INTERVIEW
Nicolas Parlier, Mister Kitefoil
Salut Nicolas, peux-tu me raconter tes débuts en kite ?
En fait, je faisais du cerf-volant depuis que j’étais tout petit. Je crois que mon premier cerf-volant, je l’ai eu à 1 an, ensuite j’en faisais beaucoup. Après j’ai eu des ailes de traction vers 9 ans. À partir de là, j’ai fait beaucoup de buggy sur la plage. J’ai été à l’eau en kite pour la première fois à 13 ans avec une aile à caisson sans harnais. En fait, j’ai commencé en aile à caisson ! Ma première compète, je l’ai faite en 2009 en longue distance à Arcachon. Je n’avais pas de matos, j’avais pris un twintip. Mais j’ai tout de suite accroché. Après je me suis mis à la race. Fin 2010, j’ai débuté le foil et depuis je ne fais plus que ça.
Avec un père célèbre navigateur, n’as-tu pas été tenté par la voile plutôt que par le kite ?
J’ai aussi fait de la voile avec pas mal d’Optimist depuis tout petit, puis du Hobbie Cat et de l’Open 5.70. Mais j’ai toujours été plus attiré par les cerfs-volants que par la voile. Au lycée, j’ai aussi fait section voile.
Est-ce que la tendance de ton père Yves Parlier à rechercher des solutions alternatives à la voile traditionnelle a influencé ton parcours vers le kite ?
Peut-être, enfin non, je ne sais pas. C’est vrai que mon père a commencé en 2007 à tracter des bateaux avec des cerfsvolants avec son projet « Beyond The Sea ». Après il a arrêté quelques années, avant de reprendre. Il ne m’a jamais poussé à la compétition. Il s’intéresse parfois au kitefoil sur des aspects techniques, mais il n’est pas non plus très impliqué sur le design et la recherche. Il n’est pas spécialement impliqué sur ce que je fais, mais voilà, il n’y a pas de problème, j’ai de très bonnes relations avec mon père.
Est-ce qu’être le fils d’Yves Parlier t’a aidé d’une manière ou d’une autre dans ton parcours ?
Je ne crois pas. La plupart des kiteurs de la FFVL ne connaissent pas mon père et son parcours (N.D.L.R. Yves Parlier est un célèbre navigateur qui a notamment remporté la Solitaire du Figaro, la Route du Rhum, la Transat Jacques Vabre, la Transat Anglaise et a pris le départ de trois Vendée Globe. Il est notamment connu pour être un moteur dans l’innovation technologique en voile), donc déjà ça ne risque pas de faire quoi que ce soit. Les sponsors, je ne sais pas, en tout cas ils ne m’ont rien laissé paraître. Ah si, je crois que ça m’a aidé pour rentrer en STAPS, c’est tout.
À propos de la FFVL, que penses-tu du changement de délégation ministérielle pour le kite au profit de la FFVoile intervenu en début d’année ?
Écoute, pour le haut niveau, je trouve que c’est bien parce que ce que nous faisons en kitefoil ressemble quand même beaucoup à ce qu’ils font sur les courses de voile. Donc on va être entouré de gens qui pourront nous apporter beaucoup plus en termes de tactique, de gestion des courses et d’expérience du très haut niveau. Après, je trouve dommage que la FFVoile ne s’intéresse qu’au kite dans la perspective des Jeux olympiques et que le snowkite ou le landkite ne l’intéressent pas. Pour moi, c’est le même sport, c’est du kite, ça ne devrait pas être séparé. Cette décision était aussi un peu difficile par rapport à tout le travail de la FFVL ces dernières années.
Puisque tu évoques les Jeux olympiques, à l’heure où le kitefoil se rapproche de plus en plus de ce statut, est-ce une
perspective qui te fait rêver ?
Non, pas spécialement. Enfin, surtout parce que je sens que si le kite devient olympique ce sera en monotypie et ça, ça ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est repousser les limites du sport et pouvoir travailler sur le matériel. Développer, faire bouger les choses, c’est cela qui m’intéresse. Le kitefoil en monotypie ce serait tellement dommage… Nous avons encore beaucoup de choses à inventer alors ce n’est pas le moment de bloquer l’innovation.
