Vignes de Smith Haut Lafitte
LE FABULEUX DESTIN DE FLORENCE ET DANIEL CATHIARD AU CHÂTEAU SMITH HAUT LAFITTE
LA FRANCE EST UN TRÉSOR REMPLI DE BEAUTÉS ÉTERNELLES. DES FEMMES ET DES HOMMES EN JAILLISSENT COMME DES PERLES RARES. C’EST LE CAS DES ÉPOUX CATHIARD. LEUR VIE RESSEMBLE À UN CONTE DE FÉES, DONT LES PREMIÈRES PAGES BLANCHES S’ÉCRIVENT SUR LES HAUTEURS DES MONTAGNES ALPINES. LEUR VIE A DÉVALÉ LES PENTES GRENOBLOISES JUSQU’À BORDEAUX. REPORTAGE DANS LES VIGNES DE SMITH HAUT LAFITTE, OÙ LES CATHIARD ONT CRÉÉ LEUR UNIVERS MERVEILLEUX EN TERRE DE GRAVES.
Ducentre de Bordeaux au ChâteauSmith Haut Lafitte, il faut mettre33 petites minutes en voiture,plein sud. Bordeaux, la célèbre citén’en finit pas d’étendre ses brasurbanisés vers le domaine du Château Smith Haut Lafitte. Comme si la grande cité voulait s’emparer de la petite cité du vin, véritable havre de paix unique au monde, où le silence de mère nature est interrompu par le bruit du vin qui coule à flot et qui ronronne dans les barriques du domaine. Un vin qui est très apprécié. Le domaine est protégé par une couronne de bois, où chênes, noyers, charmes, pins et sapins sont les grands architectes des lieux. Comme dans un conte de Perrault, les bois sont plus qu’un décor, ils sont des personnages à part entière. C’est la première impression que ce trésor de verdure donne au visiteur du soir, amou-reux des arts, des lettres et des vins. A son passage, de petites lucioles s’envolent et virevoltent. Elles lui rappellent ces fées merveilleuses aux dons mystérieux, et ces drôles de farfadets, rieurs plutôt que tra-vailleurs. La petite route empruntée est bien une route de campagne. D’ailleurs, ce sont plutôt des chemins : le chemin de Martillac, le chemin du Carosse. Chemin du Carosse ? Oui, vous ne rêvez pas, ou plutôt si, vous rêvez, vous rêvez un rêve éveillé.
L’UNIVERS MERVEILLEUX DE SHL
On pourrait même imaginer un couple royal s’y promener, converser avec les heureux hôtes et propriétaires. Un couple royal qui viendrait du nord pour dégus-ter leurs vins. Ce fut réalité le vendredi 22 septembre 2023. Ce jour-là, le roi Charles III et la reine consort Camilla se rendent au château, lors de leur voyage officiel en France. Une première, qui a marqué à tout jamais l’histoire du châ-teau, l’histoire de Bordeaux, l’histoire de France. Oui, le Château Smith Haut Lafitte est un univers unique au milieu des vignes où se nichent des ateliers, des chais, un hôtel, des jardins d’exception, un laboratoire, des restaurants et des salles de reception.
IDYLLES AU MONT-BLANC
« C’est l’influence de mes vies différentes. Les Sumo, c’est quand j’ai lancé mon agence de publicité. Au milieu de notre vie d’affaires, dans les années 80, j’étais à Paris, et mon mari à Grenoble… Nous, nous fonctionnons par tranche de 10 ans », in-troduit Florence Cathiard, qui reçoit dans son bureau, qu’elle partage avec son jeune collaborateur, Camille Roux. Au mur, des lithographies représentent des Sumo, juste avant le combat. On aurait pensé voir des dessins les représentants, skis aux pieds. « Les années 60 et 70 c’étaient nos années skis. 8 heures par jour, 11 mois sur douze. J’étais une slalomeuse des Alpes du Sud. J’ai été sélectionnée. J’étais entraî-née par Honoré Bonnet. » Ce-dernier n’est pas n’importe qui. Nous fêterons l’année prochaine, le 22 février 2025, les 20 ans de sa disparition. Il a été un grand résis-tant pendant la Seconde Guerre mondiale et a entraîné l’équipe de France pendant une dizaine d’années, de 1959 à 1968. Florence Cathiard, née Bernard, qui a commencé à skier à l’âge de 4 ans, à Le Sauze près de Barcelonnette, va faire la rencontre de sa vie skis aux pieds. Elle est une slalomeuse, lui est un descen-deur. Il s’appelle Daniel. Elle raconte LA rencontre : « Oui, je l’ai rencontré skis aux pieds, quand nous étions adolescents. Et depuis, nous ne nous sommes plus quit-tés. » Florence, native de Béziers, dans les années 50, raconte le coup de foudre, les baisers cachés, les mains dans la main. Son débit est précis, énergique. Elle évoque sa famille et celle de Daniel. « Ma grand-mère avait des vignes à Roquefort-des-Corbières. Mais, je ne les ai pas re-prises. Daniel, lui, avait des barriques. Il a grandi au-dessus des barriques d’Uriage-les-Bains, dans une toute petite épicerie. Sa maman servait la farine à la louche. » Florence a une mémoire fabuleuse. « J’ai rencontré Daniel, j’avais 14 anset demi… La première fois, c’était à Serre-Chevalier. » Séquence cœur-à-cœur.
