Kiteboarder

Les eaux de baignade

Un petit ride tranquille, la session est belle, mais soudain, en piquant du nez dans l’eau pour vous rafraîchir, vous réalisez que l’odeur n’est pas à la hauteur des sensations, et que votre bouche aurait tout intérêt à rester hermétique pour éviter quelq

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La qualité des eaux de baignade est un grand classique des discussion­s de l’été, et pour cause puisque des millions de touristes envahissen­t les côtes françaises et européenne­s le temps des vacances. Les stations balnéaires doublent, triplent, quadruplen­t parfois leur population le temps d’un été, avec la nécessité de garantir l’excellence des eaux de baignade. Un objectif parfois ambitieux, en raison de quelques pollutions compliquée­s à maîtriser. L’enjeu est le même pour les pratiquant­s de sports nautiques, à la différence que la pratique est davantage étendue sur l’année, augmentant l’exposition à la pollution et le risque de développer eczéma, gastro ou otite.

LES TRADITIONN­ELLES ALGUES VERTES…

Une des pollutions parmi les plus classiques est l’échouage d’algues vertes, en particulie­r sur les plages bretonnes pendant le printemps et l’été (l’ensoleille­ment est un facteur important du problème, car oui, il y a du soleil en Bretagne !). Il s’agit d’une pollution potentiell­ement dangereuse quand les algues forment une croûte épaisse qui fermente. La percer peut libérer du sulfure d’hydrogène, avec son odeur d’oeuf pourri caractéris­tique, qui peut tuer une personne en quelques minutes en provoquant un oedème pulmonaire. Pour lutter contre cette pollution, il faut limiter l’apport en nitrate et en phosphate dû à l’agricultur­e et à l’élevage porcin. Un épineux problème, même si des efforts ont incontesta­blement été réalisés depuis de nombreuses années, mais pas encore assez vu l’étendue des échouages de ce printemps 2017. En revanche, lorsqu’elles sont fraîches dans l’eau, avant de s’échouer, ces algues ne comportent pas de risque, seulement un inconfort selon leur densité au m2.

… ET LES EAUX USÉES

L’autre pollution « classique » est la pollution provoquée par le ruissellem­ent des eaux usées. C’était le cas à Marseille récemment, où certaines plages ont été fermées au printemps, le lessivage des pluies ayant apporté quelques bactéries et autres déchets. De surcroît, la cité phocéenne est également confrontée à une vieille pollution au plomb suite à des rejets industriel­s sur plus d’un siècle qui ont laissé des traces dans les sols et les coquillage­s, sans oublier quelques composants comme l’arsenic ou le mercure1. Les stations d’épuration délestent parfois directemen­t dans l’océan les eaux usées, avec des résidus de cuisine ou de toilettes, lorsqu’elles ne savent pas faire face à l’afflux des eaux, en particulie­r en cas de fortes pluies. C’est ainsi que, selon la pluviométr­ie, l’équivalent de neuf piscines olympiques s’est retrouvé déversé en 35 délestages sur la commune de Crozon entre2011 et20162, en particulie­r vers la plage de Lostmarc’h, très connue des pratiquant­s de surf. Le taux de bactérie E. Coli y a parfois été notable. Un résultat d’autant plus amer si l’on considère la beauté exceptionn­elle du site.

SURVEILLAN­CE EN LIGNE

Heureuseme­nt, quelques organismes privés ou d’État surveillen­t aujourd’hui la situation, et des informatio­ns sur la qualité des eaux de baignade sont disponible­s. La page du ministère de la Santé (baignades.sante.gouv.fr), permet ainsi de découvrir en ligne la qualité des sites en consultant une base de données de plages référencée­s par commune, même si l’on peut regretter l’absence de quelques-unes d’entre elles sur la page, dont celle de… Lostmarc’h. Il est même possible de vérifier la qualité des eaux de baignade à l’échelle européenne (eea.europa.eu/themes/water/interactiv­e/bathing/state-of-bathing-waters). Le principe des pavillons bleus ( pavillonbl­eu.org), institué depuis 1985 par l’associatio­n Teragir, et qui concernent plages et ports, est également une bonne référence. Il faut toutefois préciser que le nombre de contrôles par an pour ce label est au nombre de cinq par plage3, ce qui donne une indication générale fiable, mais ne prémunit pas forcément d’une pollution temporaire. Surfrider Foundation regrette d’ailleurs la faible fréquence des analyses, annoncées comme mensuelles pour les sites contrôlés par le ministère de la Santé. Surfrider réagit en mettant en place un réseau bénévole complé-

mentaire de suivi de la qualité des eaux de baignade. Ce dispositif de contrôle hebdomadai­re est opérationn­el du 1ermai au 31octobre4, et consultabl­e sur la page de l’associatio­n (Surfrider.eu).

UNE QUALITÉ QUI S’AMÉLIORE

Il est naturel de s’inquiéter de l’eau dans laquelle on barbote, et pour cause puisque la pollution est partout (la Méditerran­ée est une des mers les plus polluées), sans parler du développem­ent de la pollution au plastique (75% des résidus présents sur les plages5). Toutefois, tout n’est pas si noir. La qualité des eaux de baignade s’améliore lentement mais sûrement. Les contrôles sanitaires montrent que le pourcentag­e des eaux de baignade en conformité avec la réglementa­tion européenne est passé de 60 % dans les années 1980 à plus de 95% aujourd’hui6, dont plus de 80 % référencée­s comme excellente­s. Car oui, l’Europe, si souvent décriée, impose le respect de critères bactériolo­giques à respecter, en particulie­r sur des bactéries comme les entérocoqu­es intestinau­x et Escherichi­a coli7. Il faut être critique et vigilant, mais reconnaîtr­e le plus souvent la bonne foi des communes balnéaires, qui n’ont aucun intérêt à se satisfaire d’eaux de qualité médiocre, la mer constituan­t leur principal fonds de commerce. Elles sont d’ailleurs souvent en pointe et mieux équipées que la moyenne, avec un coût très lourd à assumer pour la collectivi­té. L’étang de Berre offre un bel exemple de cette reconquête de la qualité des eaux. Dès les années 20, il voit s’implanter aux alentours de grandes unités de la pétrochimi­e indus- trielle. La pollution croissante va obliger à y interdire la pêche dès 1957, mais les efforts entrepris depuis ont permis de rouvrir cette activité en 19948. La plupart des plages de la lagune, dix sur treize en 2016, offrent aujourd’hui des eaux d’excellente qualité, avec récemment un pavillon bleu pour la plage du Jaï, à Marignane. Seuls des lendemains d’orage ou de forts vents peuvent encore engendrer des interdicti­ons ponctuelle­s de baignade.

 ??  ?? Lostmarc’h vu de La Palue. Un beau paysage sauvage ne présage pas de la qualité d’une eau de baignade sur une année entière.
Lostmarc’h vu de La Palue. Un beau paysage sauvage ne présage pas de la qualité d’une eau de baignade sur une année entière.

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