Ne trouves-tu pas que la pratique de la régate en kitefoil se marginalise en regard de la masse des pratiquants du kite?
Non, je ne crois pas. On développe du matos pour repousser les limites et tout le monde en bénéficie. S’il y a de plus en plus de monde qui se met à faire du foil ce n’est pas pour rien. C’est que le kitefoil est top et en particulier dans le petit temps. C’est aussi grâce au kitefoil de race que ça progresse pour tout le monde dans ce sens-là.
Quel regard portes-tu sur le développement du kitefoil pour le grand public?
Ce que je vois c’est qu’il y a de plus en plus de pratiquants, mais je ne suis pas sociologue… Je crois simplement que c’est porteur, car c’est un moyen de naviguer plus.
De ton côté, tu es aussi connu pour être le kitefoileur le plus rapide au monde avec des pointes à plus de 44 noeuds. Où se situe la limite de vitesse en foil selon toi?
Je ne sais pas… Il y a 5 ans, on m’aurait parlé de 44 noeuds, je n’y aurais pas cru. Mais en fait, les perfs les plus hallucinantes, ce ne sont pas celles que je fais en top speed à 150° du vent dans 30 noeuds. Dans ces conditions, le kitefoil n’est pas le plus rapide sur l’eau. Le plus fou, c’est dans le tout petit temps où l’on arrive à aller à quatre fois la vitesse du vent avec des angles de remontée et de descente hallucinants.
Tu es un passionné de développement de matos, peux-tu nous raconter comment ça se passe pour toi à ce niveau ?
C’est beaucoup de tests comparatifs à naviguer avec quelqu’un d’autre, beaucoup de temps passé sur l’eau avec le GPS aussi et beaucoup de compétition.
Combien de protos essayes-tu chaque année pour faire progresser ton matos ?
C’est confidentiel.
Testes-tu seulement du matos de compétition pour toi ou participes-tu également au développement des kites plus grand public ?
Je développe le matos que je vais utiliser en compétition, c’est tout.
Quelle est la considération que les sponsors portent au kitefoil ?
Les marques me semblent intéressées par le développement extrême parce qu’on y apprend des choses. Échanger avec un athlète de haut niveau c’est aussi intéressant et enrichissant. Il y a des transferts à faire dans l’entreprise. Après, le kitefoil c’est un petit sport, un petit marché, on ne roule pas sur l’or.
Tu as choisi de venir au Défi Kite au mois de mai plutôt qu’à la Gold Cup en Corée, pourquoi ?
Je suis venu car c’est une épreuve que j’aime bien. On y rencontre souvent des conditions extrêmes et j’aime ça. L’organisation est vraiment top aussi. Cette année, je m’étais fait opérer des dents de sagesse peu de temps avant donc de toute façon c’était pas idéal d’aller voyager à l’autre bout du monde, d’autant que je n’aime pas trop les conditions en Corée et qu’ensuite on a un mois de juin super chargé. Cette année au Défi Kite, les conditions étaient idéales et on s’est tiré la bourre comme des fous avec Axel Mazella. C’était aussi intéressant, car j’ai utilisé un foil de race pas vraiment conçu pour faire du travers. C’était intéressant de voir comment il se comportait. On a fait les manches à 31 noeuds de moyenne, jibes et sauts pour retirer les algues compris !
Puisque tu évoques Axel Mazella, votre entente et le respect mutuel sont assez frappants alors que vous êtes en concurrence toute l’année pour la victoire et les podiums. Comment expliques-tu cela ?
Je ne vois pas pourquoi on se taperait dessus. On vit des moments super forts ensemble à régater au contact. Il est très fort techniquement et tactiquement, il navigue bien et me repousse dans mes limites tout en étant respectueux des adversaires. On a toujours été potes, et il n’y a aucune raison que ça change, même si on est concurrents sur l’eau.