«Je sens que je vais bientôt me faire draguer»
« Eh oui !, j’avais bien lu dans L’Écho du 5 janvier dernier que le port de La Baule–Le Pouliguen était un nouveau lieu de drague, mais je n’y croyais pas trop, je ne pensais pas que c’était à ce point… Et pourtant, je vous le confirme, cela drague dur, ici.
Moi, le petit banc de sablevase de l’entrée du port, je me trouvais bien dans ce bras de mer, j’ai passé du bon temps, toujours à l’abri des tempêtes, doucement caressé par le flux et le jusant, j’étais tranquillou comme on dit.
Au fil du temps, certes, j’ai pris du poids, mais je me sentais bien, toujours en pleine forme. Évidemment, mon embonpoint s’amplifiant au fil des mois et des années, gênait, paraît-il, de plus en plus les plaisanciers.
Pourtant deux fois par jour, au gré des marées, je me faisais plus petit jusqu’à disparaître totalement. Mais il semble, malgré tout, que ma présence n’était pas vraiment désirée.
Vu mon état guère ragoûtant, je ne pensais pas attirer autant les convoitises ; et pourtant, j’ai comme l’impression, vu l’activité que je constate actuellement entre les pontons, qu’on s’intéresse de plus en plus à moi, j’ai peur de disparaître… et pourtant, j’aimerais rester là.
Moi, simple petit banc de sable-vase, je n’ai rien demandé. Je sens bien (et je ne suis pas le seul à le sentir, étant donné les odeurs un peu fortes parfois) que ma tranquillité touche à sa fin… J’étais pourtant bien ici… mais c’est vrai que tout le monde me regarde, d’un oeil un peu trop insistant à mon goût, et pas par amour sans doute.
Mais promis si je dois disparaître, si on doit m’aspirer, je reviendrai dans quelques temps .... Ce n’est donc pas un adieu, mais juste un au revoir… car j’aime bien aime être avec vous.
Je vais, sans doute, être obligé de me laisser faire, me laisser draguer comme on dit, et pourtant je ne le veux pas.
Dur, dur, la vie d’un banc de sable-vase, vous n’imaginez même pas. »