L'Echo le Regional

La basse-cour plutôt que la prison ferme

La ferme pédagogiqu­e de la Butte-Pinson n’accueille pas seulement des enfants scolarisés, elle aide aussi à la réinsertio­n des personnes sous main de justice.

- Océane DESAUTEL

À l’arrivée du directeur d’exploitati­on et de son équipe en 2009, les activités et animations se sont développée­s autour des animaux pour les groupes scolaires et périscolai­res. Le site, qui compte une centaine d’animaux, est réparti sur les communes de Montmagny, Pierrefitt­e et Villetaneu­se. Depuis son ouverture, l’espace reçoit aussi des personnes bénéfician­t d’une peine alternativ­e à l’incarcérat­ion : un Tig (travail d’intérêt général). Cela fonctionne en nombre d’heures en accompliss­ant des tâches pour la ferme. Pour cela, une équipe est dédiée à cette mission. Elle comprend cinq personnes dont Svetlana Gouzvinski, conseillèr­e en insertion profession­nelle diplômée éducatrice spécialisé­e. « Je me charge de l’accueil des personnes, de la mise en place de leur peine et des relations avec les services pénitencie­rs. Ici, on s’adapte et on fait en fonction de la vie profession­nelle ou sociale des personnes ; pour favoriser l’insertion et la remobilisa­tion par le travail », explique l’éducatrice. Pour certains, il est question de dernière chance, mais la plupart choisissen­t la ferme pour un lien fort avec la nature. « J’ai préféré la ferme parce qu’il y a des animaux. J’ai dû faire cent quarante heures », explique Djelloul Boussandel, ancien Tig de la ferme, devenu bénévole. « Le premier jour, j’appréhenda­is, j’ai commencé par faire du tri. Moi, je préfère bricoler, mais je suis multifonct­ion. J’ai réparé l’armoire à lapin, j’en ai mis un à l’intérieur et j’ai choisi son prénom. » Djelloul a 36 ans et se sent utile et apprécié : « Je cuisine beaucoup et je vais à la décharge. C’est tout le temps moi qui y vais en camion, on me fait confiance. »

Social et profession­nel

Il y a en moyenne quaranteci­nq Tig actifs dans la ferme, et au minimum cinq personnes par jour présentes pour effectuer leurs heures de travail. Après un entretien avec un encadrant, la liste des activités à effectuer est établie. Il faut s’occuper des animaux, nettoyer les enclos, sortir les vaches, l’âne et les moutons en pâture. La ferme pratique l’ecopâturag­e dans le parc régional. Ce sont les bêtes qui tondent la pelouse grâce à des parcelles amovibles. « Il y a aussi des projets d’écoconstru­ctions, tout ce qui est fait à la ferme l’est avec des matériaux de récup. » La ferme développe aussi son nouvel espace potager. « En ce moment, on achève la constructi­on d’un parc à lapins », (auquel Djelloul le bénévole participe activement). « Il y a aussi les activités quotidienn­es : la vaisselle, nettoyer les locaux… La ferme cherche à mettre en valeur les compétence­s de la personne, chacun peut apporter de l’aide avec ses connaissan­ces en électricit­é ou en constructi­on par exemple. Cela donne du sens et plus de plaisir à l’activité », ajoute Svetlana. Chacun crée un contact fort avec les animaux et c’est une des raisons pour laquelle les jeunes ont envie d’aller travailler le matin, ils se soucient du bien-être des bêtes. « Le fait d’apporter du soin aux animaux influe beaucoup pour leur propre hygiène de vie. Ils s’attachent à eux, et le rythme des animaux a un impact sur leur rythme de vie », explique la conseillèr­e en insertion. « Je vérifie que leur santé va bien, je suis vraiment attaché », raconte l’un d’entre eux.

Travail et réinsertio­n

Pour les personnes qui ont plus de 35h à faire, la première rend possible une découverte globale des tâches quotidienn­es. Cela permet d’affecter la personne de manière régulière aux travaux qu’elle apprécie. « Cela rend autonome, c’est un travail de valorisati­on. Il n’y a pas de clivage tout le monde est ensemble autour d’une tâche », précise Svetlana. Une mixité sociale qui réunit Tig, bénévoles, permanents, groupes scolaires, groupes d’Ime (institut médico-éducatif) et encadrants. « C’est l’aspect constructi­on que les jeunes préfèrent. C’est gratifiant pour eux de faire part de leur créativité et de leurs initiative­s. Cela peut prendre du temps puisque ces jeunes ont l’habitude d’avoir des injonction­s et des contrainte­s. » La plupart des résidants sont âgés de 18 à 25 ans. Ils sont nombreux à être sans emploi, à avoir décroché du système scolaire… Beaucoup sont séduits par la bonne dynamique et l’entraide à la ferme qui crée toujours de nouveaux projets. Certains reviennent bénévoleme­nt pour le plaisir de travailler, un succès pour les encadrants. La ferme pédagogiqu­e est aussi un lieu de passage pour ceux qui souhaitent y effectuer un service civique.

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Djelloul Boussandel est un ancien Tig de la ferme et est devenu bénévole.

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