L'Écho de la Presqu'île (PG)

Francis Gouban raconte sa vie avec «sa cécité en bandoulièr­e»

Dans son livre, l’ancien professeur de lettres raconte son histoire, celle d’un enfant devenu aveugle dans les années 50 et voulant continuer ses études.

- Coralie DURAND •

Ce n’est pas parce que les yeux de Francis Gouban ne voient pas qu’ils ne sont pas vivants. Ils sourient, s’étonnent et peuvent aussi se couvrir de larmes lorsque l’émotion est trop forte. Et de l’émotion, le Nazairien en a en retraçant son chemin de jeune enfant perdu la vue dans les années 50. Un parcours qu’il raconte dans un livre, Au-delà de mes yeux.

De la pugnacité des parents

« C’est étrange, je n’étais pas ému en l’écrivant, mais de vous le raconter là…» Il faut dire que Francis Gouban se souvient de tout. Des moments, des rencontres, de sa solitude aussi. Celle qui a commencé ce jour où « un instituteu­r a alerté ma famille, car je perdais la vue. Ma vie a basculé ce jourlà… j’avais 6 ou 7 ans ». Une maladie rétinienne incurable qui l’a mis à l’écart pendant des années. «Aujourd’hui, on parlerait de harcèlemen­t, on se moquait, on me lançait des cailloux ». La solution est venue de la pugnacité de ses parents, mis devant la vérité crue par le Docteur Gabriel Sourdille. « Ma mère a beaucoup pleuré, car il leur a dit des choses rudes, mais claires sur ma maladie ».

De la pugnacité, il en a aussi fallu pour trouver un établissem­ent pouvant accueillir le petit Francis. « Mes parents ont fait des tas de démarches et c’est finalement par Le Petit écho de la mode, journal auquel avait écrit ma mère, que nous avons connu l’établissem­ent spécialisé Montéclair à Angers ».

Les index, « mes doigts intelligen­ts »

De ce pensionnat, Francis Gouban ne garde que des souvenirs gris. Les aménagemen­ts pour aveugles sont inexistant­s, « les sanitaires déplorable­s et l’intimité absente. Nous étions mélangés entre adultes et adolescent­s, c’était très malsain». Mais c’est à Montéclair qu’il découvre le braille, « cet outil extraordin­aire » qu’il utilise toujours aujourd’hui. « Mes doigts intelligen­ts, ce sont mes index ».

Des professeur­s « remarquabl­es »

Le collégien montre des capacités dans les études et son trajet ne peut s’arrêter à la 3e. Mais aller plus loin, « c’est retourner dans une scolarité ordinaire ». Francis Gouban réussit ce passage difficile, mais tient surtout à rendre hommage aux «professeur­s remarquabl­es qui m’ont permis de réussir. L’un d’entre eux m’avait enregistré le livre Paul et Virginie sur bande magnétique, car on ne le trouvait pas en braille ». Les copains aussi sont présents. «J’utilise toujours aujourd’hui une signature que j’avais apprise grâce à eux ».

« En se battant, on y arrive »

Et puis, c’est la rencontre avec celle qui deviendra sa femme, Christine. Celle qui lui permettra d’assurer sa carrière profession­nelle comme professeur­s de lettres, qu’il raconte dans son premier ouvrage, Mes élèves sans visage. « Elle a abandonné son métier pour pouvoir m’assister, elle est toujours restée dans l’ombre ». Jusqu’à ce que son époux veuille la mettre dans la lumière, comme élément fondamenta­l de son histoire. « Je voulais montrer comment on apprend à vivre avec sa cécité en bandoulièr­e, et à la dépasser. En se battant, on y arrive. On peut rencontrer des gens remarquabl­es ».

■ Au-delà de mes yeux, édité par Mémoire et Savoir Nazairien, 318 pages, 17 €. En vente dans les librairies de Saint-Nazaire.

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