DES ÉTUDES ET DES LETTRES
Florence a tout pour plaire : elle est belle, intelligente, et, en plus, elle est skieuse. Ses parents, Yvonne et Maurice étaient deux professeurs : sa maman est agrégée de lettres classiques et son papa de phi-losophie. Pas facile, à l’époque, d’être étudiant et champion de skis. « Cela fait cinquante ansque j'ai quitté l'équipe de France, où j'ai rencontré mon mari. C'était la grande époque, lui était avec Jean-Claude Killy, j’étais avec les sœurs Goitschel, qui ont gagné toutes ces mé-dailles. Nous étions ravis de faire partie de l'équipe de France. A l’époque elle était une référence mondiale. Nous étions avec Daniel les seuls étudiants. C'était très diffi-cile de cumuler les études et le ski profes-sionnel. » Les tourtereaux se marient en 1968. « J’avais 20 anset lui 23 et demi. » Ils ont fêté leurs 55 ansde mariage l’année dernière. Florence est comme Daniel, bardée de diplômes, licenciée en langue, avec une maîtrise de Sce Po doublée d’un master à l’IAE. « J’ai fait l’IAE pour être avec Daniel. » Ce couple s’aime, c’est cer-tain. Mais, il ne fusionne pas pour autant
E COMME EPICIER
amiliale, sa maman, Simone, ne pou-vant faire face toute seule aux défis de la continuité. Daniel n’est pas seul. Florence l’accompagne. Ensemble, ils passent des pistes de ski aux planchers d’épicerie. Ils reprennent les supérettes Genty-Cathiard de Grenoble. L’enseigne Genty a été fondée en 1924, il y a 100 ans. Les anciens champions de France junior vont-ils devenir les champions de France de la Grande Distribution ? « C’était très dur. Quand les banquiers ont vu le skieur arriver. Ils sont tous partis. » C’était sans compter l’endurance du couple, qui vit chichement dans un HLM de Grenoble, à Sassenage. « Nous avons eu notre première fille, Mathilde. J’ai dû m’arrêter sept jours. Nous bossions comme des malades… » 10 ansaprès, la transmission est un suc-cès. Le couple reprend même Go Sports, une marque fondée par Michel Deroy, le grand patron de la grande distribution en France, décédé il y a deux ansen Floride. Son grand-père, Ernest Toulouse a été l’un des pionniers du secteur, en créant, il y a 120 ans, en 1904, à Tours, les Docks du Centre. Une réfénce.
EDNE LRAEPDAISSTSRAINBTUPTAIORNLEÀSLPAOPRUTBLICITÉ
Dans les années 1980 le couple Cathiard, qui vient de passer 10 ansdans la grande distribution alimentaire se diversifie, ainsi, dans la grande distribution d’ar-ticles de sport. « Quand nous avons vendu tout le groupe, à la fin des années 80, nous étions montés jusqu’à 9 000 collabora-teurs », se souvient Florence. De 300 à 9 000, la croissance est vertigineuse. C’est le temps des 30 Glorieuses.Les Cathiard ont une bonne étoile, l’étoile du Nord, celle des crêtes, des hauts-som-mets, qui ne les a jamais quittés. « Nous avions hérité d’épiceries et de supérettes que nous n’avions pas pu agrandir. 10 an-saprès, nous avions une cinquantaine de supérettes, une centaine de super-marchés et une demi-douzaine d’hyper. Nous avions dû arrêter le ski et la com-pétition. » Florence se revoit se lever très tôt le matin et allez voir les bouchers à… 5h00, les paupières encore lourdes. « C’est pour cela que je portais des lunettes de so-leil », rit-elle encore. Les Cathiard croisent tous les grands de la grande distribution de l’époque : les Mulliez, les Leclerc, les Deroy. Puis, avec Go Sport ils performent et tutoient de plus en plus les étoiles. Florence décide, à ce moment-là, de fonder son agence de publicité : la Société de Production Publicitaire et Promotionnelle, SP3, à Grenoble. « Au dé-part, nous étions 3. Ensuite, nous sommes très vite montés à une dizaine. Nous avons