50 nuances de rouge
POUR CHANEL, LA MAKE-UP ARTIST PRODIGE LUCIA PICA REVISITE LA PLUS CLASSIQUE DES COULEURS.
Lumineuse, voilà un adjectif qui caractérise bien la maquilleuse Lucia Pica. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette Napolitaine au sourire radieux confie être influencée par le mezzogiorno, ce milieu du jour italien où la lumière est la plus éclatante et la plus saturée. À l'aube de l'an 2000, après la fin de ses études, Lucia s'installe à Londres et décide de s'y lancer comme make-up artist après que ses proches amis ont souligné à l'unanimité son don inné pour créer ses propres looks. Elle intègre ensuite l'équipe de l'illustre Charlotte Tilbury, dont elle sera la première assistante de 2005 à 2007. S'ensuivront de nombreuses collaborations avec la crème des magazines les plus pointus, parmi lesquels Love Magazine, Another ou encore i-d. Dans le même temps, Lucia collabore avec les grands noms de la photographie : Alasdair Mclellan, Willy Vanderperre, Mario Testino et Juergen Teller, parmi beaucoup d'autres. La patte de Lucia Pica? Un glamour “déconstruit”, de son propre aveu. Selon elle, le maquillage ne doit pas être envisagé comme un masque, mais plutôt comme un moyen de souligner des éléments de personnalité. Elle aime les looks forts et tranchés, “jamais trop parfaits”, préciset-elle avec un sourire espiègle. Sa ligne directrice? Mixer habilement tradition et subversion. Un précepte qu'elle applique à la lettre dans sa première collection pour Chanel, dont elle est Global Creative Designer pour le make-up et la couleur depuis 2014. Lucia insuffle une énergie rock à l'incontournable rouge, qu'elle se plaît à encanailler au gré de ses inspirations. Le rouge constitue d'ailleurs l'une de ses premières madeleines de Proust : la jeune Lucia aimait admirer sa mère appliquant son rouge à la fois sur les lèvres et sur les joues, une habitude qu'elle a conservée et qu'elle a su s'approprier aussi bien sur les shootings que dans sa propre salle de bains. “J'aime créer de la subversion à partir de classiques, permettre aux femmes d'imaginer leur propre univers en expérimentant au maximum. Le rouge est une couleur qui m'inspire profondément, et c'est également l'un des piliers de la maison Chanel, c'était donc une sublime rencontre.” Comment réussir à réinventer encore ce classique indétrônable? En le détournant, pardi. “J'ai voulu apporter une touche de rébellion à cette teinte intemporelle”, explique-t-elle. Lucia inclut par exemple une teinte rougebrun au coffret des mythiques 4 Ombres à paupières. Idem pour la mono-ombre à paupières Illusion d'ombre rouge brûlé, aux évocations organiques. “Appliquer du rouge sur l'oeil peut paraître effrayant, mais j'ai voulu démontrer à quel point cela peut aussi être portable au quotidien, et la façon dont cela peut réveiller l'éclat du regard. Pour les ongles, j'ai voulu apporter quelque chose de plus contemporain et jeune, une texture gelée et transparente, presque orangée. Et concernant le rouge à lèvres, j'ai demandé qu'il soit archipigmenté, histoire d'apporter encore plus de caractère.” Fait plutôt inhabituel dans l'univers de la beauté, aux standards très normés, Lucia Pica n'hésite pas à faire de grands écarts : “Dans cette collection, j'ai également voulu jouer sur l'idée d'opposition : entre le clair et le foncé, le mat et le shiny, les looks minimalistes et les plus radicaux.” À l'image d'isabella Rossellini, l'une de ses inspirations de toujours : “Elle a cette élégance typiquement féminine, à laquelle elle a su insuffler une coolness et un style résolument masculins.”