Jalouse

“Nous sommes nos muses”

Entre un concert pour lui et un défilé pour elle, rencontre à Paris avec Marlon Magnée et Grace Hartzel, un couple d'artistes aux multiples et fascinants visages.

- Par Ana Benabs

“Ça ne te dérange pas de faire l'interview pendant que l'on essaie les

tenues ?” Certaines rencontres se font à des terrasses de café, dans des restaurant­s ou des halls d'hôtel. Mais pour Marlon Magnée, chanteur du groupe néo-yéyé La Femme, et sa girlfriend Grace Hartzel, mannequin pour Dior, Chanel et Tom Ford, entre autres, c'est au milieu d'un dressing pré-shooting, entre les portants et les photos d'inspiratio­ns, que l'entrevue aura lieu, dans une ambiance aussi survoltée que spontanée. “J'ai tendance à être assez speed et désordonné”, nous confie Marlon, tandis que, juste à côté, Grace essaie une énième tenue. Et c'est exactement ce qui fait tout le charme de ce couple : ce paradoxe entre profession­nalisme exacerbé et sincérité désarmante. “C’était presque magique”

C'est en 2015, après un shooting pour le créateur Hedi Slimane, que Marlon se retrouve placé à la même table que Grace au dîner Vogue. “Il y avait un énorme vase en plein milieu de la table, donc j'essayais de croiser son regard, en penchant la tête sans arrêt, mais ce n'était pas évident!” nous raconte le modèle en riant. Et pourtant, le chanteur n'a déjà d'yeux que pour

elle. “La première chose que je me suis dite en la voyant, c'est que je n'avais jamais vu une fille aussi belle, gentille et pure. Pour un mannequin, elle était tout sauf hautaine, d'une simplicité absolue”, se souvient Marlon, qui l'invite alors à danser, mais la perd de vue

quelques minutes plus tard. “On devait forcément se retrouver, il m'a fait l'effet d'un soleil, directemen­t. Il était si mystérieux, si lumineux. C'était presque magique”, relate Grace. Un an après, et quelques actes manqués plus tard, ils sont finalement ensemble. La suite s'écrit rapidement, puisque La Femme dévoile en septembre 2016 son deuxième album, Mystère, dans lequel se balade l'ombre de Grace, “comme une muse”, précise Marlon. Icône du clip Sphynx, voix du morceau Always in the Sun, le mannequin a plus d'une corde à son arc et colle parfaiteme­nt au projet musical du chanteur et de ses acolytes. “Rencontrer Marlon a fait considérab­lement ressortir mon côté créatif. J'ai appris de nouvelles manières d'appréhende­r l'art. C'est une superbe expérience personnell­e que de pouvoir chanter sur scène avec le groupe, de partir en tournée ou de contribuer à

certaines facettes de Mystère, c'est très enrichissa­nt”, raconte Grace. Déjà fort d'un succès planétaire, La Femme confirme sa place de choix dans la nouvelle scène francophon­e et enchaîne festivals et plateaux télévisés. D'outsider du néo-rock français, le groupe devient figure de proue des Frenchies qui montent, aussi bien grâce à ses innovation­s musicales qu'à son esthétique visuelle. Le couple existe tant dans la sphère privée que sur scène, et se révèle alors en entité créatrice aux yeux du public. Cependant, un projet musical à deux n'est pas au planning,

“pour ne pas nous éparpiller”, explique le chanteur. Qu'à cela ne tienne, nous nous contentero­ns d'admirer les rares et imprévues apparition­s de ce duo ponctuel et mystérieux. Du symbolisme à Tamara de Lempicka

Mais Marlon n'est pas le seul à transmettr­e son art à sa moitié, puisque Grace joue aussi ce rôle avec la mode. Sur ce shooting, on retrouve les inspiratio­ns des deux amoureux, aussi fascinés l'un et l'autre par la mystique du mouvement symboliste que par la délicate androgynie Art déco façon Tamara de Lempicka. “On voulait que ces photos représente­nt notre attirance pour l'imaginaire de la sorcelleri­e, de la poésie et de l'espace,

détaille Marlon, le croisement entre la beauté et le terrifiant fait partie de nos deux univers, qui finalement fusionnent sur beaucoup de points esthétique­s.” Résultat, le couple semble s'accorder aussi bien à la ville que sur papier glacé puisque, épaulé par la maquilleus­e et performeus­e Dyna Dagger et la photograph­e Paulina Otylie Surys, il contrôle le projet dans les moindres détails. “Je peux aussi être sa muse !

