L’IVG dans la constitution : «La France montre l’exemple»
La Nazairienne Violaine Lucas a pris la suite de Gisèle Halimi à la tête de son association Choisir. La constitutionnalisation de l’IVG a été « un moment fort ».
➜ Vous avez assisté lundi 4 mars au vote pour l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la constitution. Qu’avez-vous ressenti ?
J’étais présente avec la famille de Gisèle Halimi, les petites-filles de Simone Veil… Ne serait-ce que voir les deux assemblées réunies au château de Versailles pour parler de l’IVG, c’était déjà quelque chose de fort. Le silence pendant la prise de parole du sénateur Claude Malhuret était particulièrement frappant : il raconte tout des violences que représentent les IVG clandestines. Nous avons vécu un moment très émouvant au congrès et nous l’avons vécu ensemble, en chantant après le vote, l’hymne des femmes.
➜ C’était l’objectif de
Gisèle Hamili à la création de l’association Choisir la cause des femmes ?
Historiquement, l’association est tellement liée à l’IVG que oui, c’est une consécration pour son travail et son engagement.
➜ Ce vote était encore loin d’être gagné il y a quelques mois. Comment expliquez-vous le changement des dernières semaines, notamment au Sénat ?
Je pense qu’ils ont compris que l’opinion était très en avance sur eux et qu’ils ont eu peur de se ridiculiser. Ils ont vu ce que cela a donné pour le mariage pour tous : il ne viendrait à l’idée de personne de remettre cela en cause aujourd’hui. Il y a eu aussi l’effet contre-productif de l’infographie de CNews qui a choqué et montré une déconnexion de la réalité [dimanche 25 février, la chaîne a diffusé une infographie montrant l’avortement comme première cause de mortalité dans le monde. Elle a depuis reconnu « une erreur », ndlr].
➜ Quel est l’intérêt réel de cette constitutionnalisation ?
On me pose souvent la question : c’est d’une puissance folle. Gisèle Halimi citait souvent cette phrase de Lacordaire : « entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Maintenant, Emmanuel Macron n’a pas d’autre choix que de mettre les moyens dans les politiques publiques pour que le droit à l’IVG soit garanti. Et il va falloir qu’il le fasse, car on connaît la mise à mal des services hospitaliers, les difficultés des plannings familiaux. On sait aussi qu’il s’oppose à une directive européenne sur la définition du viol, ce qui est profondément réactionnaire. Ce « en même temps » est inacceptable. Ce vote, cela donne aussi espoir à toute l’Europe : dans un pays où la gauche se déchire, on arrive à une alliance qui permet cette décision historique. La
France montre l’exemple.
➜ Arrivez-vous à approcher aussi les personnes farouchement opposées à l’avortement ?
On n’en est pas encore là ! On cherche déjà à rappeler et solidifier les engagements de ceux qui se sont déclarés pour. Mais nous martelons que combattre l’IVG, c’est combattre les classes populaires. On a retrouvé dans les locaux de l’association des lettres envoyées par des femmes désespérées cherchant une solution à l’époque illégale… Nous allons les éditer fin 2024. Elles montrent bien que l’avortement de confort, comme en parlait Marine Le Pen, cela n’existe pas.
➜ Quelle est la prochaine étape ?
L’Europe. Nous nous battons aujourd’hui pour notre projet, le meilleur de l’Europe pour les femmes. Il s’agit d’établir les lois les plus efficaces dans chaque domaine du droit des femmes (l’Espagne pour les violences conjugales, la Suède pour le congé parental…) et les rassembler dans une directive européenne.
■ Les deux députés de SaintNazaire et la Presqu’île ont voté pour. « Mon coeur sera toujours pour les droits des femmes et des enfants », a réagi Sandrine Josso sur Facebook. Saluant « une victoire historique », Matthias Tavel rappelle qu’elle « appelle à une action renforcée ».