Manif en marge d’un colloque autour des migrations : 5 militants d’ultradroite devant la justice
Cinq jeunes de la région rennaise étaient devant la justice, mardi 5 mars. Ils prévoyaient de participer à une manifestation en marge du colloque autour des migrations, le 23 septembre dernier. Ils seront fixés sur leur sort le 7 mai.
Passer par le pont de SaintNazaire, en partant de Rennes, pour se rendre à La Rochelle, pour voir des filles… La première version des cinq Rennais, âgés de 21 à 29 ans, n’a convaincu ni les enquêteurs ni les juges du tribunal correctionnel de SaintNazaire, mardi 5 mars.
D’autant que les premiers avaient trouvé dans le véhicule du chauffeur un cutter, des protège-dents, des cagoules, cachecou, bombe lacrymogène, couteau et… un sticker à l’effigie d’Hitler lors de la perquisition.
L’affaire remonte au samedi 23 septembre 2023. La ville de Saint-Brevin-les-Pins est alors placée sous une extrême vigilance, du fait de l’organisation d’un colloque sur la question des migrants. La construction d’un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) secoue la station balnéaire depuis quelque mois.
Interceptés sur le pont
La Clio est interceptée alors qu’elle circule sur le pont et le chauffeur de 24 ans est prié de s’arrêter. Les identités contrôlées, la fouille effectuée, les cinq jeunes, apparemment militants d’extrême droite, sont placés en garde à vue.
À la barre, lorsque le conducteur justifie sa présence ce jourlà par «aller voir des filles à La Rochelle », la présidente ne manque pas d’humour : « Votre GPS doit être sacrément défaillant ! ». Mais le chauffeur finit par admettre : « On savait qu’il y avait une manifestation à Saint-Brevin, mais on ne savait pas si elle était interdite ou pas ».
Comme il précise qu’ils y allaient « de manière pacifique », la présidente insiste :
« Pourquoi, un cutter, un couteau, dans le coffre?» Le jeune se justifie : «Le cutter, c’est pour bricoler, le couteau, c’est quand je déjeune dans ma voiture ou quand je vais en forêt pour des herbiers ».
S’il admet que la bombe lacrymogène est là depuis longtemps, qu’une des cagoules lui servira
« car l’automne arrive », il répond «Je ne sais pas» pour le reste et « je ne veux pas répondre » pour les stickers nazis.
« Maintien de la paix sociale »
Les protège-dents? : « J’en avais un dans mon pantalon, comme j’avais fait de la boxe la veille », affirme l’un. Il a droit à une leçon d’hygiène de la présidente. Les cagoules ? «C’est pour se protéger du froid comme tous les motards lorsque je me promène sur la côte », réagit un autre.
Les prévenus étaient poursuivis pour «participation à un groupement en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens ».
Les trois avocats de la défense, Me Alain Belot (Paris), Maîtres Ermeneux et Valentin Le Dily (Rennes) ont soulevé des nullités de procédure qui ont été jointes au fond du dossier.
Le procureur a estimé qu’elles n’étaient pas recevables.
Si le magistrat a précisé que « l’infraction n’est pas la partie la plus fondamentale », il a insisté sur «la question du maintien de la paix sociale ». Soulignant « des éléments cumulés qui sont un faisceau d’indices », il a demandé au tribunal «de sanctionner la volonté de perturber, de dégrader en dépit du respect d’autrui ».
Me Alain Belot, un des avocats, a aussitôt réagi : « La paix sociale n’autorise pas à placer en garde à vue cinq personnes vues dans une voiture ». Précisant qu’il s’agit «d’une action envisagée pas réalisée », il a plaidé la relaxe pour le port d’arme.
«Les gendarmes sont allés vite en besogne»
Son confrère, Me Bertrand Ermeneux, a ciblé le manque de preuves pour son client de 29 ans : aucune conversation relevée… Il a interrogé les juges : « Doit-il être comptable de ce qui se trouve dans le véhicule dans lequel il est monté?» Il a plaidé la relaxe.
Quant à Me Valentin Le Dily, avocat de trois prévenus, il a avancé : « Les gendarmes sont allés trop vite en besogne. Ils ont cru ferrer cinq poissons, ils avaient la volonté de se faire cinq fachos ». Précisant, « on ne sait même pas si la manifestation a eu lieu», il tance : « Mes clients veulent défendre leurs idées la tête haute, mais en Bretagne et en Loire-Atlantique, ils ne peuvent pas, sachant qu’ils ne sont pas dans le camp du bien, et que lorsqu’ils vont dans ce genre de manifestation, ils savent qu’ils seront agressés par l’extrême gauche ». Il a plaidé la relaxe pour les infractions reprochées : « Il n’y a pas eu de violence ».
Verdict le 7 mai
Mis en délibéré, le jugement sera rendu le 7 mai. Seul, le chauffeur avait une mention pour infraction routière à son casier judiciaire. Le parquet a requis six mois de prison avec sursis pour chaque prévenu.