Nous sommes nos muses !” confie le chanteur en riant, pendant que Grace ajuste son costume d'un air très concentré. Tout du long, l'alchimie règnera en maîtresse. Lorsque l'on se penche sur le quotidien de ces deux artistes, largement relayé sur leurs réseaux sociaux, il est aisé de remarquer à quel point leurs emplois du temps sont chargés : quand l'un fait le tour des scènes de l'amérique, l'autre foule les catwalks de l'europe, et inversemen­t. Pourtant, comme s'ils avaient passé un pacte avec le destin, ils parviennet à se retrouver aux quatre coins du monde, par un heureux hasard. “On s'est retrouvés à Los Angeles en même temps, il y a peu, chacun pour le travail. D'une certaine manière, tout coïncide, explique Grace. Je pense que le destin a quelque chose à voir là dedans : quand ça marche aussi bien sans avoir besoin de se battre, que l'on ne s'use pas à essayer, c'est que ça doit fonctionne­r et qu'il faut en profiter au maximum.” Un conte de fées des temps modernes, avec Hedi Slimane dans le rôle de la marraine, donc. Deux électrons libres Le chanteur et sa muse mannequin, comme un air de déjà-vu ? “Jane Birkin et Serge Gainsbourg ont toujours été des modèles pour moi, je suis tombée amoureuse de leur histoire d'amour à l'âge de 15 ans, confie Grace, et je me suis rendu compte il y a peu de temps que nous étions dans le même schéma avec Marlon, vu nos métiers et notre mode de vie.” Bien que l'harmonie du duo nous renvoie au cultissime couple, Marlon et Grace tracent leur propre chemin, sans s'éloigner de la destinée iconique qui leur tend les bras. Si Marlon se rêve dans une dizaine d'années avec “une vie similaire, mais encore plus dingue, plus affirmée, plus bruyante” dans “un château plein de passages secrets” qu'il aurait lui-même construit, Grace, elle, a des certitudes : “Quoi qu'il arrive, que nous soyons encore ensemble ou non, Marlon et moi seront toujours liés par cette créativité qui nous a rassemblés. Je nous imagine toujours unis, qu'importe la manière, qu'importe la relation que nous aurons.” Après ce court moment de pure rationalit­é, elle virevolte en évoquant son souhait d'être, dans une cinquantai­ne d'années, “sur un très grand yacht, avec des dauphins apprivoisé­s, pour visiter tout un tas d'îles exotiques!” Mais nul besoin de se projeter dans l'avenir pour comprendre comment ces deux électrons libres sont devenus un couple. Ils se regardent toujours comme si c'était la première fois. “Il y a tellement d'hommes en Amérique qui manquent d'assurance. Quand je vois Marlon, qui s'impose comme s'il disait ` Voilà, c'est moi, je suis comme je suis' à chaque pas, ça m'impression­ne énormément”, explique Grace, sans quitter son homme des yeux. Quelques perruques, tenues et feuilles noircies de notes plus tard, le duo et son équipe sont parvenus à mettre en forme leur shooting idéal. Une séance photo où chacun a apposé sa patte, où les univers se croisent, se bousculent parfois, sans jamais s'entrechoqu­er. À l'image de leur relation, c'est cette cohésion et ce besoin d'expression qui feront de cette après-midi une oeuvre d'art à part entière. Plus de place pour le mystère : Marlon semble bel et bien avoir trouvé “la” femme en Grace.

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