, nue-propriété de l’autre). Au conjoint survivant revient l’usufruit du capital (appelé quasiusufr­uit car il porte sur de l’argent). Les enfants (le plus souvent) ont la nue-propriété, autrement dit rien du tout du vivant de leur parent survivant. Celui-ci fait ce qu’il veut de l’argent. Mais l’intérêt pour les enfants, c’est qu’à son décès on inscrit au passif de la succession une « créance de restitutio­n » : ce qui permet de déduire le capital dû de la déclaratio­n de succession, et diminuer ainsi les droits de succession. D’une pierre, deux coups ! Attention, toutefois, à le prévoir avant 70 ans, pour conserver l’avantage fiscal.

Dans le cadre de l’assurance-vie on peut aussi recourir à la technique du quasiusufr­uit en faveur du conjoint survivant ».

Nathalie Couzigou-SuhaS, Notaire

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